Q1. Parlez-nous de votre parcours.
R1. J’ai œuvré dans le Grand Nord, dans les municipalités rurales au Québec, en Afrique et pour l’Organisation mondiale de la santé aux États-Unis. Après 11 ans d’université, j’ai été rattaché à l’Université McGill jusqu’en 2012, soit pendant sept ans. Je suis retourné à la pratique dans un modèle plus social en ouvrant les centres dentaires Véronneau. Je suis également dentiste itinérant. J’ai aussi fait des recherches sur trois continents qui ont impliqué environ 15 000 personnes à ce jour. Chaque fois bénévolement, j’ai également formé une centaine de professeurs d’université.
Q2. Vous traitez la carie comme une maladie. Pourquoi?
R2. Je suis cariologiste, une spécialité non reconnue au Canada, mais je suis membre senior de European Organisation for Caries Research (ORCA). Nous considérons la carie comme une maladie qui a pour conséquence des lésions carieuses en bouche. Nous voyons donc la carie plus biologiquement que mécaniquement. Nous souhaitons intervenir minimalement puisque les lésions carieuses peuvent être réversibles, actives ou inactives. Deux bactéries sont principalement responsables de faire changer le processus normal en celui pathologique (carie), car elles se retrouvent soudainement, souvent par le transfert de salive, en trop grand nombre dans notre bouche. Si on diminue leur présence, on traite plus médicalement la carie dentaire.
Q3. Dans les dernières années, vous avez testé les méthodes traditionnelles pour voir leur efficacité. Quels ont été les résultats?
R3. Tous les produits actuels visent à diminuer les dommages faits plutôt que de contrôler le processus. J’ai réalisé trois essais cliniques en testant les fluorures véhiculés par du vernis, en utilisant les standards modernes. Ces trois études ont donné des résultats non significatifs, c’est-à-dire qu’elles ne démontraient presque aucune incidence sur la diminution des lésions carieuses. Les dentistes appliquent actuellement sans nuance reliée au risque réel, des fluorures qu’ils font payer. Les méthodes n’ont pas changé depuis longtemps au Québec et, malgré qu’elle possède le plus de ressources en santé buccodentaire au Canada, la province va continuer à avoir le pire bilan.
Q4. Quelles sont les solutions que vous proposez pour améliorer la situation?
R4. Nous devrions voir les enfants de six mois avec leurs parents pour les sensibiliser aux risques des lésions carieuses. Les parents partagent souvent la salive avec leurs enfants, par exemple en essuyant leur bouche avec la salive et le doigt, en nettoyant la suce au centre d’achat avec leur bouche avant de la redonner, en goutant la nourriture pour inciter l’enfant à manger ou en testant si la nourriture est trop chaude. En chamboulant la salive du jeune, celui-ci devient avec une flore buccale modifiée et changée vers un risque de carie. Nous avons mené une recherche sur 810 enfants de six mois provenant de quatre régions au Québec et leurs parents il y a quelques années. Les résultats nous ont démontré qu’une intervention éducative livrée aux responsables des enfants entre six mois et 30 mois s’avérait efficace pour prévenir la carie dentaire plus tard à cinq ans.
Q5. Vos recherches vous ont également permis de mettre au point et de tester les effets d’une pâte naturelle au xylitol, une première mondiale. Quelle est la différence entre cette pâte et les autres produits?
R5. Le xylitol est un sucre d’alcool naturel. Il ne cause pas la carie dentaire et est même utilisé dans le monde entier comme éducolorant. Dans la foulée de la hausse de popularité du xylitol, plusieurs produits sont apparus en vente libre sur le web dans des dentifrices sans jamais avoir été évalués. J’ai regardé les recherches et j’ai vu que le xylitol pourrait fonctionner, mais il n’avait été testé qu’à 10% combiné au fluorure. Chaque fois, il n’y avait pas eu d’effets. J’ai décidé de tester en première mondiale une pâte à dent au xylitol à 25%, achetée aux Américains, avec une étudiante au doctorat au Kosovo. On a fait des tests sur 202 enfants de six mois. Un groupe brossait ses dents comme d’habitude avec les pâtes au fluorure et un autre avec la pâte naturelle. Trois ans plus tard, l’analyse des données a démontré pour la première fois que la pâte naturelle au xylitol stricte agit comme agent thérapeutique dentaire. On a fait un second test grâce à mon réseau international avec 34 autres enfants scolaires. Les analyses ont démontré que la pâte naturelle a la capacité de diminuer les bactéries cariogènes pour un traitement plus médical, et ce, même six mois après son arrêt. Le produit traite aussi la maladie carieuse en renversant le processus, diminue le risque carieux et peut augmenter l’efficacité des fluorures. Nous avons donc demandé une licence auprès de Santé Canada via la compagnie Oral Science de Brossard. Nous vendrons la pâte dans les pharmacies et les cabinets dentaires dès le printemps 2018.