Plusieurs dizaines d’employés de l’établissement scolaire s’étaient réuni le 25 mai dans le gymnase du Cégep pour prendre connaissance des constats et recommandations de la firme Alia Conseil. Notre journaliste a assisté à cette rencontre.
Par l’entremise d’un sondage et d’entrevues individuelles, le mandat d’Alia Conseil était d’obtenir un portrait clair du climat de travail et d’émettre des recommandations qui visent l’amélioration de la situation.
Alors que plusieurs employés s’entendent pour dire que les constats reflètent la réalité vécue au Cégep, la plupart sont mécontents quant aux recommandations, qui ne semblent pas suffire à étancher leur soif de changements à la direction générale.
Rappelons que le 18 octobre dernier, les trois syndicats du Cégep, soit des enseignants, des professionnels et des employés de soutien, ont tenu un vote secret lors d’une réunion intersyndicale extraordinaire, où 107 employés sur 108 votants ont exprimé leur non-confiance à l’égard de la direction générale. Ensuite, en novembre, plusieurs représentants des syndicats avaient demandé à rencontrer notre journaliste pour témoigner de la crise de confiance envers la direction du Collège, et plus précisément envers la directrice générale, Stéphanie Desmarais, dressant le portrait « d’une situation toxique ».
Les principaux constats
Entre le 26 janvier et le 17 février, Alia Conseil a mis un questionnaire à la disposition des employés. Ce sont 187 personnes qui l’ont complété sur une possibilité de 314, soit 59,55 %. Ensuite, entre le 1er et le 29 mars, 45 personnes ainsi que des représentants des trois syndicats ont été rencontrés par la firme dans le cadre d’entrevues individuelles.
Les principaux constats relevés par la firme concernent la direction générale, la direction des ressources humaines, le conseil d’administration et les employés. Le principal constat : une crise identitaire sévit effectivement au Cégep.
Concernant la direction générale, plusieurs répondants (entre 31 et 45 %) ont critiqué que son rôle semble mal incarné, soit par un manque de leadership, par une présence terrain faible ou par des enjeux d’incarnation des valeurs à dimension humaine. Les personnes sondées ont aussi souligné l’absence de la fréquence de consultation des employés, un manque de compréhension des besoins du milieu et une minimisation des problèmes rapportés.
Quant aux faits saillants des ressources humaines, la majorité (entre 60 et 75 %) des répondants estiment qu’il y a peu ou pas d’accompagnement dans les premiers jours de travail d’un nouvel employé, peu ou pas d’explications formelles concernant le rôle et les responsabilités des emplois et peu ou pas d’accompagnement par rapport à la culture du Cégep. Au niveau des processus de dénonciations, environ la moitié (46 à 59 %) des personnes sondées considèrent qu’ils ne sont pas clairs et soulignent le manque d’accompagnement des personnes dans ledit processus. D’ailleurs, selon les répondants, plusieurs conflits ne seraient pas pris en charge au Cégep. Ensuite, certaines (30 % et moins) personnes sondées considèrent qu’il y a un manque de transparence dans les processus d’embauche dans l’établissement scolaire.
Concernant les constats relatifs au CA, notons que quelques répondants (30 % et moins) ont souligné le délai de réaction avant de déclencher la démarche de consultation. Au niveau de l’expertise et de la transparence, en raison du haut taux de roulement du personnel-cadre, environ la moitié (46 à 59 %) des répondants considèrent que l’organisation a perdu de son expertise.
Finalement, concernant les employés, la firme a noté une grande réactivité de leur part face à leur institution, soulignant que ce ne sont pas tous les employés qui sont d’accord avec les moyens de pression utilisés pour s’exprimer, comme le recours aux médias.
Les recommandations
La première recommandation d’Alia Conseil est de prioriser le rétablissement de la cohésion identitaire et rebâtir la confiance au Cégep de Sorel-Tracy.
La firme soutient que le CA doit notamment développer l’expertise de ses membres, rétablir les critères de performances, assurer la vigie des processus d’enquête interne et favoriser le développement d’une vision commune.
Concernant les recommandations au niveau des ressources humaines et de la direction générale, Alia Conseil propose entre autres la mise sur pied et le contrôle d’un processus d’accueil des employés, principalement les gestionnaires, et conseille de privilégier les facteurs de protection psychologique du travail pour la prévention des problématiques de santé psychologique.
Par ailleurs, la firme soutient que pour renverser la crise identitaire, chaque employé devra faire preuve d’un leadership fort et porteur.
Finalement, une des administratrices et membre du comité de suivi du CA, Catherine Boulanger, a informé qu’un groupe de consultation sera prochainement mis en place. « [On nous recommande] de mettre en place un comité. […] Ce sera un groupe de consultation participatif [peut-être plusieurs] qui nécessitera que chacun d’entre vous puisse avoir une voix pour s’exprimer. […] On est venu à la conclusion qu’on ne pourra pas se sortir de cette crise tout seul. On va aller se chercher des outils, probablement des mentors, […] on va s’établir un plan de match auquel vous allez contribuer », a-t-elle indiqué.
Les réactions
Après la présentation, la vice-présidente du CA du Collège, Marie-Pierre Sarrazin, s’est d’emblée présentée au micro. « On vient d’avoir les résultats du rapport et ça fait mal. […] Il y a assurément des actions à prendre. […] On a tous une responsabilité à jouer là-dedans. Le rôle du CA est de s’assurer de la bonne gouvernance du Cégep. C’est donc d’avoir une vigie sur tout ce qui se passe sans être trop dans l’action. C’est donc dire que le plan d’action que vous allez mettre en place, les membres du CA ne pourront pas être partie prenante. On va assurer une vigie cependant et s’assurer que les actions qui vont être mises en place vont l’être réellement », a-t-elle expliqué.
Appelée au micro par plusieurs employés, Stéphanie Desmarais a finalement pris la parole, attestant accueillir le rapport avec empathie et compassion. « Je suis à la même place que vous depuis le début, a-t-elle admis. Depuis le tout début de cette situation, je ne suis pas dans le déni. […] Mais je suis dans l’action, dans l’ouverture de vous entendre, de vous accueillir et de travailler en collaboration. […] Je me considère comme faisant partie de la problématique, mais faisant partie de la solution aussi. »
Ensuite, plusieurs employés se sont présentés au micro pour questionner la direction et Alia Conseil. La grande majorité semblait déçue des recommandations et de la tournure des événements.
« Beaucoup d’enseignants ont retiré leur confiance à la direction générale. […] On n’a pas de capitaine dans le navire, du moins c’est cette perception que beaucoup de gens ont. Ensuite, on a vu vos recommandations de rebâtir la confiance, mais ma question est la suivante : comment ça se fait que la recommandation dans votre rapport n’est pas qu’il y ait un remplacement du côté du poste de direction générale? », a laissé tomber l’enseignant de philosophie, Jean-Sébastien Bélanger, provoquant plusieurs chuchotements dans le gymnase.
Parmi les réactions, bon nombre d’employés étaient ébahis, et surtout en colère, que seulement une copie du rapport soit mise à la disposition des employés pour consultation au secrétariat général. Selon la présidente du Syndicat des employés de soutien, Isabelle Beaulieu, cela démontre le manque de leadership et de transparence de l’institution. « Le CA a perdu sa crédibilité. Il se doit d’être impartial, mais la connivence avec la direction générale sautait aux yeux. […] Il n’y a aucune écoute ni ouverture », a-t-elle souligné.
Catherine Boulanger a alors expliqué que le CA a pour l’instant pris cette décision, mais que le rapport pourrait être distribué à plus grande échelle si le CA entérine une résolution à cet effet. « [Le secrétariat général] c’est normalement le lieu où ces documents-là sont déposés. […] C’est pour encadrer et éviter la propagation des informations dans les médias », a-t-elle déclaré.
Plus tard dans la journée, les médias ont plutôt reçu un laconique communiqué mentionnant que le Cégep « prendra en charge » la situation « par l’entremise d’un plan d’action ».
Finalement, Jean-Sébastien Bélanger s’est représenté au micro. « J’étais avec les autres enseignants quand le vote de non-confiance a été fait envers la direction générale. Du côté du Cégep de Saint-Hyacinthe, on a non seulement retiré la confiance du côté de la direction générale, mais on l’a aussi retiré envers le CA. J’ai l’impression que vous ne faites absolument rien pour aider votre cause aujourd’hui madame », a-t-il lancé à Marie-Pierre Sarrazin avant de quitter la salle sous une pluie d’applaudissements.
« Le résultat de ce diagnostic-là, c’est qu’il n’y a pas de capitaine à bord, pas d’écoute et pas de transparence. La réaction du CA est de nous refuser l’accès au rapport, nous couper la parole en assemblée et nous dire qu’on va payer quelqu’un pour montrer à la directrice comment faire sa job. […] Il [Jean-Sébastien Bélanger] a dit ce que tout le monde pense. […] Au final, ç’a coûté une beurrée pour se faire dire ce qu’on [savait déjà] », confie Isabelle Beaulieu.
La vice-présidente du CA n’a pas été en mesure de confirmer le coût de ce diagnostic. Une demande d’accès à l’information sera envoyée dans les prochains jours par Les 2 Rives pour obtenir ce rapport et connaître le montant payé par le Collège pour cette démarche.
La situation pourrait évoluer rapidement, alors que le Syndicat des enseignants était en assemblée le 26 mai et celui des employés de soutien le sera le 15 juin prochain. Une assemblée intersyndicale pourrait aussi avoir lieu prochainement.