Le barbier Yves Roberge s’en souvient très bien. Celui qui a pris la relève de son père Yvon et de son grand-père Régis a commencé à s’occuper de la tête des clients en 1959.
« On avait bien de l’ouvrage, a déclaré M. Roberge, qui travaillait dans le salon où on retrouvait quatre chaises à l’époque. Le mardi, le mercredi et le samedi, on était ouverts de 8h à 19h et le jeudi et le vendredi de 8h à 21h. Souvent, on n’avait même pas le temps d’aller dîner! À 17h, c’était le boom. Il y avait du monde qui travaillait en avant du salon, à la fin des chiffres, ça arrivait ici. »
M. Roberge se rappelle également des prix d’une coupe en 1959 : 0,80$ pour les hommes, 0,60$ pour les enfants et 0,25$ pour la barbe.
Le plus gros changement est survenu dans les années 70 avec la popularité des Beatles et l’arrivée des cheveux longs dans la mode.
« Le monde avait les cheveux en brosse, maintenant, ils voulaient tous avoir les cheveux jusqu’aux épaules! », a déclaré M. Roberge.
Si, au plus fort de leur existence, plusieurs salons pouvaient compter sur trois ou quatre barbiers, maintenant, ce ne sont que six emplacements qui sont encore ouverts. La relève des barbiers traditionnels ne semble pas non plus arriver, selon Yves Roberge.
« On n’en entend pas parler beaucoup, a-t-il déclaré. J’avais un client, un jeune, qui est allé suivre son cours de barbier à Montréal. Il est allé s’installer à Longueuil, mais il ne voulait pas s’installer à Sorel. »
Barbier nouveau genre
Si la relève chez les barbiers traditionnels semble se dissiper peu à peu, de nouveaux styles de barbiers font leur apparition avec une offre de services différente. C’est le cas du salon Rising Kings qui, en plus d’offrir le service de barbiers depuis un an et demi, est à la base un centre de perçage et de tatouage.
« La vague des nouveaux barbiers a commencé dans les grandes villes et maintenant, ça dérive dans les plus petits marchés, a affirmé le barbier Jason Joyal, qui a commencé à travailler sur les têtes de ses amis durant son adolescence. Il y a une bonne ambiance, les gens apprécient ça. C’est ce qui nous différencie des autres places. »
Si le style et l’ambiance sont différents que chez les barbiers traditionnels, la relation entre un client et un barbier reste la même.
« Ce qui se dit dans un salon de barbier reste dans un salon de barbier, a déclaré M. Joyal. On n’a rien réinventé. La base reste la base. Il y a des choses qui se disent que jamais tu n’aurais pensé savoir. Les personnes s’ouvrent, c’est plaisant. »
Le barbier Marcel Bégin n’est plus
Marcel Bégin, un barbier de Sorel-Tracy qui pratiquait son métier depuis 56 ans, s’est éteint le 12 juillet.
Celui qui avait son salon au coin des rues Élizabeth et Limoges a rencontré plusieurs personnes au long de sa carrière.
« Les gens me racontent leur vie et je les écoute, avait confié M. Bégin au journal La Voix en 2013. J’ai vu plusieurs gars pleurer ici, quand ils perdent leur femme ou la garde de leurs enfants, par exemple. Ils comptent sur moi, ils ont besoin de me parler, et je suis là pour eux. »
La fidélité de la clientèle de M. Bégin, il la devait à sa passion, avait-il déclaré.
« J’ai toujours été passionné, je n’ai jamais pensé à changer de métier, même dans les moments les plus difficiles, s’était-il souvenu. J’aime rencontrer des gens, voir le monde. »
Le conseiller municipal du Vieux-Sorel, Jocelyn Mondou, connaissait bien M. Bégin et en garde un bon souvenir.
« C’était un chic type, c’était un monsieur qui était à sa place, a-t-il confié. Moi, j’ai commencé à me faire couper les cheveux avec lui et je suis resté plusieurs années. C’était un gars qui était calme, qui racontait des histoires. Vraiment, c’était un chic type. »
« C’était un gentleman, a confirmé le barbier Jason Joyal, qui connaissait lui aussi M. Bégin. J’y suis allé souvent quand j’étais jeune, je le regardais travailler. J’aimais bien l’ambiance. »
Durant toutes ses années, M. Bégin avait estimé avoir coupé les cheveux environ 150 000 fois.
« C’est un salon où plusieurs personnes allaient, a affirmé M. Mondou. Il était réellement achalandé, il avait une bonne clientèle. »