18 février 2025 - 08:27
Plus d’une dizaine de postes abolis à Sorel-Tracy par le CISSSME
Professionnels et syndiqués contrariés par les orientations du gouvernement
Par: Alexandre Brouillard

Myriam Chevigny, Valérie Aimé et maxime Plante, tous les trois kinésiologues au CISSSME, ont vu leur poste être coupé. Photo Steve Gauthier | Les 2 Rives ©

Myriam Chevigny, Valérie Aimé et maxime Plante, tous les trois kinésiologues au CISSSME, ont vu leur poste être coupé. Photo Steve Gauthier | Les 2 Rives ©

Le 27 janvier, le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME) annonçait plusieurs suppressions de postes pour tendre vers l’équilibre budgétaire. Trois semaines plus tard, des personnes dont les postes ont été supprimés ont livré leurs impressions au journal, craignant que les usagers soient les premières victimes des orientations énoncées par le gouvernement du Québec.

Maxime Plante et Myriam Chevigny sont kinésiologues en soins directs aux usagers sur les unités de courte durée depuis environ trois ans à l’Hôtel-Dieu de Sorel. De par leur fonction, ils préviennent le déconditionnement physique des patients et ils contribuent à l’atteinte d’objectifs de réadaptation visant à diminuer la durée d’hospitalisation, à privilégier le retour au domicile plutôt que la relocalisation des patients et à prévenir la réhospitalisation.

Il y a quelques semaines, le CISSSME a annoncé la suppression de leur poste conformément aux orientations énoncées par le gouvernement du Québec, et ce, en collaboration avec Santé Québec. L’objectif est de tendre vers l’équilibre budgétaire. La cible fiée par le CISSSME est de réduire le déficit de 71 M$ au 31 mars 2025. « J’étais très surprise », admet Mme Chevigny. « On avait entendu des rumeurs, mais pour moi, les coupures ne font pas de sens », ajoute M. Plante.

Valérie Aimé, kinésiologue au Centre d’expertise en maladies chroniques du Réseau local de santé (RLS) de Pierre-De Saurel, a aussi vu son poste être supprimé. Tout comme ses collègues, elle a accueilli la nouvelle, qui était sans appel, avec surprise. « J’avais entendu des ouï-dire, mais rien d’officiel. Je suis parmi les dernières personnes embauchées, je savais donc que je pouvais y passer. Mais j’avais un poste permanent, donc dans ma tête, j’étais protégée. Finalement, ils m’ont dit que mon poste était supprimé. J’ai accueilli la nouvelle avec tristesse, mon équipe est tissée serrée. Ça m’a rentré dedans », partage-t-elle.

Les postes des trois kinésiologues seront officiellement supprimés le 22 mars prochain. Alors que les unités de soins de courte durée de l’établissement hospitalier sorelois perdront deux kinésiologues, seule une kinésiologue du Centre d’expertise en maladies chroniques restera en place à l’Hôtel-Dieu de Sorel.

Au total, au Centre d’expertise en maladies chroniques, 13 postes ont été abolis, soit deux kinésiologues, trois nutritionnistes, une agente administrative, une éducatrice spécialisée ainsi que d’autres postes qui n’avaient pas été comblés, soit deux infirmières cliniciennes, deux agentes administratives, un inhalothérapeute et une éducatrice spécialisée. Un poste non comblé de nutritionniste aurait aussi été aboli.

Du côté du CISSSME, Véronique Darveau, conseillère en communication, affirme que 11 personnes ont vu leur poste être aboli à l’Hôtel-Dieu de Sorel. « Il s’agit de neuf personnes qui occupent des fonctions administratives et deux personnes qui occupaient des fonctions cliniques », révèle-t-elle. Au total, les mesures toucheront 120 personnes au CISSSME. En plus de l’abolition des postes vacants, cela représente 202 équivalents temps complet (ETC). Les employés concernés se feront proposer un plan de replacement sur des postes encore vacants au sein de l’organisation ou dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Impacts sur les usagers et surcharge de travail

Depuis trois semaines, le CISSSME assure agir avec le souci de minimiser les effets sur les services aux usagers, aux résidents et à la population.

Toutefois, les trois kinésiologues croient que les usagers en subiront les conséquences. Maxime Plante croit même que les suppressions de postes envoient un message négatif au personnel hospitalier. « L’économie financière de la coupure de nos postes n’aura pour effet qu’ajouter une pression supplémentaire au personnel déjà en manque d’effectifs, engendrant inévitablement une diminution des services aux patients », soutient-il.

« J’ai de la difficulté à comprendre comment ces suppressions n’affecteront pas le service aux usagers. De plus, d’autres personnes écoperont, comme les infirmières. Leur tâche sera alourdie. Il y aura des impacts sur les étages », renchérit Valérie Aimé.

Myriam Chevigny est du même avis. « Des collègues vont vivre une surcharge de travail, dont les infirmières », assure-t-elle. « Nous avons l’impression que la décision du gouvernement a été prise avec une vision à court terme et non à long terme », poursuit M. Plante.

« Les kinésiologues dans le réseau ont permis de réduire le déconditionnement des patients sur les étages, de redonner confiance en leurs capacités qui se condamnaient à tort de ne plus pouvoir être « en forme ». Il était encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de notre impact sur le réseau, car les retombées de la prévention nécessitent des années, voire une génération, avant de voir une réduction des hospitalisations, des visites à l’urgence, etc. En bref, nous croyons avoir un réel impact à long terme sur le désengorgement de notre système de santé », précise Valérie Aimé.

Les syndicats montent aux barricades

Luc Michaudville, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CISSSME, Joëlle Lavoie-Vigeant, représentante nationale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), ainsi que Brigitte Petrie, présidente de la FIQ-SPSME, sont unanimes : les coupures sont inquiétantes, notamment pour les services aux usagers.

« C’est incompréhensible! Il y aura assurément des répercussions sur le personnel en place et sur les usagers parce que les coupures concernent plusieurs types d’emploi, comme des agents d’administration, des préposés aux bénéficiaires, des cuisiniers, etc. On a vraiment de la misère à comprendre la façon de faire du gouvernement et de Santé Québec », souligne M. Michaudville, dont le Syndicat représente plus de 2000 membres à Sorel-Tracy.

Pour Mme Lavoie-Vigeant, l’empressement d’effectuer des suppressions budgétaires est aberrant. « Il n’y a pas eu d’analyse à long terme, notamment concernant les impacts sur les services aux usagers. C’est complètement bâclé! Par exemple, les kinésiologues agissent en prévention. C’est aberrant de cibler des coupures en prévention. C’est avec la prévention qu’on peut éviter les hospitalisations trop longues. On recule assurément sur le service à la population », partage-t-elle.

De son côté, Mme Petrie craint que les suppressions aient des impacts sur les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes qu’elle représente. « Il y aura des impacts sur les soins sécuritaires. Au bout de la ligne, nous avons l’impression que ce sont des économies de bout de chandelle et que ce sont les usagers qui vont écoper. Les infirmières vont écoper aussi parce qu’on enlève de l’aide sur les étages. C’est une boucle. La charge va même rebondir vers l’urgence. À l’urgence de Sorel, on a déjà des ratios très souvent dangereux les week-ends. Actuellement, Santé Québec ne démontre pas qu’il était prêt à aider le réseau de la santé », mentionne-t-elle.

Finalement, Vincent Deguise, préfet de la MRC de Pierre-De Saurel et membre du comité régional de vigie en santé et services sociaux, informe que ledit comité se réunira le 13 mars prochain, alors que les impacts des suppressions l’inquiètent. « Les coupures seront à l’ordre du jour parce qu’on doit en connaître les impacts », mentionne-t-il.

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