Le dossier traîne devant la Cour Supérieure depuis trois ans. La date de procès n’est toujours pas déterminée. La Ville de Contrecœur avait tout d’abord annoncé l’acquisition des 38 hectares situés près de la montée Lapierre en mars 2015 au coût de 1,2 M$. Elle avait mentionné son intention d’exclure le terrain de la ferme Menanmar de la zone agricole pour élargir la montée Lapierre en vue de l’implantation du pôle logistique. L’histoire s’est plutôt transformée en expropriation.
« Ce sont mes terres. Ça fait partie de l’histoire et du patrimoine. C’est sûr qu’il y a de l’émotion. Mon grand-père a foulé la terre. Mon père a foulé la terre. C’est à mon tour et j’espère pouvoir la transmettre à mes enfants. C’est important », affirme l’agriculteur David Ménard.
Plusieurs terres ciblées?
L’Union des producteurs agricoles (UPA) de Marguerite-D’Youville-Longueuil croit que la Ville ne s’arrêtera pas à cette terre. Selon le document Argumentaire du positionnement et définition d’un plan stratégique relatif à l’implantation du pôle logistique dans la région de l’est de l’autoroute 30 déposé auprès du gouvernement en novembre 2014, la municipalité propose d’exclure les terres agricoles dans ce secteur de la zone agricole.
« Ce secteur constitue donc à nos yeux une réserve importante, peu coûteuse et disponible pour les activités du pôle logistique, peut-on lire dans ce document. En réalité, il est même logique de penser que le développement de cette zone sera plus facile que certains des terrains en zone industrielle que nous avons inclus dans nos calculs. »
Dans certaines publicités de la Cité 3000, la Ville de Contrecœur identifie le pôle logistique dans un secteur où on ne retrouve pratiquement que des terres agricoles, selon la présidente de l’UPA, Ginette Blondin. Les terres agricoles valent entre 25 000$ et 35 000$ pour un hectare alors que le même hectare vaut environ 300 000$ pour un terrain industriel, ajoute M. Ménard.
« À ce jour, la Ville semble suivre ce plan, mentionne Mme Blondin. Les terres agricoles sont moins chères que les terres industrielles. On a eu une rencontre au mois de mai avec la mairesse, Maud Allaire. On nous a dit que ce n’était pas grave puisque les agriculteurs ne vivent pas sur leurs terres. Mais en conseil municipal, elle répond évasivement. »
Une trentaine d’agriculteurs se sont présentés au conseil municipal du mois d’avril afin de poser des questions aux élus. Selon Mme Blondin, ils n’ont pas obtenu de réponses satisfaisantes, si bien qu’ils se sont déplacés à nouveau trois mois plus tard à la séance du conseil de juillet. Cette fois-ci, ils étaient une cinquantaine.
« Le projet est en train de se dessiner en dessous. Ils nous disent qu’ils vont nous parler quand ce sera concret. À ce moment-là, ça ne sera plus le temps de négocier. […] Ce sont des terres de qualité. La vallée du Saint-Laurent est la région la plus chaude au Québec. On a une belle richesse dans nos terres », mentionne M. Ménard.
Les agriculteurs souhaitent également que le Port de Montréal, qui possède des terres cultivées non assujetties à la Loi sur la protection des territoires et activités agricoles, s’engage officiellement à garder ses terres en zone agricole afin de demeurer solidaire.
La Ville en attente
La mairesse de Contrecœur, Maud Allaire, a refusé de commenter le dossier d’expropriation d’une terre agricole puisque le dossier se retrouve devant les tribunaux. Elle n’a pas voulu également se prononcer sur une volonté d’acquérir d’autres terres.
« Tout est dans le concept. Il n’y a rien de finalisé. […] Le pôle logistique est tributaire du Port de Montréal. Si l’agrandissement du Port de Montréal ne se réalise pas, il n’y a pas de pôle logistique. On est encore dans des suppositions, dans des concepts futuristes », affirme-t-elle en entrevue.
Dans un communiqué de presse en avril dernier, le conseil municipal de Contrecœur expliquait que des études préliminaires étaient en préparation en collaboration avec la MRC de Marguerite-D’Youville et le ministère de l’Économie, de la science et de l’innovation. Lorsque questionnée sur le sujet, la mairesse a référé la journaliste à l’étude de 2014 Argumentaire du positionnement et définition d’un plan stratégique relatif à l’implantation du pôle logistique dans la région de l’est de l’autoroute 30. « Ce sont des données qui ont été mises à l’avant-plan, qui sont encore sur le site de la Ville. Si elles sont encore sur le site de la Ville, elles sont encore actuelles. »
Dans ce document, on y mentionne, en page 36, que l’acquisition des terres agricoles pourrait se réaliser par un décret gouvernemental. « Moi et mon conseil n’avons jamais utilisé le mot décret. Je n’ai pas à répondre sur ce mot-là. Il faudrait appeler le ministre d’Amour à savoir s’il a l’intention de mettre un décret parce que, moi, je ne peux pas. Ça vient du gouvernement. Je n’ai eu aucune nouvelle de ça. On n’est pas rendu là », répond-elle.
Mme Allaire dit être en attente de l’autorisation du gouvernement fédéral permettant au Port de Montréal d’agrandir son site afin de travailler sur le pôle logistique. Le Port de Montréal a soumis une étude d’impact environnemental cet hiver. Le gouvernement a demandé d’obtenir des précisions avant d’autoriser ou non le projet.
Après que le Port de Montréal ait obtenu l’autorisation du gouvernement, quelle est la prochaine étape pour la Ville de Contrecœur? « Je vais prendre le temps d’en parler avec mon conseil municipal », conclut-elle.