Âgé de 37 ans, Anthony Collin était au Québec depuis novembre 2023 et il travaillait chez AM Installations, qui avait commencé un chantier quatre jours auparavant afin de construire un superdôme sur un terrain des Habitations Richard Hébert, devant l’usine Rio Tinto Fer et Titane. S’il ne sait pas exactement ce qui s’est produit, son frère Arnaud se questionne sur les méthodes employées sur le chantier après la lecture de l’article publié dans Les 2 Rives du 10 juin.
Rappelons que dans cet article, le représentant syndical Sylvain Boivin avait été appelé à se rendre sur les lieux puisque la méthode de montage utilisée soulevait de nombreuses questions quant au respect des normes de sécurité. On parle notamment d’une nacelle, supposée lever des personnes, qui supportait une armature d’acier. M. Boivin remettait aussi en doute la solidité du béton sur lequel des ancrages ont été fixés pour tirer la structure, ou bien le fait d’utiliser une corde de nylon pour stabiliser la structure plutôt qu’un câble d’acier.
« C’est un accident qui aurait pu et qui aurait dû être évité, j’en suis certain », s’exclame Arnaud, en entrevue.
« On nous a volé mon frère. Il était parti pour vivre une certaine expérience. On n’est pas censé mourir au travail. S’il y avait autant de lacunes sur le chantier, ce n’est pas normal », ajoute-t-il.
Ce dernier ne compte pas en rester là. La famille n’écarte pas entreprendre des démarches judiciaires lorsque l’enquête de la CNESST sera complétée. « S’il y a effectivement eu des lacunes, on va défendre sa mémoire. Il est hors de question qu’il soit mort pour rien. Anthony aurait pu être celui qui a fait une erreur, mais là, ça ne semble pas être le cas. Si ce sont des négligences qui ont entraîné sa mort, quelqu’un doit payer pour ça », insiste Arnaud Collin.
Rencontrée à son domicile, la copine d’Anthony, qui préfère qu’on taise son nom, abonde dans le même sens. « Est-ce que ce sera une poursuite? Une mise en demeure? Je ne sais pas encore, mais on veut explorer toutes nos avenues. Une chose est sûre, c’est qu’Anthony était très prudent. Il prenait toutes les précautions nécessaires sur un chantier », mentionne-t-elle.
La prochaine étape pour la famille est de rapatrier le corps, ce qui devait être fait au cours de la dernière fin de semaine, donc près d’un mois après sa mort. Arnaud, sa femme, sa fille (qui était la feuille d’Anthony), ses deux sœurs et sa mère l’accompagneront au Canada pour ramener la dépouille en France.
D’ailleurs, Arnaud déplore la façon dont les choses se sont passées après la mort de son frère. « C’est [sa conjointe] qui m’a appris le décès et non la police. L’employeur [Pierre-Luc Morin d’AM Installations] m’a appelé seulement parce que j’ai insisté pour lui parler. S’il n’avait pas rencontré [sa conjointe] là-bas, je ne sais même si on l’aurait su », peste-t-il.
« Un tonton en or »
Arnaud Collin était très proche de son frère, au point où il lui parlait par Messenger vidéo aux deux ou trois jours. « Il était très important dans ma vie. C’était la moitié de moi. On nous appelait les faux jumeaux », raconte-t-il en prenant des pauses entre chaque phrase.
Père de quatre enfants, Arnaud Collin affirme que son frère Anthony était l’oncle parfait. « C’était un tonton en or. Il était toujours là pour s’occuper de tout le monde. Il ne pouvait pas toujours venir nous voir en France parce que c’est cher, mais il nous faisait des virements pour qu’on achète des cadeaux aux enfants et il y avait une feuille d’érable sur les cadeaux d’Anthony. On disait aux enfants que ça venait du père Noël du Canada », se remémore-t-il.
« Il était attentionné avec tout le monde, avec moi aussi. Il me faisait sentir bien », renchérit la conjointe d’Anthony.
Anthony devait se rendre en France en juillet pour les 40 ans de son frère. « Toute la famille proche et éloignée devait être ensemble. On va faire ces quatre jours de vacances tous ensemble, mais sans lui. Ce ne sera pas pareil. Ce ne sera plus jamais pareil », conclut Arnaud Collin avec émotion.
Le propriétaire d’AM Installations, Pierre-Luc Morin, n’a pas retourné notre appel. Dans l’édition du 10 juin dernier, en entrevue, il soulignait ne pas avoir eu vent de quelconque manœuvre non conforme sur le chantier et que c’était « incompréhensible ce qui est arrivé ».