Depuis 2019, les concentrations, que ce soit dans le sport ou les arts, ont disparu à l’ESFL. Selon Harold Turbide, c’est à ce moment que le vent a commencé à tourner. « On a perdu à ce moment le sentiment d’appartenance. C’était significatif pour les jeunes. Ce n’est pas que le multisports n’est pas bon, mais en ce moment, on ne sent pas la plus-value d’être un Polypus, ce qu’on ressentait avant », remarque-t-il.
Puis en 2020, la pandémie est survenue. Les Polypus n’ont disputé que deux matchs à l’automne 2020, alors qu’à l’automne 2021, la situation n’a pas été plus facile avec plusieurs matchs annulés en raison de joueurs infectés.
Ajoutons à cela que l’engagement des joueurs n’est plus le même, selon lui. « On pratique beaucoup, on ne joue pas beaucoup, la offseason est longue, on s’entraîne à l’extérieur du terrain… Aujourd’hui, c’est l’instantanéité. Toi, avant d’être rédacteur en chef, tu étais journaliste? Eh bien certains gars aujourd’hui veulent être rédacteurs en chef en partant », illustre-t-il, sans toutefois généraliser.
« J’avais encore plusieurs gars dédiés. En même temps, je dois prendre du temps pour moi. Ce n’est pas comme si la tank était vide d’avoir trop donné. Cet hiver, mon père, mon beau-père et ma belle-mère sont décédés en trois mois. Je suis cassé en dedans », ajoute-t-il avec émotion.
M. Turbide continuera d’aider ses successeurs, qui ne sont pas encore connus. « Ce n’est pas un adieu. Je suis prêt à faire les réunions de ligues, remplir la paperasse, m’occuper de la fondation des Polypus. Je ne suis juste plus prêt à me rendre au terrain. C’est dur parce que j’ai l’impression d’abandonner les gars, mais j’ai besoin de me sauver avant. Je n’écarte pas de revenir un jour si les gars veulent de moi, mais pour l’instant, je dois m’éloigner du terrain », poursuit l’homme de 57 ans, qui dit recevoir des offres pour être entraîneur au niveau collégial « toutes les semaines ».
Une carrière prolifique
Harold Turbide a commencé à jouer au football sur le tard, après son secondaire, à l’âge de 17 ans. Il a été joueur de ligne offensive pendant un an pour les Vaillants de Contrecœur, puis pendant deux ans avec les Rebelles du Cégep de Sorel-Tracy.
À sa troisième année au cégep, il n’y avait plus d’équipe des Rebelles en raison d’un manque de joueurs. Bien que ses entraîneurs avaient fait le saut au secondaire avec les Polypus, il allait les observer.
« Après quatre ou cinq pratiques qu’il me voyait traĂ®ner sur le bord du terrain, mon ancien coach de ligne offensive Mario Bousquet m’a dit : «si t’es pour ĂŞtre icit’ Ă tous les soirs, viens nous aider«. C’est comme ça que ç’a commencĂ©, j’avais 21 ans », raconte M. Turbide.
Ă€ l’universitĂ©, il a agi comme soigneur avec les Diablos de Trois-Rivières, en plus de filmer certaines rencontres. « C’était la mĂŞme chose. Un coach m’a dit : «tu es lĂ tous les soirs? Viens nous aider!« C’est l’histoire de ma vie », ricane-t-il.
Après avoir obtenu son baccalauréat en 1991, il est revenu à Sorel-Tracy, puis est devenu entraîneur-chef avec Serge Lafrenière en 1992. « Je n’étais pas un bon coach au début! J’ai vraiment appris sur le tas. Je suis un gars qui écoute et aime partager. Je m’entourais de gars forts », indique-t-il humblement.
Ce n’est que vers la fin des années 1990 que la dynastie des Polypus a réellement pris son envol. « Le point tournant a été en 1999, une victoire contre Mégantic à Sorel. Il y avait une grosse tempête de neige, ils étaient confiants de nous battre puisqu’ils étaient habitués de jouer dans ces conditions. C’est un moment charnière dans notre histoire », admet Harold Turbide.
Par la suite, les concentrations sont arrivées et les joueurs étaient de plus en plus dédiés à l’équipe. « De 2000 à 2014, on était vraiment solides. C’était championnat après championnat. En 2007, on était dans les meilleurs rankings de la province, même devant des équipes juvéniles AAA », se remémore-t-il.
Harold Turbide, c’est trois Bol d’Or, plus de 25 championnats de ligue et de nombreuses vies changées. « Oui je suis fier d’avoir coaché un gars comme Dominic Noël qui a gagné trois Coupe Vanier, mais je suis aussi fier d’avoir coaché des plombiers que je peux appeler n’importe quand si je suis mal pris », image-t-il.
« À Sorel, 36 % des garçons réussissent à obtenir leur diplôme d’études secondaires (DES) en cinq ans. Si tu joues au football pour les Polypus, ça grimpe en haut de 90 %. Ça, c’est réellement ce qui me rend fier. J’ai bâti des relations. Junior Laferté, Louis-Simon Nadeau, ils sont rendus à 40, 30 ans et je suis encore un père pour eux. J’ai toujours été là pour les gars. Tu m’appelles et je réponds ou je rappelle cinq minutes après, peu importe l’heure », conclut-il, émotif.
Harold Turbide compte encore être enseignant d’éducation physique pour trois ans à l’ESFL afin d’envisager une retraite complète lorsqu’il aura 60 ans.