Les impacts de ces décisions sur ces élèves pourraient être majeurs à long terme. Mais de quelle marge de manœuvre disposent vraiment les autorités du CSS?
Jeudi dernier, la Vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, s’est invitée dans le débat à l’occasion du dépôt de son Rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2022-2023. Elle fait référence à la pénurie de main-d’œuvre et aux difficiles décisions que doivent prendre les Centres de services scolaires pour chercher à en diminuer les effets. On croirait, à lire le rapport, qu’elle parle de ce qui est vécu ici. Il nous aide à mieux comprendre les décisions prises par la direction du CSS de Sorel-Tracy et à saisir le dilemme auquel elle est confrontée.
On comprendra bien un jour que la pénurie de main-d’œuvre ne fera que s’amplifier pour une longue période. Dans l’ensemble des secteurs d’activités, il y aura 1,4 million d’emplois à combler d’ici 2031. C’est dans moins de huit ans. Le réseau de l’éducation n’y échappe pas.
La Vérificatrice générale craint justement que ce soient les élèves en difficulté qui fassent les frais des efforts pour contrer cette pénurie. En demandant à des orthopédagogues de devenir des titulaires de classe, le CSS vise à s’assurer d’en avoir dans toutes les classes, à la rentrée, mais il donne raison à la Vérificatrice générale.
Il est difficile de ne pas analyser cette situation sans tenir compte des débats qui se tiennent actuellement sur le système d’éducation à trois vitesses. Cette réalité, réfutée par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, cherche à expliquer le déséquilibre créé entre les écoles privées, les écoles à projets particuliers et les écoles publiques « ordinaires » et ce que génère ce système pour les enfants, principalement pour ceux qui rencontrent des difficultés d’apprentissage ou qui proviennent de milieux moins favorisés.
Les écoles privées accueillent des élèves moyennant des frais de scolarité que peuvent s’offrir les familles plus aisées. Les écoles publiques qui ont des projets particuliers choisissent leurs élèves selon les résultats scolaires. Les écoles publiques « ordinaires » ne peuvent faire de discrimination et doivent accueillir tous les élèves, quelles que soient leurs conditions ou leurs situations. Et ce sont ces écoles publiques « ordinaires » qui ont la responsabilité d’offrir à tous les élèves québécois le droit à l’éducation.
Car n’oublions pas que l’éducation n’est pas un privilège. C’est le principal outil dont dispose une société pour diminuer, à défaut de les faire totalement disparaître, les inégalités sociales.
Le Québec a beaucoup investi en éducation depuis 60 ans. Il l’a fait justement pour changer la structure même de ce qu’il était au sortir des années 1950, au moment où peu de Québécois pouvaient avoir accès à l’éducation en général, et à l’enseignement supérieur en particulier. Il ne faut pas l’oublier.
Nous voilà confrontés à deux problèmes à forte intensité : une pénurie de main-d’œuvre qui menace l’apprentissage des élèves et un système à trois vitesses qui pourrait perpétuer les inégalités.