5 mars 2024 - 09:09
Les débuts n’ont pas été faciles pour LuFisto
Par: Stéphane Fortier

Geneviève Goulet en plein combat contre la Japonaise Utami Hayashishita. Photo Game Changer Wrestling

LuFisto telle qu’en elle-même. Photo gracieuseté

La Soreloise Geneviève Goulet, de son nom de lutteuse LuFisto, a parcouru l’Amérique et le monde pour exercer sa profession et devenir une véritable icône de la lutte féminine.

Son parcours n’a pas été facile, car même s’il y avait plus de lutteuses sur le ring lorsqu’elle a commencé à lutter qu’à une certaine époque, Geneviève n’en a pas moins été victime de moqueries, de préjugés. Aujourd’hui, les combats de lutte mettant aux prises des femmes et des hommes ensemble sur le ring sont assez fréquents et on en voit beaucoup à la télé, mais au moment où LuFisto a commencé sa carrière à la fin des années 1990, c’était tout autre chose.
« Au début, on m’a suggéré d’être gérante. J’ai dit non, je voulais être lutteuse. Je voulais m’entraîner avec les gars, lutter avec les gars. J’ai voulu aller trop vite et cela n’a pas été apprécié », rappelle celle qui a commencé à faire de la lutte à 17 ans.
« Cela a été difficile au début, poursuit-elle. Je me suis fait traiter de tête enflée, on disait que je me prenais pour une autre. On m’a fait comprendre que ce n’était pas ma place et justement, cela a été dur de la faire, ma place. Je voulais prouver qu’une femme pouvait faire s’intégrer dans la lutte, il fallait que je prouve que j’étais tough. J’ai appris à la dure, sur le tas. »
Geneviève luttait contre des gars qui lui tiraient les chevaux au point de presque les arracher. On lui cassait le nez, histoire de voir si elle persévèrerait, si elle continuerait à s’obstiner. « Je n’avais pas d’affaire là et on me le laissait savoir. Un fois à la maison, je braillais en maudit, mais je me retroussais les manches et j’y retournais. Heureusement, les choses ont changé aujourd’hui. Maintenant, c’est plus axé sur le talent », mentionne une LuFisto soulagée.
Même si elle n’a jamais pu percer et se rendre dans le cercle fort étroit de la WWE, Geneviève Goulet peut être fière de son parcours. Elle est aujourd’hui considérée comme la meilleure lutteuse professionnelle que le Québec a connu. Elle a remporté 30 tournois et ceintures de championne de lutte féminine et masculine.
Mais pourquoi, malgré tout son talent, Geneviève Goulet n’a jamais pu se tailler une place dans une organisation comme la WWE ou la All Elite Wrestling, la Ring of Honor, la National Wrestling Alliance ou l’Impact Wrestling? « Mon handicap était, au début, d’être trop costaude. À l’époque, il fallait avoir l’air d’une Barbie. Si je commençais ma carrière aujourd’hui, j’aurais eu plus de chance, car les lutteuses ont un plus gros gabarit. De plus, il est difficile d’avoir un visa aux États-Unis et des organisations comme la WWE n’acceptent guère plus qu’une athlète pour chaque pays, autre que les États-Unis, d’où les lutteurs sont évidemment privilégiés », explique Geneviève.

Message aux filles

Geneviève Goulet est un modèle pour les jeunes femmes; pas seulement pour celles qui veulent pratiquer la lutte, mais toutes celles qui veulent embrasser une carrière non-traditionnelle.
« Moi je veux dire aux filles qui veulent faire de la lutte : trouvez-vous une bonne école, qui va bien vous guider, vous aider. Une bonne école et un prof crédible, sérieux, qui va vous protéger. Une organisation sérieuse comme la IWS par exemple. Il y a beaucoup d’organisations indépendantes et il y en en de bonnes et de mauvaises. Il ne faut jamais non plus hésiter de demander conseil aux lutteuses d’expérience. Il faut être persévérante et ce n’est pas parce qu’on ne fait pas la WWE qu’on a échoué. Vous savez, on est un peu, pour les filles, ce que sont les superhéros pour les garçons », croit Geneviève Goulet qui lutte déjà depuis 26 ans.
Et notre athlète a aussi tenu à aborder la question des abus. « Il y a eu beaucoup de reportages sur des athlètes féminines en gymnastique, en athlétisme ou autre, qui se faisaient brasser, devaient faire des régimes, subir de mauvais traitements. Les lutteuses ont vécu la même chose, mais le monde de la lutte a toujours eu son côté secret. Il y a une loi du silence dans la lutte pour le bien paraître », révèle-t-elle.
« Il y a un promoteur qui, un jour, me disait que j’étais trop grosse, qu’il fallait que je maigrisse. Et si quelqu’un te maltraite ou t’intimide, il ne faut pas hésiter à dénoncer. Faut pas avoir peur. Personne n’est trop important pour abuser sans que l’on réagisse, que cela soit des insultes ou des abus physiques. Personne n’a le droit de rabaisser quelqu’un », martèle Geneviève Goulet.

Faire autre chose… en plus

Tôt le matin, Geneviève s’entraîne avant de se rendre au centre de détention de Sorel-Tracy, là où elle occupe un poste administratif. « J’ai de bons patrons et je peux profiter d’horaires flexibles. Lorsque j’étais aux États-Unis, je pouvais gagner ma vie avec la lutte et je voyageais à travers le monde, comme le Japon ou le Mexique. Au Québec, la lutte est plus occasionnelle pour moi. Ceux qui ont des contrats avec de grosses fédérations peuvent se débrouiller, mais les autres doivent avoir un deuxième emploi comme moi. »
Geneviève Goulet a consacré toute sa vie à la lutte. Aurait-elle aimé fonder une famille? « Je n’ai pas eu le temps, de répondre spontanément Geneviève Goulet. Il faut que les filles comprennent également que ce genre de carrière prend beaucoup de ton temps. Il faut également un conjoint qui soit compréhensif, un conjoint qui, idéalement, partage aussi une passion. »

Une gestionnaire

Le 4 février dernier, Geneviève Goulet organisait son premier gala de lutte féminine à Montréal. « Au cours de toutes mes années dans le monde de la lutte, j’ai touché à la promotion et au marketing. Je lutte encore, mais je prépare mon après-carrière en devenant promotrice et en aidant la nouvelle génération de lutteuse », révèle-t-elle.
Récemment, LuFisto a fait l’objet d’un documentaire avec deux de ses collègues lutteuses québécoises Azaelle et Loue O’Farrell, qui sont les principales protagonistes du documentaire Celles qui luttent. Ce dernier sera présenté un peu partout au Québec, dont à Montréal le 29 mars. Une sortie web est prévu vers la fin avril.

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