17 octobre 2023 - 07:49
Entretien avec un traversier
Par: Stéphane Fortier

Le journaliste Stéphane Fortier a déjà publié un livre rempli d’entrevues avec des objets. Il récidive en publiant un entretien humoristique avec un objet chaque deux semaines dans le journal Les 2 Rives. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

Le rédacteur de ces lignes prend le traversier tous les jours et, pour se désennuyer, a décidé de prendre les 15 minutes que dure le voyage pour piquer une jasette avec le bateau. Pour tout commentaire sur cette entrevue, on pourra désormais contacter le journaliste à l’Hôtel-Dieu de Sorel, au département de la psychiatrie.

Journaliste : Bonjour! Comment ça va?

Traversier : À l’eau, toi. Et bien comme tu vois, ça flotte, ça flotte.

J : Merci de m’accorder cette entrevue.

T : Pas de problème. Embarque!

J : Commençons donc, si vous le voulez bien.

T : Au quai pour moi!

J : Monsieur le Traversier…

T : Madame, je vous prie!

J : Vous êtes donc une… Traversière?

T : Flûte, non! Mais je m’appelle Catherine.

J : Vous avez eu des difficultés récemment.

T : Oui, on peut dire que j’ai vécu ma traversée du désert. J’ai essayé de faire de la politique et il semble que j’étais trop à bâbord aux yeux de certains. Alors je n’ai pas gardé le cap et j’ai largué les amarres. Peu importe la situation, c’est toujours moi qui écopait. Et puis, j’ai attrapé la coque-luche.

J : On m’a dit que vous auriez aimé aller à l’école.

T : Ta question est vague…

J : Commencer des études universitaires…

T : J’aurais aimé ça, effectivement, mais j’aurais eu trop peur de couler. J’avoue dans ce cas-ci, j’ai manqué le bateau.

J : Vous auriez aussi pu avoir peur d’échouer. Ah! Ah! Ah!

T : Très drôle, le clown…

J : Avez-vous des sports favoris? Des sports nautiques, je suppose?

T : Non, je suis une fan de tennis et mon joueur favori est Varech Popsisil.

J : Vasek Pospisil, vous voulez dire..

T : Si tu veux. D’ailleurs, j’aime beaucoup les descriptions des matchs par Yvan Ponton.

J : Y a-t-il des choses que vous aimez lire?

T : Les romans fleuves.

J : Vous suivez le hockey depuis longtemps?

T : Oui, et mon joueur favori a été Réjean Houle.

J : Même s’il n’était pas capitaine?

T : Très drôle. Mais tu sauras qu’il était très bon dans les lancers voiliers… heu voilés. Les Canadiens avaient un bon équipage, dans le temps.

J : Quel sports auriez-vous aimé pratiquer, vous?

T : Je suis contente que vous abordiez le sujet. Les quilles, la plongée.

J : J’ai vu que vous aviez une télé sur le bateau…

T : Oui, mais il y a longtemps que je n’y prête plus attention. Les dernières émissions que j’ai regardées étaient La Croisière s’amuse et Les Joyeux naufragés, c’est vous dire. Et puis maintenant, je trouve qu’il y a trop de canaux.

T : Et votre film préféré?

T : Titanic.

J : Ah! Ça m’étonne. Votre aliment préféré?

T : Les fruits de mer, évidemment.

J : Pas la guédille en particulier?

T : Seulement quand j’ai un rhume.

J : Ben oui, dans ces moments-là vous avez la guédille au nez. Des personnalités que vous admirez?

T : Pierre-Karl Pédalo. L’astrophysicien Hubert Rives. L’ex-chanteur de Beau Dommage Michel Rivage, aussi.

J : Vous êtes tombée en amour avec un caboteur.

T : La première fois que je l’ai vue, il m’a fait chavirer. Il m’écrivait des poèmes à l’ancre de mes yeux. Mais finalement, notre amour est parti à la dérive. C’était devenu houleux. J’ai arrêté ça là. Il y avait toujours bien une barge.

J : Y a-t-il des choses que vous appréciez moins dans votre travail?

T : Les poids lourds. Je commence à en avoir mon truck. Et aussi, je ne sais pas s’il y a des sardines dans le fleuve, mais sur le bateau, je peux vous dire que oui, il y en a. Les voitures sont assez tassées, des fois.

J : Et des points positifs?

T : Je me rappelle d’avoir embarqué une délégation d’Héma-Québec. Ils étaient très gentils. Je les ai trouvé bien blood. Ça me fait penser… J’ai connu un homme dont le nom de famille était Marin et il était marié avec une dame Gouin et je sais qu’ils tenaient à ce que les enfants portent les deux noms.

J : Si vous voyez quelqu’un tomber par-dessus bord, que faites-vous?

T : Je lui crie : Take a kayak! Pis si t’as soif, bouée une bonne gorgée.

J : Il est temps pour moi de débarquer.

T : Déjà fini? Foc! Bon ben c’est ça, ch’nail, a-chaland.

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