26 mai 2025 - 09:50
Parmi les hôpitaux les plus vétustes dans la province
Québec ne prévoit aucune somme pour l’Hôtel-Dieu de Sorel dans son plan décennal
Par : Alexandre Brouillard

L’Hôtel-Dieu de Sorel est le troisième hôpital le plus vétuste au Québec, selon des données de 2021 de Santé Québec. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Bruno Petrucci, président-directeur général du CISSSME. Photo gracieuseté

Récemment, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a réparti les enveloppes budgétaires pour les projets inscrits au Plan québécois des infrastructures (PQI) 2025-2035. Aucune somme n’est prévue pour des projets d’agrandissement ou de modernisation de l’Hôtel-Dieu de Sorel. Pourtant, l’établissement hospitalier est le troisième plus vétuste au Québec, selon des données de Santé Québec.

D’ici 2035, le PQI prévoit des investissements de 164 G$. En santé et services sociaux, 4,6 G$ sont réservés pour la construction, la réfection, l’agrandissement et le réaménagement d’hôpitaux. Notons que ces projets doivent être de 20 M$ et plus pour apparaitre au PQI. Rien n’est prévu pour l’Hôtel-Dieu de Sorel, un hôpital bâti en 1945 qui dessert une population vieillissante.

Selon des données fournies par Santé Québec (2021) – la plus récente évaluation des hôpitaux de la province – l’Hôtel-Dieu de Sorel avait une note de vétusté de 38 sur 100, tout juste derrière l’Hôpital Laurier (50) et l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel (54).

Luc Michaudville, président du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME), constate différents problèmes à l’Hôtel-Dieu de Sorel qui, selon lui, expliquent en partie sa troisième position dans le palmarès des pires hôpitaux du Québec. « Un des principaux problèmes concerne les ascenseurs qui ne sont vraiment pas à jour. Ils font souvent défaut, au moins une fois par semaine. Récemment, un ami technologue est resté pris avec son équipement dans l’ascenseur. C’est du gros n’importe quoi parce qu’il y a seulement quatre ascenseurs à l’Hôtel-Dieu », expose-t-il.

Selon lui, l’hôpital sorelois est le parent pauvre du CISSSME, puisque les hôpitaux Honoré-Mercier [Saint-Hyacinthe] et Pierre-Boucher [Longueuil] sont en bien meilleur état. Parmi les autres enjeux, Luc Michaudville soulève le nombre trop élevé de chambres multiples [quatre lits], des systèmes de cloches inadéquats sur plusieurs départements, l’absence d’air climatisé à d’innombrables endroits, une machinerie désuète à la buanderie et l’absence de chute à linge. « Ce ne sont pas des problèmes si visibles, mais pour les employés, ça fait une différence. Je me promène dans les deux autres hôpitaux du CISSSME et on ne voit pas ça, des départements ou des corridors non climatisés », mentionne-t-il.

Ce dernier atténue néanmoins ses propos, rappelant que le premier étage de l’Hôtel-Dieu a eu droit à une cure de jouvence dans les dernières années. « Quand j’étais entré il y a 12 ans, l’établissement de Sorel était beaucoup plus magané. Je vois quand même du positif présentement. […] Ça paraît bien pour l’œil. Franchement, là-dessus, ils font attention. Tout ce qui est du paraître est priorisé. […] Je me sens quand même heureux parce qu’on est rendu avec un appareil d’imagerie par résonance magnétique et un scan moins dépassé », nuance Luc Michaudville.

Des solutions sur la table depuis 2023

En 2022, le CISSSME avait confié à la firme CIM Conseil la responsabilité de pondre le Plan directeur clinique et immobilier (PDCI) de l’Hôtel-Dieu de Sorel. L’objectif était de guider les développements cliniques et immobiliers, répondre aux besoins projetés de la population d’ici 2031, favoriser l’autonomie de la région et maximiser le potentiel de l’installation en cohérence avec les projets en cours et à venir.

Ainsi, au printemps 2023, après plusieurs mois de travail, la firme avait livré un rapport clinique d’environ 300 pages. À plusieurs endroits, le document rapporte des enjeux aussi soulevés par Luc Michaudville, soit des espaces insuffisants ou non conformes dans plusieurs secteurs, dont la chirurgie et les unités de soins. Le rapport a aussi dénoté un manque de chambres simples, des enjeux de conformité pour les vestiaires, les archives, la buanderie et certains accès.

La firme dresse aussi un portrait du territoire et de la population du Réseau local de Santé de Pierre-De Saurel. Elle affirme que celle-ci est vieillissante, ce qui entraînera une demande accrue en soins.

En conclusion de son rapport, la firme propose plusieurs scénarios de remaniements des infrastructures existantes, passant de remaniement majeur, d’agrandissement ou de construction d’un nouveau pavillon. Les scénarios proposés s’échelonnent entre des sommes d’environ 30 M$ à 95 M$.

Malgré la situation dépeinte par la firme, aucun de ces projets n’apparait au PQI 2025-2035.

Le PDG du CISSSME se veut rassurant

Questionné concernant l’état de l’Hôtel-Dieu de Sorel et sa piètre performance au classement des hôpitaux les plus vétustes du Québec, Bruno Petrucci, le président-directeur général du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME), a relativisé la situation, assurant effectuer les représentations nécessaires auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

En entrevue avec Les 2 Rives, Bruno Petrucci a d’emblée souligné être surpris du dernier classement des hôpitaux de Santé Québec qui date de 2021. Il rappelle qu’entre 2017 et 2021, l’hôpital de Sorel-Tracy est passé de la 17e à la 3e position du classement des établissements de santé les plus vétustes du Québec.

« Depuis 2019-2020, on a investi presque 69 M$ pour réaliser différents travaux. Je comprends que la méthode de calcul a changé. La première fois, en 2017, la méthode de calcul n’était pas très détaillée. Ensuite, il y a eu une nouvelle méthode de calcul beaucoup plus détaillée qu’on a demandé aux établissements de faire. J’ai compris que peu d’établissements l’ont fait. Nous [CISSSME et Hôtel-Dieu de Sorel] on l’a fait. Ça va beaucoup plus dans le détail. Sauf que là, on ne comparait plus des résultats détaillés avec d’autres établissements. C’est pour ça que la décote a été surprenante », explique-t-il en détail.

« Ça donne l’impression qu’on s’est dégradé, mais en réalité, avec les investissements qu’on a faits au cours des dernières années, on s’est beaucoup amélioré », assure Bruno Petrucci.

Ce dernier affirme même que les améliorations sont visibles. « On le constate aussi au niveau des inspections, des normes incendie, des normes d’ascenseurs, pour la qualité de l’air », énumère-t-il.

Et concernant le PDCI

Concernant le Plan directeur clinique et immobilier (PDCI) de l’Hôtel-Dieu de Sorel réalisé par la firme CIM Conseil, Bruno Petrucci mentionne qu’il avait été commandé pour se donner une vue d’ensemble des priorités des 10 ou 15 prochaines années. « Le PDCI a été déposé au ministère, je pense il y a deux ans. Mais il n’y a aucun projet au prévu au PQI [Plan québécois des infrastructures] autre que celui de l’agrandissement de Pierre-Boucher [au CISSSME] », informe-t-il.

M. Petrucci assure que les représentations ont été faites au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), et donc à Santé Québec, conséquemment aux besoins de l’Hôtel-Dieu de Sorel. « On l’a [PDCI] présenté aux gens, ce n’est pas quelque chose qu’on garde dans nos tiroirs, assure-t-il. Chaque année, un PQI est publié. L’an prochain, ce sera celui de 2026-2036. Des projets vraiment intéressants apparaissent dans le PDCI, mais je ne sais pas où ils figurent en priorité au niveau de Santé Québec. »

Des travaux en cours et prévus

Dans les dernières années, la plupart des travaux à l’Hôtel-Dieu de Sorel étaient pour rendre conformes certains aspects, par exemple en installant des gicleurs. « On n’a pas enlevé des murs ou réaménagé des postes de garde. Ce n’était malheureusement pas ça l’objectif. Mais l’immeuble a quand même été modernisé en étant plus sécuritaire », soutient Bruno Petrucci.

Actuellement, une section de la toiture de l’Hôtel-Dieu est en réparation. M. Petrucci révèle aussi d’autres priorités. « Le bloc opératoire, les soins intensifs, les cliniques ambulatoires, mais ils ne sont pas encore définis sous forme de projet », mentionne-t-il.

Finalement, bien qu’aucun projet pour l’Hôtel-Dieu n’apparait au PQI 2025-2035, qui contient seulement des projets de 20 M$ et plus, M. Petrucci affirme que des travaux de moins grande envergure pourraient avoir lieu. « Quand ils sont en bas de 20 M$, ce sont des enveloppes gérées avec Santé Québec, rappelle-t-il. Dans les cinq dernières années, on en a fait plus et on a investi plus que dans les 15 dernières années. »

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