16 mars 2023 - 08:13
Recrutement à l’étranger et participation à des programmes d’embauche
CNC Tracy ose l’innovation pour contrer la pénurie de main-d’œuvre
Par: Alexandre Brouillard

De gauche à droite : les trois actionnaires de CNC Tracy, Gilles Lecours, Philippe Caplette et Bertin Côté. Photo NathB Photographe

De gauche à droite : les trois nouveaux travailleurs brésiliens Antonio Isidro, André Schmidt et Everton Mattoso accompagnés de Josiane Allard, du programme de francisation. Photo gracieuseté

L’Ukrainien Dmytro Savelov travaille chez CNC Tracy depuis 2019 et est superviseur de soir. Photo NathB Photographe

CNC Tracy ne cesse d’innover depuis sa création en 1997. Malgré une réputation qui n’est plus à faire, l’entreprise d’usinage spécialisée n’échappe pas à la pénurie de main-d’œuvre qui frappe le pays tout entier.

Rencontrés par notre journaliste dans leurs bureaux fraichement rénovés du 2300, rue Laprade, à Sorel-Tracy, Philippe Caplette et Gilles Lecours, deux des trois actionnaires de l’entreprise en compagnie de Bertin Côté, ont partagé leur vision de ce qui s’annonce être encore un défi d’envergure dans les prochaines années : la pénurie de main-d’œuvre.

Selon une étude de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), il manque environ 18 000 immigrants au Canada pour répondre annuellement aux besoins des petites et moyennes entreprises (PME). De ce lot, on retrouve CNC Tracy, l’atelier d’usinage qui compte une cinquantaine d’employés.

Pour remédier à la pénurie, l’entreprise soreloise s’est notamment tournée vers le recrutement de travailleurs étrangers et participe activement à divers programmes d’embauche, comme l’Alternance travail-études (ATE).

Recruter à l’international

Alors que certaines compagnies commencent à peine à se tourner vers l’international pour pallier leur manque d’employés, CNC Tracy a recruté ses premiers travailleurs étrangers il y a plus d’une décennie.

« En 2006 environ, on avait été sensibilisés aux enjeux démographiques, se rappelle Philippe Caplette. Puis, dès 2012, nous avons fait affaire avec une firme spécialisée dans l’embauche de travailleurs étrangers. Ce n’était donc pas né d’un besoin criant d’embaucher à l’international, mais plutôt d’une anticipation. […] Nous avions ainsi accueilli trois Philippins pour des contrats de trois ans. » Deux d’entre eux sont restés à l’embauche durant six et sept ans.

À l’époque, l’arrivée des premiers travailleurs étrangers avait suscité diverses réactions dans l’usine. « Beaucoup d’employés étaient peu familiers avec cette pratique. Au départ, certains ont eu peur qu’ils volent leur emploi, mais ils se sont rapidement adaptés et ont réalisé qu’ils étaient là pour les aider », relate Gilles Lecours.

Après cette première expérience concluante, CNC Tracy a poursuivi son recrutement à l’international en se tournant vers le cousin linguistique du Québec, la France. « Nous avons accueilli quatre Français. Bien qu’ils ne sont plus ici, on a été leur premier emploi au Québec », soutient M. Lecours avec enthousiasme.

Depuis 2014, plusieurs travailleurs étrangers de diverses nationalités se sont succédés, dont cinq Ukrainiens. D’ailleurs, l’un d’entre eux, Dmytro Savelov, est dorénavant superviseur de soir. Finalement, dans les derniers mois, l’entreprise a accueilli trois employés brésiliens.

Depuis 2012, ce sont plus de 10 immigrants qui ont foulé le sol de l’usine soreloise. Aujourd’hui, CNC Tracy compte dans ses rangs, deux Ukrainiens et trois Brésiliens. « L’immigration est une très belle solution pour trouver des travailleurs d’expérience », admet Philippe Caplette.

Participer à l’accueil des immigrants

Toute l’équipe de CNC Tracy prend avec beaucoup de sérieux l’accueil des travailleurs étrangers, tant au sein de l’entreprise que dans la communauté. « C’est important de les accompagner dans leur intégration pour que ça fonctionne. Surtout que la plupart ne parlent pratiquement pas le français lorsqu’ils arrivent », explique Philippe Caplette.

Au fil des années, ils sont allés chercher certains immigrants à l’aéroport de Montréal, en les logeant dans des appartements spécialement meublés et rénovés pour eux et en adaptant même leur horaire pour leur permettre de suivre des cours de francisation. Bref, ils veulent que les travailleurs étrangers se sentent rapidement comme à la maison.

Seul bémol depuis 2012 : la triste histoire d’Ihor Horbanov. Engagé comme machiniste en 2018 chez CNC Tracy, il a perdu la vie en mars 2019 lorsque son véhicule avait dévié de sa trajectoire après avoir percuté un nid-de-poule géant pour ensuite entrer en collision avec un camion du ministère des Transports du Québec (MTQ) immobilisé sur le côté de l’autoroute 30. Un chantier inachevé pour lequel le MTQ avait été blâmé par le coroner en juillet 2020.

La semaine dernière, lorsque notre journaliste a évoqué le nom d’Ihor lors de l’entretien, la tristesse était encore palpable chez Philippe et Gilles. Lors du terrible accident, les trois actionnaires et la responsable des ressources humaines, Rhéanne Latour, s’étaient retroussés les manches pour aider la veuve d’Ihor, Hanna Horbanava, et ses deux enfants, qui sont d’ailleurs toujours à Sorel-Tracy.

Programme ATE

Une autre solution favorisée par CNC Tracy est la participation à divers programmes d’embauche. Depuis peu, l’entreprise prend part au Programme ATE, qui est subventionné par le gouvernement provincial.

« C’est nouveau à Sorel-Tracy. On embauche des jeunes qui sont rémunérés sur les bancs d’école, tout en travaillant ici à temps partiel. C’est un programme condensé, ils obtiendront leur DEP [en usinage] en un an au lieu de deux ans habituellement », explique Philippe Caplette.

Les entreprises qui participent au Programme ont donc l’occasion d’embaucher les jeunes, après leur cursus scolaire, avec qui ils ont déjà tissé des liens. « Ça peut être aussi une belle option pour des gens qui souhaitent changer d’emploi, mais qui ne peuvent pas se permettre d’arrêter de travailler et d’être rémunéré », ajoute M. Caplette.

Jusqu’à présent, CNC Tracy accueille un seul employé issu de ce Programme. Les actionnaires apprécient l’expérience et espèrent pouvoir la renouveler. « Beaucoup de pays occidentaux fonctionnent de la sorte depuis longtemps. Je pense à l’Allemagne qui fait ça depuis des années en génie mécanique. Ça fait des jeunes qui sortent de l’école avec beaucoup d’expérience », conclut Philippe Caplette.

CNC Tracy accepte les candidatures spontanées entre autres pour des emplois de machinistes. Ils invitent les personnes intéressées à se rendre sur place pour déposer leur candidature ou à envoyer leur curriculum vitae au rheannelatour@cnctracy.com.

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