La directrice du Musée des Abénakis, Michèle Bélanger, le constate. Une dizaine de jeunes de la réserve avaient été placés dans un pensionnat appartenant à la communauté des Sœurs grises sur la réserve même. Certains étaient orphelins, d’autres issus de familles en difficulté, raconte-t-elle.
Comme ailleurs, ils n’ont certes pas reçu là l’enseignement de leur langue maternelle, poursuit-elle. Chose certaine, les Abénakis en parlent peu. Le musée n’en fait pas mention non plus. « Visiblement, ils n’oublient pas pour autant », estime-t-elle.
À preuve: le musée a tenu, il y a deux ans, une petite exposition de photos dans le hall du musée Mémoires rouges, qui faisait la lumière sur l’histoire des pensionnats indiens du Québec.
« Les gens ont visité cette exposition. Certains pleuraient en ressortant. Leurs souvenirs étaient encore très vivants comme la peine qu’ils rappelaient. Des émotions que le musée respecte, choisissant plutôt de faire connaître les savoir-faire des Abénakis plutôt que ce qu’ils ont vécu. »
Le défi est maintenant de ne pas oublier, mais de pardonner, s’asseoir pour discuter comment y arriver, aller plus loin, conclut-elle.
Vue de l’intérieur
Membre du conseil de bande d’Odanak depuis 2013, Alexis Wawanoloath partage cette vision.
Il ne se reconnaît pas le droit de parler pour les Abénakis d’Odanak, mais a appris l’histoire abénakise à travers les souvenirs que lui racontait sa mère, l’artisteChristine Sioui Wawanoloath.
À 32 ans, il veut contribuer à bâtir l’avenir des siens. Les travaux de la commission, espère-t-il, informeront les non-autochtones qui ne connaissaient pas l’existence de ces pensionnats.
Mais il compte surtout que les gouvernements sauront réagir de belle façon. Car il se rappelle comment les accords de Kélowna 2006 (conclus entre les Premières nations et le gouvernement de Paul Martin) n’ont pas été réalisés. M. Harper a tout annulé.
Le gouvernement Martin avait promis aux Premières nations d’injecter 1,8 milliard de dollars dans l’éducation des jeunes autochtones. Cela devait leur permettre d’avoir un taux de réussite équivalent au reste de la population. « Aujourd’hui, les enfants autochtones ne disposent que de 50% de ce que les enfants non autochtones reçoivent pour s’éduquer. Ce n’est pas normal », déplore-t-il.
Il faut donc que ce rapport accélère leur développement, insiste-t-il. Odanak a toujours entretenu de bons liens avec les municipalités environnantes. « Dans la réserve, on a aussi cette volonté de permettre aux autochtones de renouer avec leur identité », explique-t-il.
Ainsi y dispense-t-on des cours de danse traditionnelle aux enfants ainsi que de cours de langue. Il y a une volonté de renouer avec la culture et le conseil veut qu’elle reste bien vivante, souligne-t-il. « On a donné cette année des cours de battage du frêne afin que les vannières puissent continuer à fabriquer des paniers. »
Ainsi formera-t-on de jeunes leaders qui pourront mieux prendre leur place et s’assurer que leur nation prenne la sienne, conclut-il.