Le 8 octobre dernier, la Colonie des Grèves a publié un communiqué annonçant avoir fermé l’accès à ses terrains, à son stationnement et à son accueil aux usagers du Parc régional des Grèves (PRDG). Rappelons que depuis 18 ans, la Colonie des Grèves fait partie du PRDG grâce à un partenariat entre les villes de Contrecœur et de Sorel-Tracy, Rio Tinto Fer et Titane (RTFT), le Cégep de Sorel-Tracy et l’organisme Kinéglobe. Tous ces acteurs sont réunis par un protocole d’entente qui est échu depuis mars 2025.
Ainsi, faute d’entente, la Colonie assure affirme avoir été dans l’obligation de limiter l’accès à ses installations.
Dès le lendemain, soit le 9 octobre, en guise de réponse, la Ville de Contrecœur a publié un communiqué, soutenant que la Colonie « sème la confusion dans son communiqué en mélangeant deux dossiers qui ne devraient pas être liés. Elle prétend que le protocole d’entente est échu depuis mars 2025 et n’a pas été renouvelé. Or, au moment même où la Colonie publiait son communiqué, les membres du conseil d’administration du PRDG étaient précisément en train d’approuver le nouveau protocole, modifié à la demande de la Colonie pour y inclure des compensations additionnelles à son égard ». Le 1er octobre, une résolution visant à autoriser la signature du protocole d’entente avec les autres partenaires du PRDG a été adoptée.
Historique
Mais pourquoi la Ville accuse la Colonie de mélanger deux dossiers? Il y a d’un côté le protocole d’entente et de l’autre une riche historique de mésentente.
En 2021, la Colonie des Grèves avait refusé une offre de 1,3 M$ de la Ville de Contrecœur qui souhaitait en faire l’acquisition. À ce moment, la Ville affirmait vouloir agrandir le PRDG sous forme d’aire publique de conservation, de protéger l’intégrité des immeubles et d’empêcher les nouvelles constructions ou usages susceptibles d’en affecter l’état naturel.
Peu de temps après, la Colonie avait vendu un terrain de plus de 100 000 m², le lot 902, à RTFT. L’objectif était de soutenir la relance de la Colonie et générer de l’argent.
De facto, les membres du conseil contrecœurois avaient alors adopté un règlement pour interdire l’abattage d’arbres dans cette zone. Aussi, la Ville avait maintenu l’imposition de sa réserve foncière sur les immeubles situés sur les terrains de la Colonie de Grèves et sur ceux des alentours ne lui appartenant pas ou plus afin d’en faire une aire de conservation naturelle.
Face à ces actions, RTFT et Contrecœur se sont retrouvés devant le Tribunal administratif du Québec, alors que l’entreprise souhaitait ainsi forcer l’administration municipale à faire marche arrière. Questionnée la semaine dernière à ce sujet, l’instance municipale contrecœuroise informait que le dossier devant le Tribunal n’était pas terminé.
Par ailleurs, en entrevue la semaine dernière, Yves Beaulieu, président de la Colonie, a informé que RTFT n’avait pas touché au lot 902 depuis son achat. « Aucun arbre n’a été coupé et ça n’a jamais été question de ça. C’est la Ville qui s’est imaginé ça. Elle nous a identifiés comme des complices d’un plan machiavélique », avance-t-il.
Expropriation
Toujours dans le communiqué, la Colonie affirme faire face, depuis quelques années, à une procédure d’expropriation entreprise par la Ville de Contrecœur. L’expropriation vise une section de terrain située entre la route Marie-Victorin et le chemin de fer. « Au printemps 2021, le conseil municipal de Contrecœur dirigé par la mairesse sortante, Maud Allaire, a enclenché une opération agressive à l’endroit de la Colonie. La direction et les membres bénévoles du conseil d’administration de la Colonie ont tenté par tous les moyens de contrer l’expropriation », peut-on lire.
Selon la Colonie, cette démarche a eu des conséquences importantes : diminution du soutien financier et des dons, arrêt des investissements sur les bâtiments et les infrastructures et épuisement ainsi que la perte de bénévoles.
Yves Beaulieu s’explique mal les intentions de la Ville. « Je ne crois pas à la thèse que Contrecœur a un agenda secret. Mais je crois qu’ils ne nous font pas confiance pour bien gérer les lieux, même si ça fait plus que 100 ans qu’on s’en occupe », confie-t-il en entrevue.
Après plusieurs mois de négociations entre les deux parties, notamment par le biais de leurs procureurs, le conseil d’administration de la Colonie a finalement décidé de laisser la procédure d’expropriation suivre son cours. « Malgré plusieurs tentatives de discussion et une ouverture de la part de la Colonie pour régler la situation à l’amiable, la Ville n’a donné aucun suivi depuis plusieurs semaines », avance la Colonie.
De son côté, la Ville affirme avoir rapidement étudié la contre-proposition de la Colonie qui serait parvenue « tardivement ». « La proposition initiale de la Ville, faite de bonne foi, se voulait réaliste et avait pour objectif de dénouer l’impasse dans l’intérêt de tous. La contre-proposition, très onéreuse, s’éloignait malheureusement grandement de celle de la Ville, laquelle n’aurait pu justifier auprès de la population la conclusion d’une telle entente. La Colonie en a été rapidement informée par divers canaux », lit-on dans le communiqué publié le 9 octobre. Par ailleurs, l’instance municipale dit ne pas avoir reçu de confirmation officielle de la part de la Colonie concernant sa non-contestation de l’expropriation.
Et maintenant?
La Colonie des Grèves informe qu’elle s’en remettra à la décision du Tribunal administratif du Québec qui devra déterminer la valeur de la propriété visée par l’expropriation et établira le montant que devra verser la Ville pour l’ensemble des dommages et inconvénients générés par ces procédures. « Ainsi, nous serons en mesure de valider la cohérence de cette démarche entreprise par la mairesse sortante Maud Allaire et le conseiller sortant du district #6 (secteur de la Colonie), Claude Dansereau qui siège également au conseil d’administration du PRDG », lit-on.
Pour sa part, la Ville de Contrecœur suivra aussi les procédures devant le Tribunal et rappelle avoir posé un geste significatif pour s’assurer que le boisé demeure accessible au public plutôt qu’être vendu à des intérêts privés. « Le conseil municipal a toujours eu pour objectif ultime d’offrir à la population un accès perpétuel à ce secteur riche en plantes rares et en espèces en péril. La protection intégrale de cette zone boisée, dont fait partie une pinède centenaire, est cruciale pour atténuer les effets de la chaleur urbaine », lit-on.







