19 mars 2024 - 07:49
[OPINION DU LECTEUR] Northvolt : désengorger la congestion par la voie fluviale… à Sorel-Tracy
Par: Deux Rives

Tout semble avoir été dit à ce sujet : mais on débat encore… et nombre de solutions se heurtent au cul-de-sac et à l’apoplexie.

Exemple : l’entreprise prévoit ne pas obstruer le trafic routier en expédiant ses produits par train. Louable intention. Le problème est que le rail se trouve aussi à la limite de la congestion. Le peu de marge qui reste entre Saint-Hyacinthe et Montréal ne saurait être grugé par une augmentation notable du trafic ferroviaire : l’AMT aura prochainement besoin d’augmenter la cadence de son train de banlieue. Ne serait-ce que par l’achalandage supplémentaire à la gare de McMasterville! (Tellement proche qu’un accès direct à Northvolt s’impose : est-il en cours de réalisation?)

Des expéditions par bateau?

Or, jusqu’à la fin de la Canadian Industries Limited (CIL), les produits militaires et chimiques étaient exportés… par les fameux bateaux Lachine qui ont fait la fortune industrielle et navigable de Montréal pendant 100 ans et plus. Au confluent du Richelieu, ces vaillants bâtiments soit continuaient jusque-là et les Grands Lacs, soit transbordaient à Sorel.

Comme les dimensions utiles de l’écluse de Saint-Ours sont deux fois plus longues que celles de Lachine (99 m au lieu de presque 50) pour une largeur comparable (12 m), avec le même tirant d’eau de 3,6 m, sa capacité est considérable : calcul rapide, une seule barge correspond en volume à peu près à une centaine de conteneurs de 20 pieds, soit quelque 100 camions 10 roues. Le chiffre quotidien qui fait frémir bien du monde. En empilant des conteneurs standards sur des barges avec un petit pousseur, on double au moins cette capacité (le tirant d’air du pont du CN à Belœil est de 10 m.) On peut même envisager le transport fluviomaritime, un concept répandu ailleurs dans le monde avec des navires satisfaisant à la fois aux contraintes intérieures et aux standards maritimes internationaux. (Les ports fluviaux de Paris sont ainsi directement reliés à la mer du Nord). Un défi nouveau et une aubaine commerciale pour le vaste complexe des petits chantiers maritimes subsistant à Sorel-Tracy.

Même chose pour les intrants, à peu près oubliés dans le débat. Le trafic fluvial – le plus sûr au monde, avec très peu d’accidents – est idéal pour les pondéreux, dont les produits miniers indispensables à la fabrication des batteries.

Des facilités de transbordement à Sorel-Tracy

Pour éviter la rupture de charge avec la navigation à grand gabarit sur le fleuve, le transbordement des conteneurs et même des pondéreux peut s’effectuer à Sorel-Tracy. Port public un peu trop vite sacrifié par le passé, certains quais de feu Marine Industries sont toujours là. Mieux! Puisque le parc industrialo-portuaire de Tracy se trouve dans les limites… du port de Montréal (!), on peut mettre cette dernière administration dans le coup! (Même pas besoin de restaurer le pont Turcotte!) Tous les grands ports du monde au confluent de voies navigables, disposent de telles installations : la Nouvelle Orléans et Baton Rouge et, sur les Grands Lacs, Chicago…

Pour un volume Northvolt modéré, le transbordement peut aussi se faire à flot. Cette technique, relativement récente, exige moins d’infrastructures et s’impose peu à peu là où – justement comme ici – les solutions classiques n’en peuvent plus. Au lieu d’une grue à quai, un portique sur barge effectuerait les transbordements dans la vaste zone de mouillage de Sorel-Tracy. Ce serait renouveler, voire révolutionner le concept…

Un bassin à flot à l’usine

À Saint-Basile, le vieux quai des Lachine d’antan peut-il encore servir? Les pêcheurs à la ligne savent bien que non, même s’il a bien résisté à plus d’un demi-siècle de désaffection. La région étant environnementalement sensible – le chevalier cuivré… –, restauration et agrandissement sont exclus. La solution consiste à creuser un bassin à flot sur le site même, avec un court canal pour rejoindre la rivière. Ce sont de tels bassins, aujourd’hui comblés pour la plupart, qui ont contribué à la fortune industrielle du canal Lachine.

Environnement? Vous m’en direz tant…

Gageons que les oppositions environnementales viendront d’usagers plus ou moins réguliers des autoroutes et autres voies rapides à chaussée séparée qui réclament de nouvelles voies. Et qui, exaspérés par les bouchons, oublient que, sur l’eau, on se déplace alors (presque) aussi vite. Sur la rivière Richelieu, ce n’est pas quelques barges poussées qui vont menacer grand-chose. Leur effet sur le batillage est infiniment moindre que l’armada d’été des wakeboats qui, contrairement aux ondes longues et de forte amplitude d’un bâtiment de commerce, génèrent exprès des vagues courtes et cassantes beaucoup plus dommageables. (Si les bien-pensants veulent protéger le joyau de leur cours d’eau, c’est d’abord à eux qu’il faudrait s’en prendre.)

En regagnant son statut de voie d’eau commerciale, la Richelieu s’impose comme alternative à une batterie de catastrophes environnementales générées par l’auto solo et le transport camion. Vérité élémentaire : les voies d’eau sont imbattables du point de vue économique, environnemental et sécurité. À côté du ferroviaire, encore et toujours empêtré dans sa réglementation du siècle avant-(?)dernier, le fluvial et le fluviomaritime mobilisent des solutions novatrices sur ce continent. Résultat : à Sorel-Tracy, une filière maritime de niche aussi prometteuse que celle des batteries à McMasterville. Tout a-t-il vraiment été dit?

Joseph A. Soltész, Contrecœur

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