17 janvier 2023 - 08:32
La Taverne Tracy ferme ses portes
« C’est 52 ans de ma vie qui prend fin » – André Proulx
Par: Jean-Philippe Morin

André Proulx a mis fin à l’aventure de la Taverne Tracy après 52 ans à y servir de la bière sept jours sur sept. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

À l’aube de ses 68 ans, André Proulx a pris une décision importante : fermer la Taverne Tracy. « C’est 52 ans de ma vie qui prend fin », mentionne celui qu’on affectionne amicalement Monsieur Sourire, parce qu’il sourit rarement.

« C’est une mésentente avec le propriétaire. Jeudi matin [le 5 janvier], il neigeait, je me suis dit que c’était fini. Le jeudi soir, c’était fermé. Je vais avoir 68 ans, ça ne me tentait pas de déménager et m’embarquer là-dedans. J’aurais fait deux ou trois ans de plus, mais je ne suis pas amer du tout. C’est comme ça et c’est tout, je vais me reposer », indique-t-il.

L’homme nous a accueillis dans sa taverne la semaine dernière. On y sent toute l’histoire et le poids des années. Ouverte en 1960, elle a été acquise en 1970 par son père, Marc-Henri Proulx. C’est à ce moment, à l’âge de 16 ans, qu’André a commencé à y travailler.

« Au début, je faisais le ménage. Puis à 17 ans, j’étais waiter. C’était très différent, il y avait 72 licences de bars à Sorel dans ce temps-là. Il y avait un ou deux bars à chaque coin de rue, mais ils étaient tous pleins avec les gars de Marine Industries, Beloitte, QIT, Sorel Steel, Celanese… On ouvrait de 8 h du matin à minuit et des fois, il y avait 10 gars qui attendaient devant la porte après leur shift de nuit pour venir boire », raconte-t-il sur le même ton.

C’est en 1986 que les femmes ont finalement été admises dans les tavernes. « Dans le temps, les femmes entraient pareil dans la taverne, ça ne me dérangeait pas du tout. Je ne les empêchais pas d’entrer », affirme-t-il sans détour.

Des histoires, il en a des tonnes. « Et je ne peux pas toutes te les conter! », lance-t-il. Il n’était pas rare de voir des bagarres à l’époque. « C’était de petites chamailleries. Des fois, ça se battait pour rien. Ça tirait au poignet, ça se battait. Ça perdait au pool, ça se battait. Les jours d’élections, je n’ouvrais pas la taverne parce que c’est sûr que ça se battait. Mais c’était rien, c’était pas si grave, c’était comme ça… »

André Proulx a plusieurs souvenirs en tête, comme les bonnes années de la ligue de billard dans les années 80. Étonnamment, c’est au cours des dernières années qu’il a fait ses meilleures affaires.

« On était fermés pendant 15 mois à cause de la pandémie, ça nous a fait mal, mais depuis notre réouverture, nos chiffres avaient explosé. La clientèle était au rendez-vous, autant les réguliers que les nouveaux. C’est d’ailleurs ce que je vais regretter et ce dont je vais m’ennuyer : ma clientèle », lance l’homme d’affaires.

En vedette

En 2013, André Proulx a été invité à l’émission Le Banquier avec Julie Snyder sur les ondes de TVA dans le cadre d’un spécial avec les comédiens de Broue. À ce moment, il avait vu la pièce de théâtre une vingtaine de fois et il était un des plus grands fans. La même année, un documentaire a été tourné par sa belle-fille, Vanessa Cournoyer, sur la Taverne Tracy.

Pour le futur, M. Proulx, ne prévoit pas prendre une retraite complète. « Je vais prendre un mois pour moi, puis ensuite me trouver quelque chose à deux ou trois jours par semaine. Je suis vieux, mais pas tant que ça! », conclut-il avec un petit sourire en coin.

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