29 janvier 2019 - 10:11
Hausse de popularité d'un mouvement sans alcool
« C’est facile de tomber dans l’alcool lors d’une mauvaise passe » – Sonia Beaudoin
Par: Julie Lambert

Sonia Beaudoin et Mario Joly ont tous les deux vécu des situations remettant en cause leur consommation d'alcool. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives©

Le Défi 28 jours sans alcool débutera le 1er février et près de 10 000 personnes à travers le Québec y participeront. Les consommateurs et anciens consommateurs voient d’un bon œil le mouvement qui permettrait de sensibiliser les gens à leur consommation d’alcool et de peut-être les aider à ne pas dépasser les limites avant qu’il ne soit trop tard.

La Soreloise Sonia Beaudoin participera pour une deuxième année au défi. Elle a décidé de se lancer l’an dernier dans cette aventure parce qu’elle souhaitait venir en aide à des jeunes dépendants à l’alcool ou à la drogue.

« J’étais dans une phase difficile. J’avais besoin de me centrer sur moi et de carburer à quelque chose. Plusieurs personnes m’avaient parlé du défi. Je bois en moyenne deux consommations par semaine lors d’occasions spéciales. Même si ma consommation n’était pas élevée, je me suis rendu compte très vite que c’était comme s’il me manquait un petit quelque chose », confie-t-elle.

Selon Sonia Beaudoin, sa consommation était associée, comme pour plusieurs personnes, à des activités du quotidien.

« C’est facile de tomber là-dedans quand on a un problème. J’ai plutôt fait le contraire alors que je vivais une mauvaise passe. J’aurais pu dire : je décroche et je sombre », confie-t-elle.

La mère de famille a vu certains impacts positifs sur sa santé lors du défi comme un sommeil moins agité, une plus grande facilité à s’endormir en plus d’avoir davantage d’énergie.

« J’avoue que quand je sortais avec mes amies ou que mon chum s’ouvrait une bière, ça me travaillait un peu. Ça m’a toutefois amenée à réfléchir tout au long de l’année et à changer ma vision. Plusieurs de mes amies me trouvaient bonne de faire le défi et me disaient qu’elles ne seraient pas capables alors que cela ne devrait pas être si important de boire un verre quand on fait quelque chose », assure Sonia Beaudoin.

Un problème sous-estimé

Le Sorelois Mario Joly est sobre depuis maintenant 20 ans. À l’époque, il était un grand consommateur d’alcool et c’est un geste qui aurait pu tourner au drame qui l’a convaincu de mettre fin pour toujours à sa consommation régulière.

« J’aimais fêter. Je buvais en moyenne 12 bières par jour. J’ai arrêté de boire au jour de l’An. J’avais bu tout l’après-midi jusqu’à une heure du matin et j’ai pris mon auto pour retourner à la maison. Le lendemain en me réveillant, j’ai regardé mon ex et je lui ai dit : je ne bois plus, c’est fini. Je m’étais toujours dit que je ne prendrais jamais ma voiture en boisson. J’aurais pu frapper quelqu’un et je ne me le serais jamais pardonné », raconte l’homme de 53 ans.

De ne pas reprendre de l’alcool est un combat quotidien. Selon lui, ce genre de défi est vraiment bon pour sensibiliser les gens à leur consommation d’alcool, mais peut-être également une façon de soutenir un proche dans sa lutte contre l’alcoolisme.

« Ne pensez pas que ce n’est pas difficile d’arrêter de boire. Les gens pensent que c’est facile, ils nous mettent souvent à l’épreuve, mais pour la personne qui vit ça tous les jours, ce n’est pas évident. Le défi peut démontrer qu’on n’arrête pas sur un dix cents. Je l’ai fait et j’ai passé par différents stades de dépression. C’est facile de juger les gens qui ont une grande consommation, parfois l’alcool a une emprise sur eux. Pourquoi ne pas en profiter pour accompagner quelqu’un et le soutenir? C’est important de ne pas dépasser les limites et aussi de sensibiliser les gens aux risques de l’alcool. Selon moi, les lois ne sont pas assez sévères pour les consommateurs et c’est important qu’ils soient conscients des risques », conclut-il.

Un défi aux impacts multiples sur la santé

Faisant de plus en plus d’adeptes à travers le Québec, le Défi 28 jours sans alcool est une façon de se sensibiliser à sa consommation, selon différents experts de la santé. Les impacts sur le corps seront toutefois différents d’un participant à l’autre.

Les effets sur la santé dépendent de plusieurs facteurs, dont la consommation d’alcool quotidienne, explique le directeur adjoint des programmes Santé mentale et dépendance du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME), Michel Proulx.

Le défi aura des répercussions différentes chez les gens qui boivent occasionnellement, régulièrement ou qui sont de grands buveurs comme une perte de poids, un sommeil de meilleure qualité, une plus énergie ou une meilleure mémoire.

« Pour les consommateurs occasionnels, soit ceux qui suivent les recommandations de deux consommations par jour un jour sur deux, il n’y aura pas d’impacts significatifs. Il faut vraiment des consommateurs qui sortent du cadre. Ceux-là verront une amélioration de leur santé. Pour les grands buveurs ou ceux qui ont une dépendance à l’alcool, il n’est pas très recommandé d’arrêter sans être suivi par un professionnel. La consommation régulière d’alcool entraîne une accoutumance et le sevrage peut mettre en danger la vie d’une personne, voire même entraîner son décès », souligne-t-il.

Michel Proulx souligne que le corps est programmé pour être en équilibre et qu’il adoptera des mesures compensatoires afin de le rétablir. Le sevrage d’alcool fait donc en sorte de reprogrammer notre cerveau sans la substance. Il pense que le Défi 28 jours sans alcool est intéressant, mais que si on suit les recommandations des études réalisées sur la consommation d’alcool, on peut très bien être en santé.

« L’objectif du défi est de faire une certaine prévention de la consommation excessive d’alcool. Qu’on en parle, que les gens le fassent, cela permet aux personnes de modifier leur habitude et cela leur fait réaliser quel type de consommateur ils sont. Cela ne peut qu’avoir des effets positifs », conclut-il.

Qu’est-ce que le Défi 28 jours sans alcool?

La Fondation Jean Lapointe a créé ce défi en 2014. L’organisme lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie et soutient activement la Maison Jean Lapointe, un centre de réadaptation pour les toxicomanes. Les participants ont trois choix cette année : ne pas boire d’alcool du lundi au jeudi, s’abstenir du vendredi au dimanche ou éviter de consommer pendant tout le mois de février. La Fondation leur demande un don de 28 $ et les fonds recueillis serviront à des activités de prévention de la consommation d’alcool et de drogues chez les étudiants du secondaire.

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