3 avril 2017 - 00:00
Blanchi de tout soupçon, Gérard Bouchard cherche à retrouver la sérénité
Par: Louise Grégoire-Racicot
Gérard Bouchard, en 1998. | Photo: Gracieuseté

Gérard Bouchard, en 1998. | Photo: Gracieuseté

Après le retrait de plaintes en Cour supérieure de trois victimes d’agression sexuelle le blâmant de ne pas avoir bien traité leur dossier, l’ex-sergent détective à la retraite, Gérard Bouchard et sa famille comptent bien mettre ce cauchemar derrière eux

« Quand le huissier a frappé à notre porte en 2016, j’étais à la retraite depuis huit ans. Cela concernait un dossier qui remontait à 1994. Ça m’a ébranlé. J’y ai vu le geste de quelqu’un de révolté », a-t-il révélé dans une entrevue exclusive accordée au journal Les 2 Rives.
Après avoir fouillé le dossier, dit-il, révisé chaque décision prise et geste posé, « je savais que j’avais fait tout ce qui était en mon pouvoir de faire. J’avais déposé un dossier fouillé au procureur. C’est lui qui a refusé d’aller en procès. C’était en son pouvoir discrétionnaire. Moi, je n’avais rien à me reprocher », décrit M. Bouchard.

Mais cette poursuite l’a fortement ébranlé, choqué, reconnait-il. Car elle remettait en doute sa droiture aux yeux des gens. « Ça m’a enragé même », décrit-il. La perspective de perdre sa réputation de policier professionnel l’a bouleversé.

« Dans une petite ville, les gens se font vite une idée de la situation. Ce que les gens pensent m’importe beaucoup. »

Heureusement, il a gardé la confiance des siens, leur support, dit-il. « Après 37 ans et demi de service, j’étais encore fier de la job que j’avais faite. Ces accusations m’ont détruit », poursuit-il, la voix étouffée par l’émotion.

Rentrer dans l’ombre

Et son épouse, Francine Gendron d’ajouter : « On demande maintenant d’avoir la paix. Que les gens se rappellent qu’il n’est coupable de rien. »

Elle rappelle qu’il n’a pas été facile de voir les journalistes courir après eux, frapper à leur porte. De voir les journaux Le Devoir, le Journal de Montréal ou d’entendre Denis Lévesque faire circuler la nouvelle où les plaignants l’accusaient de négligence, d’avoir caché des faits.

« Ce dont on rêve, c’est de rentrer dans l’ombre en sachant que les gens ont compris que mon mari n’est ni coupable, ni négligent dans son travail. On ne demande de dédommagement à personne. Que de pouvoir renouer avec une vie plus normale que celle qu’on a connue au cours de la dernière année », conclut Mme Gendron.

La Ville salue les qualités de son ex-sergent-détective

La Ville de Sorel-Tracy se réjouit que des plaignants ayant intenté une poursuite de 1 750 000$ contre son ex-sergent détective retraité, Gérard Bouchard et contre elle, se soient désistés.

Ils ont découvert que, contrairement à ce qu’ils croyaient, les intimés n’avaient pas commis de faute et n’étaient pas responsables des préjudices qu’ils prétendaient avoir subi, a dit le maire Serge Péloquin.

M. Péloquin prévoit saluer, en assemblée régulière, le 3 avril, la droiture, le professionnalisme et l’intégrité exemplaire dont a fait preuve M. Bouchard pendant les 37 ans et demi de service au sein du corps de police.

« Quand une personne passe à travers une situation aussi éprouvante, ça le marque profondément et reste pour longtemps imprégné en lui. Nous souhaitons que M. Bouchard puisse laisser cela derrière lui et passer à autre chose. Que lui et sa famille retrouvent la sérénité », a poursuivi le maire.

Un très bon policier

Appelé à commenter l’entente, le conseiller et ex-policier Jocelyn Mondou était responsable des enquêtes à la sûreté soreloise, en 1994. Il était alors le patron de M. Bouchard.

« M. Bouchard était un très bon policier, dévoué dans son travail, très professionnel. Il n’hésitait pas à pousser à fond ses enquêtes. J’ai été fort surpris quand, en 2016, j’ai appris qu’il y avait une poursuite contre lui et la Ville. »

M. Mondou est surtout soulagé pour son ex-collègue, que cette histoire se termine ainsi.

« J’avais pleinement confiance en lui. Je lui confiais toutes les enquêtes sur les crimes sexuels, car M. Bouchard travaillait minutieusement. Il est un homme sensible qui, je l’espère, saura passer au travers cet épisode. Que des gens soient insatisfaits ou nous accusent de bien des maux, que des gens veuillent s’attaquer à des personnes en autorité, cela fait partie de notre travail. Mais c’est fort désagréable à vivre. Je souhaite que M. Bouchard retrouve la sérénité », a-t-il complété.

La cause

1994: Des plaintes d’agression sexuelle sont déposées contre André Pépin au détective Gérard Bouchard de la Sûreté municipale de Sorel. Il produit un rapport. La Couronne ne lui donne pas suite.

2013: M. Pépin fait face à 39 chefs d’accusation, la majorité pour agression sexuelle.

Mai 2015: M. Pépin est reconnu coupable de 29 chefs d’accusation.

Juin 2016: Il est condamné à 13 ans et demi de prison. Trois des victimes d’André Pépin déposent leur poursuite en Cour supérieure.

Février 2017: Les plaignants retirent leur plainte.

L’entente

M. Bouchard et les autres policiers n’ont pas erré dans leurs dossiers, ont reconnu les plaignants dans l’entente hors cour qu’ils ont signée. On y lit:

1. Le policier Gérard Bouchard n’a pas tenté d’étouffer des histoires de crimes sexuels et n’a pas protégé ou tenté de protéger André Pépin ni caché ou tenté de cacher les comportements d’André Pépin;

2. Le policier Gérard Bouchard n’a pas incité E.D. ou d’autres victimes à ne pas poursuivre des démarches visant à dénoncer leur agresseur et ne les a pas dissuadés de porter plainte contre André Pépin;

3. M. Bouchard n’a pas donné d’informations fausses ou trompeuses à E.D et J.L.;

4. M. Bouchard a cru E.D. et J.L, a mené une enquête complète, compétente et conforme aux bonnes pratiques policières pour donner suite à la plainte et a effectué un suivi auprès de E.D.;

5. M. Bouchard n’a pas refusé ou négligé de porter des accusations criminelles contre André Pépin, pour donner suite à la plainte d’E.D. et, s’il en est, aux plaintes d’autres victimes;

6. M. Bouchard a soumis au procureur de la Couronne des dossiers d’enquêtes complets et conformes aux bonnes pratiques policières pour donner suite à la plainte d’E.D. et de J.L.

Le troisième plaignant n’a jamais porté plainte aux policiers d’agression sexuelle à son égard.

L’entente lie autant les parties que leurs héritiers et ayant droits.

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