9 Décembre 2024 - 08:37
Battu et défiguré par un détenu au centre de détention de Sorel-Tracy
Les agents correctionnels secoués, mais solidaires envers leur collègue
Par: Jean-Philippe Morin

De nombreux agents correctionnels ont manifesté leur support à leur collègue, mais aussi leur mécontentement au gouvernement, deux jours après l’incident survenu à la prison de Sorel-Tracy. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

De nombreux agents correctionnels ont manifesté leur support à leur collègue, mais aussi leur mécontentement au gouvernement, deux jours après l’incident survenu à la prison de Sorel-Tracy. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

Le président de la SAPSCQ-CSN, Mathieu Lavoie, était à Sorel-Tracy les 3 et 4 décembre, afin de rencontrer la direction de la prison et ses membres. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

Plusieurs agents correctionnels de la province ont démontré toute leur solidarité deux jours après qu’un de leur collègue eut été attaqué par un détenu à la prison de Sorel-Tracy.

Tous les agents correctionnels de la province ont, le mardi 3 décembre, effectué un lockdown, c’est-à-dire qu’ils ont refusé d’ouvrir les cellules des prisonniers jusqu’à midi en soutien à leur collègue.

Ils ont, pancartes à la main, manifesté devant les 17 établissements carcéraux du Québec afin de le supporter et de dénoncer la situation. Ils étaient d’ailleurs une trentaine, mardi matin, lors du passage du journal Les 2 Rives devant la prison de la rue Auber. Cette mesure a eu un impact sur les palais de justice puisqu’aucun détenu n’a été transporté pour traiter un dossier ce matin-là.

Rappel des faits : le dimanche 1er décembre, vers 15 h 30 au centre de détention de Sorel-Tracy, un agent correctionnel a été roué de coups par un détenu. Kaven Plourde, 39 ans, possède un lourd casier judiciaire, notamment en matière de voies de fait sur un agent de la paix, de vol, d’entrave et de bris de conditions. Il était incarcéré pour des voies de faits commises à Sherbrooke.

L’agent en question se serait retrouvé seul avec le détenu qui l’aurait défiguré en le frappant à une quinzaine de reprises au visage avec ses poings et ses pieds, a-t-on appris. Il a été réanimé par les infirmières sur place. Aucune arme n’a été utilisée, mais l’agent était tellement mal en point qu’il pourrait perdre la vue. Il aurait subi une fracture au crâne et son état est considéré critique, mais stable. La section des crimes majeurs de la SQ est dans le dossier.

De la frustration

Rencontré le lendemain de ces événements, le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ-CSN), Mathieu Lavoie, notait que de la frustration et de la colère régnaient entre les murs de la prison. Il était sur place pour rencontrer la direction afin de s’assurer que du support soit offert à ses membres et à la famille de la victime, puis il a fait le tour de ses membres le surlendemain de l’événement.

« Le temps supplémentaire obligatoire (TSO), partout au Québec mais à Sorel-Tracy plus particulièrement, est omniprésent chaque jour. Même cette nuit, après l’événement, deux agents étaient en TSO. Il y a un épuisement et un découragement du personnel qui quitte le navire », dénonce-t-il. Il souligne par le fait même qu’il y a eu 9000 heures de TSO l’an dernier à Sorel-Tracy et qu’en six mois cette année, on approche des 5000 heures.

M. Lavoie déplore également la violence de plus en plus accrue qui survient entre les murs de la prison. « La population carcérale est plus lourde, plus violente qu’il y a 10 ou 15 ans. Le balancier est beaucoup plus sur la réinsertion, et beaucoup moins dans les conséquences. Le ministère a erré en croyant à tort que la réinsertion faciliterait la gestion des incarcérés », ajoute-t-il.

Selon le président syndical, les cas lourds sont plus présents dans les prisons provinciales, qui accueillent non seulement les détenus ayant écopé de peines de deux ans et moins, mais aussi les gens en détention préventive en attendant leur procès, plus communément appelés les prévenus.

« On compte 70 % de prévenus dans nos prisons provinciales, qui sont là peu importe le crime qu’ils ont commis. Donc on a des meurtriers ou des gangsters en attendant qu’ils aient leur sentence. Et les conflits qu’on voit dans la rue sont transportés dans la prison. Ça alourdit la tâche des agents correctionnels », insiste-t-il, en mettant le blâme de cet événement directement sur le ministère de la Sécurité publique et son ministre François Bonnardel.

« On nous demande toujours de faire plus avec moins. On n’est pas contre la réinsertion, on n’a juste pas les moyens de nos ambitions. J’entends souvent le ministre dire que la sécurité est au cœur de ses préoccupations, mais les paroles ne se rendent pas en bas. Il ne passe pas de la parole aux actes », poursuit-il.

Mathieu Lavoie souhaite que la charge de travail des agents soit réduite, que des embauches se fassent et que les conséquences soient appliquées envers les détenus. « La notion acte-conséquence n’est pas appliquée. Les drones, les menaces, l’intimidation, il faut que ça cesse. »

À l’Assemblée nationale

La députée libérale Jennifer Maccarone a amené le débat à l’Assemblée nationale. Elle a repris les paroles de M. Lavoie à l’effet que le ministère de la Sécurité publique est « responsable de ce qui est arrivé », tout en questionnant le gouvernement sur les gestes concrets qu’il posera pour aider les agents correctionnels. Le chef péquiste Paul St-Pierre-Plamondon a aussi posé une question en ce sens.

La vice-première ministre Geneviève Guilbault, qui a notamment été ministre de la Sécurité publique pendant quatre ans, a répondu qu’il existe un « enjeu de main-d’œuvre flagrant ». « On a mis plusieurs actions afin d’aider le recrutement dans le milieu correctionnel », a-t-elle soutenu.

Les 2 Rives a envoyé une demande de réaction au ministère de la Sécurité publique et au cabinet du ministre François Bonnardel. Avant d’aller sous presse, les deux n’avaient pas donné de retour.

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