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Elle a fouillé journaux et écrits pour en savoir plus sur les raisons qui expliquent leur succès entrepreneurial. Elle avoue avoir été surprise de découvrir comment ils ont été impliqués à la fois dans le développement économique, culturel et social de Sorel. Elle note comment les frères, Joseph, Arthur et Ludger, ont su ensemble faire fructifier les forces de chacun. « Ils étaient eux-mêmes peu loquaces à ce sujet. Très discrets sur leurs facon de travailler, sauf quand ils s’adressaient à leurs employés, à la radio ou dans le journal d’entreprise, pour alimenter ce qu’ils nommaient l’esprit familial de l’entreprise. »
De fait, ils n’étaient pas différents des patrons issus du capitalisme de leur époque, nuance-t-elle.
Le contexte
Il faut se rappeler de cette décennie marquée par le chômage, la chute des salaires et des conditions de vie des ouvriers, suggère la jeune historienne.
Les entreprises qui échappaient à la faillite étaient bien placées pour résister aux changements revendiqués par leurs employés et pour revoir à la baisse leurs conditions de travail. « Ce choc des aspirations ouvrières et de la rigidité patronale a atteint son paroxysme en 1937 », observe-t-elle.
« Le caractère particulier du mouvement est qu’il se heurte à la famille Simard, un bloc patronal monolithique dominant la vie économique et politique de la région et refusant de négocier », rappelle Mme Ouellet-Riendeau.
« Les industries et commerces les plus importants de la région soreloise se retrouvent graduellement sous l’égide des Simard. De ce fait, les ouvriers ne peuvent se tourner vers d’autres entreprises offrant de meilleures conditions de travail », évoque-t-elle.
De surcroît, une partie des salaires payés aux employés des Simard reviennent dans les poches de ces derniers. « Il n’était pas rare à l’époque, dit-on, pour les employés de magasins qui appartenaient à la famille Simard d’être obligés d’y faire leurs emplettes sous peine de renvoi », rapporte l’historienne.
Le litige a pris fin avec de maigres gains pour les travailleurs, mais il a permis d’explorer les rapports qui se tissaient ou s’effritaient entre les Simard et leurs employés, raporte-t-elle.
Avant 1937, les relations entre les élites économiques locales et les travailleurs se basaient sur la coopération et la bonne entente.
Pendant les grèves, les Simard ne veulent pas céder aux pressions syndicales, mais ils ne blâment pas publiquement les ouvriers de Sorel.
Tout cela relativise évidemment l’idée que les Simard sont d’abord et avant tout de « bons pères de famille », conclut-elle.