Cette information n’était pas facilement accessible il y a à peine quelques années, souligne Elizabeth Boivin. C’est à l’âge de quatre ans, après avoir demandé à sa mère comment elle était dans son ventre à la suite d’une activité scolaire, qu’elle a découvert être une enfant adoptée. Ce moment a sonné le début d’une quête identitaire pour la femme aujourd’hui âgée de 37 ans.
« C’était très difficile à comprendre pour une enfant de mon âge. J’avais dix jours quand j’ai été adoptée. En 1981, j’étais la plus jeune enfant placée. Mes parents m’ont dit que ma mère n’avait pas les moyens de s’occuper de moi, qu’elle était dans la misère et qu’elle souhaitait que je sois dans une meilleure famille. Je n’ai jamais accepté d’avoir été abandonnée. On m’a écœurée toute ma vie avec ça. Une partie de ma vie, je me suis rebellée et j’ai cherché à être aimée parce que j’avais toujours en moi ce sentiment », souligne-t-elle, pensive.
Un parcours semé d’embûches
La Soreloise avait un besoin irrépressible de savoir qui elle était, d’où elle venait et quelle était son histoire. Ses parents l’ont aidée pendant son enfance à tenter de trouver des informations, mais ils en ont trouvé seulement par brides, les moyens de l’époque étant plus limités, explique-t-elle.
C’est à l’âge adulte qu’une partie des questions qu’elle se posait ont pu trouver des réponses. La loi sur l’adoption permet, à partir de 18 ans, d’obtenir les renseignements contenus au dossier et d’entamer des démarches de retrouvailles.
Dans son dossier, la jeune femme a trouvé les papiers contenant des informations de base sur son histoire et ses parents. Elle était la troisième fille d’une femme blanche, catholique et son père était inconnu. Elle avait deux sœurs.
À l’intérieur du dossier se trouvait aussi une lettre de sa mère. Dans celle-ci, on peut lire ses excuses, des explications sur sa décision et un souhait : celui qu’elle soit heureuse et qu’elle ait été autant aimée qu’elle le méritait.
« Elle était dans la misère. Elle était divorcée et avait deux enfants sur les bras. Ma mère ne se sentait pas assez forte pour me garder, surtout que je n’ai pas le même père que mes deux autres sœurs. Mon père n’est pas non plus au courant de mon existence. À l’époque, c’était très mal vu. Malgré cette lettre, je lui en voulais encore. Je voulais entendre ses raisons de sa bouche, voir les sentiments sur son visage. Je me posais encore plein de questions », confie-t-elle.
Elle a donc entamé des recherches via le service de retrouvailles de l’époque, mais les coûts au-dessus de 500$ l’ont fait regarder d’autres moyens. Elizabeth a tenté sa chance via les réseaux sociaux en 2014. Elle a mis une annonce sur un site de retrouvailles de Saint-Hyacinthe, lieu de résidence de sa mère à l’époque, et en à peine quelques jours, elle a reçu un message d’une amie de sa mère. Celle-ci, après des accords des deux côtés, a organisé une rencontre.
Une nouvelle loi bien accueillie
Elizabeth Boivin croit que la nouvelle loi est une bonne chose, même si elle comprend que certains parents vont refuser de rendre accessible cette information. Les parents ont en effet jusqu’en juin 2019 pour signer un formulaire de refus qui empêchera aux enfants de connaître l’identité de leurs parents biologiques, sauf à partir de 12 mois après leur mort.
« Ç’a été un parcours très difficile. On a nos up et nos down. Tu te décourages parfois. Je ne m’attendais pas que ça se déroule aussi vite. Mon père et sa conjointe m’ont accompagnée au restaurant pour la rencontre. Dès que je l’ai vue, je n’ai eu aucun doute, on était identique. Cela n’a toutefois pas été facile par la suite. J’avais encore beaucoup de ressentiment. Je me suis retirée pendant un an ou deux. J’ai enfin pu faire la paix avec ma mère et j’ai compris que son geste était un gros sacrifice pour mon bonheur », raconte-t-elle.
Les services débordés par les demandes
La levée de la confidentialité des dossiers des personnes adoptées en raison de la nouvelle loi sur l’adoption a donné du travail au ministère de la Santé et des Services sociaux dans les derniers mois. Près de 23 000 demandes de services ont été déposées dans les quatre premiers mois, autant par les parents que les enfants touchés par la loi.
La Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et de communication de renseignements permet désormais aux personnes adoptées de connaître l’identité de leurs parents.
La responsable de l’équipe centralisée info-adoption, Nicole-Anne Vautour, s’occupe du traitement des demandes pour l’ensemble du Québec. Depuis le 18 juin jusqu’au mois d’octobre, on dénombrait 23 000 demandes d’informations reçues ou traitées. On comptait également entre 20 000 et 21 000 divulgations ou refus de divulgations enregistrés.
« Auparavant, les dossiers relatifs à l’adoption faisaient l’objet d’une charte de plomb pour que le tout demeure le plus confidentiel. Ce n’était pas autorisé de divulguer l’identité des parents d’origine. Le projet de loi visait à rendre plus accessibles ces informations. Plusieurs groupes de pression avaient fait des demandes en ce sens dans les dernières années. C’était un besoin pour les adoptés de savoir qui ils sont. Notre société était rendue là. Les lois devaient évoluer », souligne-t-elle.
Les personnes de 14 ans et plus peuvent faire une demande pour connaitre les noms et prénoms de leurs parents. Deux raisons peuvent toutefois ne pas permettre au demandeur d’y accéder : soit que les informations sont absentes du dossier ou que les parents ont signé un formulaire de refus de consentement.
Les gens peuvent déposer des demandes à l’équipe centralisée Info-adoption par courriel au infoadoption.cisssme16@ssss.gouv.qc.ca ou par téléphone au 1 888 441-7889.