15 novembre 2022 - 09:23
Débat des candidats à la mairie de Sorel-Tracy
Allusions, boutades et argumentations ont marqué les esprits
Par: Alexandre Brouillard

Le débat a fait salle comble au Cégep de Sorel-Tracy, alors que 250 personnes étaient présentes à l’auditorium. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Corina Bastiani. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Jean Cournoyer. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Patrick Péloquin. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Les trois candidats à la mairie. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Corina Bastiani et Patrick Péloquin. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Patrick Péloquin et Jean Cournoyer. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Jean Cournoyer. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Patrick Péloquin. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Corina Bastiani. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Le débat a fait salle comble au Cégep de Sorel-Tracy, alors que 250 personnes étaient présentes à l’auditorium. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Les trois candidats à la mairie de Sorel-Tracy étaient bien préparés à débattre. Présentant des opinions divergentes à plusieurs reprises, ils n’ont pas hésité à se confronter et à illustrer leurs visions pour l’avenir de la Ville de Sorel-Tracy devant une salle comble à l’auditorium du Cégep de Sorel-Tracy, le 8 novembre dernier.

Durant les deux heures qu’a duré le débat, Corina Bastiani, Patrick Péloquin et Jean Cournoyer ont débattu sur quatre thématiques, soit l’environnement, l’économie, la gouvernance ainsi que le tourisme, loisir, sport et culture.

Alors que Patrick Péloquin et Corina Bastiani ont fait l’étalement de leurs connaissances de la politique municipale, Jean Cournoyer a bien souvent semblé en méconnaitre les rouages.

Seule femme sur le plateau, Corina Bastiani s’est présentée comme une citoyenne près des électeurs, affirmant vouloir apporter davantage du « peuple » au conseil municipal. Celle qui a été conseillère de 2005 à 2013 a commencé la soirée en lionne, interpellant rapidement ses adversaires. Elle a vivement critiqué Patrick Péloquin, son ancien collègue au Parti d’Aujourd’hui, de ne pas avoir toujours été en mesure d’imposer sa vision depuis son arrivée au conseil municipal en 2013.

Pour sa part, Patrick Péloquin s’est présenté comme un homme impliqué dans sa communauté qui souhaite poursuivre le travail amorcé à l’hôtel de ville avec l’équipe en place. Alors qu’il a profité de la soirée pour étaler plusieurs projets pour le futur de Sorel-Tracy, il a souvent été attaqué par les autres candidats. Il a néanmoins réussi à conserver son calme et à défendre le bilan du conseil municipal. D’ailleurs, Mme Bastiani et lui se sont fréquemment affrontés sur de vieilles querelles.

Ne semblant pas dérouté par les habiletés politiques de ses adversaires, Jean Cournoyer a misé sur ses forces : le monde des affaires. Possédant plusieurs entreprises, dont Location Kiroule et Construction 2000, l’homme de 59 ans a émis son souhait d’agir concrètement sur le terrain grâce à ses contacts. Une situation que M. Péloquin n’a pas tardé à exposer. Patrick Péloquin a affirmé à plusieurs reprises que son adversaire serait presque toujours en « conflits d’intérêts » concernant ses activités économiques advenant son élection.

N’adhérant pas à ces propos, M. Cournoyer a plutôt rappelé ses ambitions d’apporter son expertise et un vent de fraicheur à l’hôtel de ville. Il a d’ailleurs dépeint ses adversaires comme des politiciens, et ce, au sens péjoratif, déplorant leur lenteur à mener à terme des projets municipaux.

L’environnement glisse vers la gouvernance

D’entrée de jeu, alors que les candidats devaient présenter leurs différentes idées pour protéger l’environnement, le débat a plutôt glissé vers la question de la gouvernance lorsque Patrick Péloquin a questionné Jean Cournoyer concernant de possibles conflits d’intérêts advenant son élection. « Quand vous avez parlé d’environnement, vous avez parlé de construction. Ça soulève en moi la question fondamentale, c’est du conflit d’intérêts », a lancé Patrick Péloquin dès le début de la soirée.

« Si on parle de revitalisation du centre-ville, vous avez un commerce au centre-ville. Si on parle de construction domiciliaire, vous avez une entreprise de construction. Si on parle de voirie, vous avez une entreprise aussi liée à ça. Et, si on parle de faire venir des industries à Sorel-Tracy, vous possédez une multitude de terrains à Sorel-Tracy. Ça veut dire que ce n’est pas qu’aux prises de décision que vous devrez vous retirer, c’est dans toutes les discussions que vous devrez vous retirer », a ajouté M. Péloquin, prétextant que par les règles municipales, M. Cournoyer ne pourrait pas participer à plusieurs discussions du conseil municipal parce qu’il est un « joueur de l’industrie ».

Le principal intéressé a affirmé ne pas voir la situation de la même façon. « Je pourrais, sans m’ingérer, guider du monde. […] Je pourrais aider en collaboration avec ceux qui sont là présentement. […] Je ne vois pas dans quoi je pourrais être nuisible pour la Ville. Je veux aider ma ville, j’ai-tu le droit », a-t-il répondu.

Malgré cet aparté concernant la gouvernance, Patrick Péloquin et Corina Bastiani ont quand même énuméré plusieurs solutions environnementales, comme la mise en œuvre de la politique de l’arbre, la création d’un schéma d’aménagement du territoire et le réinvestissement dans le développement durable. Plus précisément, Mme Bastiani a confié ne pas vouloir opposer l’environnement et l’économie, alors que M. Péloquin a souligné sa volonté de créer « la charte verte de Sorel-Tracy pour protéger les droits environnementaux des citoyens ».

De son côté, Jean Cournoyer a mentionné vouloir travailler avec les autres paliers de gouvernement, ne croyant pas que Sorel-Tracy puisse régler seule les problèmes environnementaux. Il a aussi admis que le développement de la Ville peut se faire en préservant les milieux humides et les arbres.

Gouvernance : de vieilles chicanes resurgissent

Dans la thématique de la gouvernance, Corina Bastiani en a profité pour émettre sa volonté de « mettre fin aux pièces de théâtre » lors des séances du conseil municipal. Elle a partagé son souhait de voir la Ville multiplier les consultations publiques et faire preuve de plus de transparence.

Alors que Patrick Péloquin a été questionné concernant le modus operandi de l’ancien conseil où aucun débat n’avait lieu devant public, il a répondu que l’objectif était d’éviter « le fiasco du conseil précédent où Mme Bastiani siégeait où c’était querelle par-dessus querelle avec bien sûr les participations à la télévision », a-t-il souligné, soutenant vouloir maintenant tourner la page, organiser plus de consultations publiques et mettre en place un comité de vigie.

« Vous débattez sans arrêt que vous voulez consulter la population, mais dans les projets que vous avez défendus. […] Pourquoi vous n’avez pas fait plus de consultations publiques générales et pas nécessairement dans votre quartier? », a rétorqué Corina Bastiani.

Pour sa part, Jean Cournoyer ne s’est pas immiscé dans ces vieilles querelles. Il a plutôt soutenu vouloir gérer les dépenses de la Ville comme une compagnie et avoir l’ambition de laisser les chicanes de côté pour faire avancer les dossiers. « Peut-on travailler en équipe à la ville et lâcher ce qui s’est passé? Je pense que ça, les gens sont écœurés », a lancé l’homme d’affaires.

Des visions économiques différentes

Concernant l’économie, malgré leurs visions différentes, les candidats ont tous souligné les besoins criants de doter Sorel-Tracy de nouvelles habitations.

Jean Cournoyer a affirmé vouloir développer la ville en attirant de nouveaux employés et en créant des emplois. Il a d’ailleurs lancé que Sorel-Tracy devait se doter de 3000 à 5000 portes supplémentaires dans les cinq prochaines années.

De son côté, Patrick Péloquin a martelé la nécessité d’adresser la pénurie de main-d’œuvre, d’accueillir des travailleurs étrangers et d’investir dans l’économie locale. Pour ce faire, il croit que la Ville doit se doter de logements abordables, mais pas au détriment des zones boisées.

Alors que Corina Bastiani a aussi admis le besoin d’augmenter le nombre de logements abordables, elle a spécifié que la Ville doit accueillir « tous types d’habitations ». De plus, elle a souligné l’importance d’aider les commerçants du centre-ville qui seront impactés par d’énormes chantiers en 2023. « Il faut miser sur du développement technologique et penser à notre agriculture. Mettre en valeur notre ville pour des emplois de qualité », a mentionné Mme Bastiani.

Finalement, Jean Cournoyer a encore profité de la portion débat pour exposer son incompréhension face à certaines décisions du conseil municipal, citant le projet de 380 logements prévu en bordure de la rivière Richelieu et près du parc Dorimène-Desjardins, qui aurait été refusé à « 18 reprises » selon ses informations. « Je ne suis pas ici pour rien ce soir. On pellette des nuages et je suis tanné », a-t-il lancé avec désarroi à la fin du débat.

Tourisme, loisir, sport et culture : une vague d’idées

Lors de la dernière thématique, Corina Bastiani a dit vouloir consolider le tourisme, se réapproprier les cours d’eau et développer un lieu sportif près de la Place des loisirs du côté de Tracy.

Patrick Péloquin a partagé son envie de voir la ville se doter d’un nouvel aréna, de réaménager le stade de baseball et de construire une passerelle pour piétons et cyclistes au-dessus de la rivière Richelieu. Il a aussi proposé son ambition de faire de Sorel-Tracy la capitale de la culture en Montérégie.

Finalement, Jean Cournoyer croit que Sorel-Tracy doit consolider ses attraits touristiques et les améliorer, dont ajouter des quais aux abords du Centre des arts contemporains du Québec à Sorel-Tracy.

Réactions des candidats

Les candidats ont eu la chance d’échanger à trois reprises au cours de la dernière semaine : lors du débat officiel organisé par les médias mardi, avec le monde communautaire mercredi et avec les étudiants du Cégep de Sorel-Tracy jeudi. Voici leurs réactions après ces trois joutes oratoires.

Corina Bastiani :

« Je trouve qu’on n’a pas assez parlé d’environnement de façon concrète, ni de finances publiques notamment avec l’inflation qui affecte les gens. Je suis vraiment heureuse d’avoir constaté l’intérêt des gens pour les débats, des gens de tous âges. Beaucoup de personnes ont suivi le débat de mardi, les organismes communautaires étaient nombreux mercredi et les jeunes se sont intéressés à la politique jeudi, c’est très positif. Je crois que ces trois rencontres ont permis de bien définir chacune de nos personnalités. Débattre ne veut pas dire se battre. »

Patrick Péloquin :

« C’est une semaine constructive qui permet de voir, au-delà des lignes que chaque candidat a à offrir, la nature même et la compréhension des enjeux municipaux. Ça nous permet de faire un meilleur choix. J’ai adoré participer à ces trois débats-là, dont celui de mardi soir qui était un gros défi. Celui avec le communautaire était aussi enrichissant et celui avec les étudiants était très différent. C’est bon pour la démocratie. »

Jean Cournoyer :

« M. Péloquin s’attaque à moi sur le conflit d’intérêts, je pense qu’il est inquiet un peu vu qu’il se voyait maire plus rapidement que ça. J’embarque dans la course et il m’arrive avec des choses comme ça, j’essaie de voir où il veut en venir. Dans le milieu des affaires, on a le droit de présenter et de se prononcer. Si j’ai à me retirer lors de sujets, je vais me retirer, mais je n’arrêterai pas d’aider ma communauté. »

Via communiqué, il a réitéré qu’aucune de ses entreprises ne soumissionnera sur les appels d’offres de la Ville et que s’il s’avérait qu’un doute existe sur un potentiel conflit d’intérêts, il se retirera des discussions. Il a aussi assuré qu’il suivrait une formation en éthique et déontologie de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) comme tous les élus.

Les citations marquantes du débat

Corina Bastiani:

La candidate s’en prend à Patrick Péloquin au sujet des consultations publiques : « Dans les projets que vous avez défendus, comme le projet du Centre des arts contemporains, vous parlez aussi que vous voulez faire des citations, chose que vous n’avez pas faite, parce que ça demande des consultations. […] Mais pourquoi vous n’avez pas fait plus de consultations publiques générales? Je ne parle pas de celles de votre quartier. »

En s’adressant à Jean Cournoyer : « Pourquoi vous ne voulez plus faire de développement domiciliaire? On a besoin de vous, M. Cournoyer, dans le développement domiciliaire. »

« Y faut des maisons unifamiliales avec grands terrains, y faut des condos, y faut du multi-logements, y faut de tout pour tous les revenus pour tous les gens. C’est ça une municipalité. »

En parlant de la gouvernance : « Je vais mettre fin aux pièces de théâtre. Je ne vais pas mettre fin aux discussions en cocus. Je pense qu’il y a des dossiers tout de même qui sont confidentiels. Il y a des professionnels qui viennent présenter des projets au conseil municipal. Mais il faut que ça arrête d’être rubber-stamp, permettez-moi l’anglicisme. Y faut qu’on entende les élus débattre un peu plus, y faut qu’on sache ce qu’ils pensent. Ça peut nourrir les décisions de les entendre, pis que la population les entende. »

Patrick Péloquin:

Concernant l’apparence de bonne entente entre Serge Péloquin et lui-même : « C’était de dire : on va essayer de travailler en concertation. Pis, je pense qu’on l’a quand même bien fait. Mais pour des raisons de valeurs, je me suis opposé à de nombreuses reprises à des décisions qui ont été prises. […] J’ai pris des décisions, par exemple, au retrait du financement au Festival de la gibelotte. Je me suis opposé au retrait de la Ville de Sorel-Tracy à la Chambre de commerce parce que c’était quand même majeur. Je me suis battu également pour les zones boisées en face du Parc régional des Grèves et, encore plus récemment, près du cimetière anglican. Donc je [suis] très à l’aise avec toutes les décisions qui ont été prises par le conseil de ville. Je me suis levé debout à chaque fois que j’avais justement un point que je tenais absolument à avoir. »

« Si y’a une chose, M. Cournoyer, qu’il faut apprendre, c’est qu’au municipal, ça ne se règle pas comme dans une entreprise privée. »

« Je vous ai écouté tous les deux parler, pis c’était vraiment plein de bonnes intentions, mais quels sont vos projets concrets pour les jeunes qui pratiquent du sport à Sorel-Tracy? »

« Est-ce que vous savez y’a combien de projets de construction présentement à Sorel-Tracy? […] Y’en a 24 projets de construction, 1500 habitations qui sont en train de se faire construire. Donc ce n’est pas 50, pas 500, c’est 1500, 1500 habitations. »

Après avoir souligné que Jean Cournoyer devra se retirer de toutes les discussions du conseil municipal où il y aura des conflits d’intérêts en raison des nombreuses entreprises qu’il possède : « Allez-vous être un maire de corridor? »

Jean Cournoyer:

En réponse à Patrick Péloquin au sujet de la problématique de l’ingérence : « Moi, je le vois pas comme ça. Je m’engage, premièrement, à ne pas faire aucune soumission pour la Ville de Sorel-Tracy, soit en location, en construction, en pavage, etc. Pis, vous venez de souligner un bon point. Ça veut dire que vous auriez quelqu’un à la table qui a de l’expertise dans l’asphalte, dans les égouts, dans un peu toute. […] Je vois pas dans quoi que je pourrais être nuisible pour la ville. »

« Des logements y’en manque d’après moi au minimum 3000, mais je suis sûr que c’est plus que ça. C’est 3 à 5000 portes qui faut amener dans les cinq prochaines années. Ce n’est pas 200 portes, pis 50 portes. On n’y arrivera jamais. C’est ça qu’on a besoin, on est capable de le faire dans le respect. Vous me dites qu’il y a une politique de l’arbre. Elle est faite, c’est beau. Quand on prend un terrain, quand y’a du boisement dessus, on peux-tu dire qu’on garde 5-6 arbres avec 10-12 pouces sur la souche, pis on va faire de quoi de beau avec ces terrains-là au lieu de dire qu’on en fera pas de développement? »

« L’autre affaire qu’on parle depuis un méchante boute, pis j’t’écoeuré, j’espère qu’un moment donné, on va arrêter, c’est Serge Péloquin. On vas-tu en venir à boute de ça. Ou vous allez encore continuer à nous parler de ça pendant un an. […] On peux-tu travailler en équipe à la Ville, pis lâcher qu’est-ce qui s’est passé. Je pense que le monde [est] écoeuré. »

En répliquant à Patrick Péloquin et Corina Bastiani qui font état de ses suggestions spontanées de partenariats avec des entreprises privées lors d’événements à la Ville de Sorel-Tracy : « Parce que finalement, ce que je comprends, c’est qu’un maire, ça sert à rien. Y’a pas le droit d’avoir des idées, lui. »

Avec la collaboration de Jean-Philippe Morin et Rachel Gauthier.

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