Cette deuxième séance était destinée à l’audition de mémoires, d’opinions verbales et de suggestions de personnes ou d’organismes. En tout, quatre mémoires ont été déposés et six personnes se sont présentées au micro pour exprimer leur opinion, excluant Éric Lupien, le promoteur de Fruits des îles inc.
Inquiétudes et appuis
D’abord, Yan Bussières, président du syndicat local de l’UPA Richelieu-Yamaska, s’est dit emballé par le projet. Dans son mémoire, il souligne que les promoteurs ont tout fait pour respecter l’environnement. « Le but premier des agriculteurs est de nourrir les gens. Selon nous, ils respectent tout pour l’environnement. On ne peut pas leur en demander plus. C’est un investissement monstre dans la région, ils vont engager des gens. Ils vont planter des arbres, des ruches, des haies brise-vent… Dans Pierre-De Saurel, on est le fer de lance en agroenvironnement, on est mobilisés ici. Ça vient diversifier le portrait agricole dans la région. Notre appui est là », a-t-il mentionné à Prunelle Thibault-Bédard et Georges Lanmafankpotin, qui président la commission d’enquête du BAPE.
Toutefois, certains organismes ont émis des réserves. C’est le cas du Conseil régional de l’environnement (CRE) de la Montérégie, alors qu’Andréanne Paris s’est présentée au micro pour dévoiler les grandes lignes de son mémoire. Selon la CRE de la Montérégie, des préoccupations subsistent en ce qui a trait à la qualité de l’eau au lac Saint-Pierre, à la destruction de milieux humides et à la réhabilitation du projet lorsqu’il sera en fin de vie. « Au cours des quatre dernières années, il y a eu des périodes d’inondation qui se sont éternisées. On a des préoccupations à ce niveau-là pour s’assurer qu’on n’implante pas un projet qui soit non viable étant donné le contexte d’inondations et de changements climatiques. […] L’importance d’éviter tout empiètement dans les milieux humides et leurs zones tampons est un élément non négociable pour nous », a-t-elle souligné, tout en évitant de se prononcer si le projet était justifié ou non.
Même son de cloche pour Émile Cloutier-Brassard et Rébecca Pétrin, de l’organisme Eau Secours, qui ont étalé de long en large leurs arguments. Ils disent être « déstabilisés et déçus d’être consultés sur un projet qui n’est plus à jour aujourd’hui », faisant référence à des données qui ont été mises à jour tardivement. Concernant la canneberge elle-même, les membres de l’organisme ont dit avoir « l’impression que l’industrie bénéficie de privilèges que d’autres n’ont pas » au niveau environnemental. « Pour l’industrie de la canneberge au Québec, il y a 2,4 km carrés [de milieux humides] détruits depuis 2017. Pour la superficie totale au Québec de superficie détruite depuis 2017, c’est 23,3 km carrés. On peut donc comprendre que 10 % des milieux humides détruits sont attribuables à la canneberge. Presqu’aucune mesure de compensation n’a été émise pour cette industrie », a mentionné la directrice générale d’Eau Secours, Rébecca Pétrin. M. Cloutier-Brassard et Mme Pétrin ont aussi exprimé des craintes concernant les pesticides, engrais, les risques d’inondation et l’extraction de sable.
Également, une citoyenne, Élizabeth McGraw, a déposé un mémoire et exposé ses inquiétudes qui tournent notamment autour de la cultivation de canneberge en zone inondable, de sécurité en lien avec le transport de sable et des pesticides. « La canneberge n’est pas un aliment de base, mais un produit de luxe. La canneberge représente moins de 1 % des petits fruits consommés au Québec. La diversification des cultures est nécessaire, mais notre agriculture devait répondre aux besoins de base de la population », plaide-t-elle.
En toute fin de séance, les promoteurs ont reçu l’appui du maire de Saint-David et lui-même agriculteur, Richard Potvin. « L’agriculture a beaucoup changé, les agriculteurs sont plus conscientisés de leurs actions. On le fait pour être viable, mais aussi pour avoir un produit de qualité sans polluer », a-t-il soutenu au micro. L’agriculteur a aussi défendu le fait que la canneberge sera exportée en grande partie. « On ne peut pas nécessairement tout consommer ce qu’on produit. Il fut une époque où l’on était un important exportateur de cheddar durant la Deuxième Guerre mondiale. Ma production de soya était pour le marché d’exportation », a-t-il insisté.
Maintenant que les audiences publiques de juin et juillet sont complétées, le BAPE devra produire son rapport qui sera déposé au plus tard le 17 octobre 2024. Le ministère de l’Environnement procèdera également à sa propre analyse et produira un rapport. Ces deux rapports seront ensuite remis au conseil des ministres qui prendra sa décision.
Pour des détails concernant le projet, on peut se rendre au https://www.bape.gouv.qc.ca/fr/dossiers/canneberges_sads/