Le photographe Simon Ménard a même utilisé l’art contemporain pour se faire entendre. La semaine dernière, il a installé des images sur la fondation qui est demeurée en place après la démolition des bâtiments. On peut voir deux bouches qui semblent crier en direction d’une oreille, avec l’inscription « l’art de tout prendre » écrite à la craie.
« L’art, c’est de la communication. Souvent avec les mots, on croit réellement que l’on se comprend, mais encore faut-il bien se parler et bien s’écouter pour s’entendre, a-t-il écrit dans une publication. L’Art à tout prix? L’Art de tout prendre. On aimerait bien vous écouter. Vous vous écoutez? »
Sa conjointe, l’ancienne conseillère et gérante d’artistes Corina Bastiani, a adressé une soixantaine de questions au conseil municipal sur les tenants et aboutissants du projet, mais le maire Serge Péloquin a préféré ne pas les lire devant les caméras, le 1er juin. Il y a également la photographe Nathalie Bergeron (NathB) qui avait envoyé un courriel à la Ville de Sorel-Tracy. Une correspondance qui n’a pas trouvé écho lors de l’assemblée tenue à huis clos.
Celle qui travaille en médiation culturelle depuis 2013 estime que le dossier devrait être mis « sur pause » pour que les citoyens puissent en discuter. « Un tel projet se doit de se bâtir pour qu’une vraie démocratisation de la culture ne soit pas un sujet de quelques-uns, mais bien pour l’ensemble de citoyennes et citoyens de tout horizon, a-t-elle soutenu. Nous avons déjà une grosse sphère blanche qui ne reçoit qu’une fraction des visiteurs prévus. »
« Nous voulons une société qui se développe en harmonie avec le milieu, de travailler collectivement dans la réalisation de beaux projets rassembleurs, avec des intervenants du milieu, avec les artistes émergents comme nos grands sages, avec des citoyens petits et grands, impliqués dans des projets où l’humain fait partie intégrante des belles réalisations et de la réussite de nos actions pour la fierté de nos générations », a-t-elle ajouté.
L’artiste-peintre Victorien Pilote, qui est l’un de ceux qui avait signé la pétition en appui au projet d’une centaine d’artistes qui avait circulé il y a environ quatre ans, a pris la peine de faire une « mise au point » après que son nom ait été mentionné par le conseiller Patrick Péloquin lors de la séance publique du 19 mai.
« Oui, il y a quelques années, j’ai signé une pétition en faveur de l’implantation d’un Centre d’art contemporain à Sorel. Non, je ne donnais pas ainsi mon imprimature ou un sauf-conduit à une cession en emphytéose d’un domaine public sur les quais Richelieu et surtout pas un appui aux promoteurs du projet dont je questionne les capacités et le sérieux. Réserves que j’avais déjà mentionnées à l’époque », a-t-il spécifié sur sa page Facebook.
Il y a également le chanteur, comédien et humoriste JiCi Lauzon, qui a fait une sortie sur les réseaux sociaux, lui qui souhaite que le quai Richelieu soit transformé en parc. « En tant qu’écolo, je voterai toujours pour le projet qui mettra la nature en vedette », a mentionné le militant environnementaliste.
« Rien contre les arts contemporains, ni rien contre les contracteurs, n’empêche qu’on est en droit de se demander si en 2020, c’est vraiment ce qu’il y a de mieux à faire sur ces quais? […] Il me semble qu’il y a d’autres endroits où aller monter de beaux grands murs, a-t-il poursuivi. Avez-vous idée de ce que ça vaudra un grand parc de verdure et d’arbres au bord l’eau comme celui-là dans quelques années? »
Dominique Rolland veut consulter la population
Le président-directeur général du Centre des arts contemporains du Québec (CACQ) à Sorel-Tracy assure qu’il a l’intention de tenir une séance d’information pour présenter son projet au public. Le tout devrait se tenir d’ici quelques semaines lorsque les rassemblements seront permis par la Santé publique.
Dominique Rolland estime qu’il y avait encore plusieurs étapes à franchir avant d’en arriver là. « Il faut faire un pas à la fois et là, nous arrivons à l’étape finale. Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs », plaide-t-il.
C’est pourquoi il a préféré attendre avant d’organiser cette rencontre pour faire le point avec les citoyens, alors que des voix s’élèvent pour réclamer des explications. D’autant plus que la Ville de Sorel-Tracy et le CACQ s’apprêtent à signer un bail emphytéotique de 35 ans pour l’occupation d’une partie du quai Richelieu. Les deux parties discutent actuellement des clauses et conditions à remplir avant de procéder à la signature du document.
Dominique Rolland estime qu’il est normal qu’il y ait de l’incompréhension et il croit qu’il y aura assurément des gens qui voudront voir comment fonctionne le Centre des arts contemporains lors de la présentation publique.
Projet inchangé
Il assure toutefois que le projet n’a jamais changé depuis qu’il a été présenté il y a trois ans. Il vise toujours à reconstruire l’ancien site de la Sincennes-McNaughton Line ainsi que le consulat américain afin de conserver le patrimoine architectural qu’il y avait à cet endroit avant la démolition des bâtiments.
Le premier projet comprend toujours une salle d’expositions pour les artistes de la région. Tandis que le deuxième inclura des ateliers pour les artistes et de la formation pour le grand public. Il restera ensuite à régler la question des projets 3 et 4 qui concernent l’aménagement du quai Richelieu.
Comme il s’agit d’un centre multifonctionnel, il permettra également des collaborations entre les artistes des différentes disciplines qui pourront se côtoyer. « Comme pour le Moulin à images de Robert Lepage, les artistes doivent travailler avec un paquet de monde et ils ont besoin d’infrastructures pour le faire, soutient Dominique Rolland. Il y en a dans l’ensemble des régions, mais la Montérégie-Est est dépourvue et c’est important que les gens puissent avoir accès à la culture. »
Malgré les critiques qu’essuie son projet, il est tout de même confiant d’avoir l’appui de bon nombre d’artistes, des municipalités et des organismes culturels. « Il y a quelques critiques, mais elles viennent pratiquement toutes du même endroit. Nous avons aussi des centaines d’appuis. Il faut regarder l’importance collective du projet qui est à la portée de tous. »