Grâce au SEDM SEMO Montérégie, un service de formation, d’intégration et de maintien à l’emploi pour personnes handicapées, en collaboration avec l’Atelier Centre de travail adapté (ACTA), Guylaine Nadeau, atteinte de cécité et également aux prises avec des problèmes d’audition, peut gagner sa vie. Peut-être encore plus important encore, elle peut se donner une dignité et être appréciée et valorisée par un employeur où elle effectue l’entretien ménager depuis sept ans.
Cet employeur, le Carrefour naissance-famille (CNF) de Sorel-Tracy, qui se veut, en quelque sorte, un plateau de travail pour l’Atelier, a simplement appliqué la recette qui consiste à faire confiance, accepter les limitations et la situation de la personne et aussi, faire preuve de compréhension.
« Guylaine fait bien son travail. Tellement, en fait, que lorsqu’elle n’est pas là, pour des vacances ou un congé, on s’en ressent et on s’ennuie d’elle », nous confie Gabrielle Gélinas St-Ours, coordonnatrice au CNF.
« Elle est méticuleuse, voire perfectionniste. Elle prend le temps de bien faire les choses. Bien sûr, comme employeur, il faut faire preuve d’ouverture, de flexibilité », ajoute la coordonnatrice, qui ainsi, lance un petit message aux employeurs qui hésitent à embaucher une personne ayant des limitations.
Gabrielle Gélinas St-Ours plaide en faveur des personnes comme Guylaine qui sont tout à fait capables d’occuper un emploi tellement elle regorge de compétences, de rigueur, de sérieux dans l’exécution de leurs tâches. « On parle d’une main-d’œuvre qualifiée », invoque Gabrielle.
Oui, le Carrefour est un organisme communautaire et peut faire preuve de plus de flexibilité, mais il est aussi un employeur qui a besoin de résultats et si Guylaine n’était pas compétente, elle ne serait tout simplement pas là.
Au Carrefour naissance-famille, on retrouve notamment une garderie. Plusieurs activités impliquant des parents et leurs enfants y ont lieu. « Nous n’avons pas eu besoin de transformer les lieux, les adapter pour Guylaine, mais nous lui facilitons la tâche. On ne veut pas qu’elle descende les marches avec du matériel trop encombrant comme des bacs à linge. Il y a toujours quelqu’un prêt à lui prêter main-forte », explique Gabrielle, tout en ajoutant que Guylaine fait, de toute façon, toujours preuve de débrouillardise et d’autonomie.
N’empêche, le Carrefour a fait en sorte de lui fournir un bureau de travail blanc près de la garderie à cause de la brillance qu’elle peut projeter, car Guylaine peut distinguer, malgré son état, un peu de lumière. « Il faut aussi accepter et respecter la méthode, la façon de travailler de la personne. Lui laisser le temps de faire les choses. Et dans le cas de Guylaine, elle les fait plus que bien », assure Gabrielle.
Organisée
« Les gens ici sont compréhensifs et généreux, soutient Guylaine Nadeau. Je me fais des repaires visuels et si l’équipe procède à des changements, les gens m’en avertissent aussitôt. ».
Même chose en ce qui concerne les électro-ménagers. Tout ce qu’il y a à faire, c’est d’expliquer une fois à Guylaine où sont situés les boutons et leurs fonctions et le tour est joué. « J’utilise beaucoup mes doigts, Je vois avec mes doigts. Je planifie beaucoup. J’organise mon travail afin d’être la plus performante possible et je le fais en fonction des activités du Carrefour », nous dit Guylaine, qui travaille 24 heures par semaine et dont le salaire est versé à la fois par l’Atelier et le Carrefour.
Guylaine Nadeau, au fil du temps, a su développer des trucs afin de pallier sa cécité. « Mais la communication est importante avec les gens de l’équipe. Je me sens appréciée ici et ils me font confiance. Et ça, c’est important de sentir que l’on est utile, que ce que l’on fait est important », évoque Guylaine.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il convient de faire taire les idées préconçues que l’on peut avoir sur les capacités d’une personne ayant des limitations, qu’elles soient physiques ou intellectuelles et à qui on peut très bien confier des tâches et des responsabilités en emploi.
Si un employeur hésite à embaucher une personne qui ne peut se déplacer qu’en fauteuil roulant, par exemple, et qu’il craint de devoir effectuer des transformations coûteuses afin d’adapter le lieu de travail, il est important de savoir qu’il existe plusieurs programmes de subventions disponibles aux entreprises, institutions ou organismes, de même que des programmes à l’embauche.
Les préjugés demeurent tenaces envers les personnes ayant des limitations
Beaucoup d’éducation reste à faire concernant l’image que l’on se fait des personnes aux prises avec une déficience physique. Les préjugés restent présents, même si, avec les années, les choses se sont améliorées.
C’est ce que croit la coordonnatrice de l’Association des personnes handicapées de Sorel-Tracy (APHST), Marie-Hélène Galien, notamment en ce qui a trait à l’embauche de personnes devant vivre avec des limitations. « Nous voyons de plus en plus des employeurs embaucher des personnes ayant une déficience physique. Le travail fait partie de la valorisation humaine », croit fermement Mme Galien.
Si on en voit de plus en plus, ce n’est pas encore assez, plaide Stéphanie Houle, animatrice à l’APHST. « Une personne avec une déficience physique est différente, mais en même temps, elle est comme tout le monde avec ses intérêts, ses goûts, ses passions. Si les personnes venant ici pour participer aux activités que nous leur proposons afin d’améliorer leur qualité de vie sont, pour la plupart, handicapées trop lourdement pour espérer occuper un emploi, il n’en reste pas moins qu’elles ont beaucoup de potentiel », soutient-elle.
Outre le malaise qu’il peut ressentir, d’autres facteurs font en sorte qu’un employeur hésite à embaucher une personne ayant des limitations. « C’est compliqué. Le premier obstacle vient de la différence. À la base, il faut une ouverture d’esprit. Il faut parfois un lieu de travail adapté. Il y a la routine des soins, la médication. Ce sont des aspects qui peuvent faire reculer un employeur », explique Stéphanie Houle, tout en précisant que les employeurs peuvent bénéficier de subventions gouvernementales pour adapter leurs lieux de travail.
Un organisme essentiel
L’APHST se veut un joueur important en matière d’intégration sociale de ces personnes. L’organisme facilite l’accessibilité au transport, au logement, aux loisirs, à l’éducation et à l’emploi. « Nous avons peu de cas de personnes qui désirent intégrer le marché du travail, même si elles ont beaucoup de potentiel », fait remarquer Mme Houle.
Au cours de la semaine, l’organisme invite la clientèle à participer à diverses activités, qu’elles soient physiques ou sociales. Entre autres, ils peuvent apprendre le tricot, la cuisine, s’exprimer par la peinture, utiliser un casque de réalité virtuelle et effectuer des sorties pour encourager les Éperviers de Sorel-Tracy.
Du même souffle, Stéphanie Houle croit que certaines personnes parmi les 78 qui sont membres de l’organisme, de même que celles qui participent aux activités, pourraient très bien intégrer l’Atelier, un centre de travail adapté à Sorel-Tracy. L’APHST travaille présentement sur ce dossier.
Pour faire taire les préjugés envers les personnes ayant des limitations, il ne s’agit souvent que d’apprendre à les connaître. Juste leur dire un petit bonjour quand on les rencontre peut suffire à briser la glace.








