10 mars 2022 - 07:00
Des aidantes naturelles au cœur en or
Par: Jean-Philippe Morin

Simonne Bergeron a récemment fêté son 107e anniversaire avec sa fille Nicole, aidante naturelle. Photo NathB

Nicole Bergeron (à droite) a accompagné sa mère Simonne, en mars 2021, au Complexe 180, pour son premier vaccin contre la COVID-19. Photo Katy Desrosiers | Les 2 Rives ©

Nicole Bergeron s’occupe de sa mère de 107 ans à temps plein. Sylvie Cousineau doit rester à la maison avec son mari, atteint d’une maladie neurologique. Les deux femmes de cœur ont accepté de raconter au journal Les 2 Rives leur quotidien d’aidante naturelle.

Lorsque notre journaliste a contacté Nicole Bergeron pour témoigner de sa réalité de proche aidante, elle s’apprêtait à sortir pour marcher. Une pause bien méritée dans une autre journée fort occupée, grâce entre autres à l’Association des aidants naturels du Bas-Richelieu. « Quelqu’un vient à la maison deux fois par semaine pour s’occuper de ma mère, ça me donne une petite fenêtre pour avoir du temps personnel », indique-t-elle.

La dame de 76 ans vit avec sa mère de 107 ans dans une maison bigénérationnelle, à Saint-Joseph-de-Sorel. Malgré son âge vénérable, Simonne Bergeron vit seule dans sa maison, alors que Nicole vit dans le logement d’à côté.

« On a un moniteur et une caméra pour entendre et voir ce qu’elle fait. On a développé des outils pour lui permettre de vivre chez elle, mais d’être là au besoin. C’est un peu comme prendre soin d’un enfant du cinquième âge! », rigole Nicole Bergeron.

La dame de 107 ans a des difficultés d’audition, mais elle est en parfaite santé et peut se déplacer seule. « On est là pour ses soins corporels le matin et pour ses repas le soir. On a l’aide de la popote roulante pour les diners. J’ai la chance d’avoir un mari qui m’aide beaucoup là-dedans », soutient l’aidante naturelle.

Ce choix de vie est certes un engagement pour elle. « Ça demande beaucoup de responsabilités. Je ne peux pas partir deux ou trois jours, il faut s’oublier un peu. Plus ça avance, plus elle a besoin de nous, d’autant que la pandémie nous a tous fait un peu avancer en âge. Je me dis qu’à 76 ans, j’ai toujours ma mère et c’est un privilège », témoigne Mme Bergeron.

D’ailleurs, Nicole Bergeron ne sait pas comment se porterait sa mère si elle avait décidé de la placer en CHSLD il y a quelques années. « Sa maison, c’est toute sa vie. C’est indispensable qu’elle reste chez elle », conclut-elle.

D’active à inactive

De son côté, Sylvie Cousineau est en couple avec son conjoint depuis 2010. Depuis trois ans, la résidente de Saint-Roch-de-Richelieu est devenue aidante naturelle puisque son partenaire de vie a développé une maladie neurodégénérative rare nommée paralysie supranucléaire progressive. « C’était inattendu, ça s’est développé sans préavis. On était tous les deux actifs, mais là, on est tous les deux inactifs », lance-t-elle.

La femme de 70 ans dit vivre la situation au jour le jour. « Quand on vit avec quelqu’un pendant un certain nombre d’années qui devient non autonome, je me dis que tu fais pour l’autre ce que tu aimerais qu’il fasse pour toi », philosophe-t-elle.

Mme Cousineau abonde dans le même sens que Nicole Bergeron : impossible pour elle de considérer une vie en CHSLD pour son conjoint. « Je sais que les employés là-bas font leur possible, mais il n’aurait pas tous les services qu’il a ici avec moi, dans sa maison. Au privé, tu peux payer très cher par mois sans être certain des services non plus », souligne-t-elle.

Sylvie Cousineau a dû vivre plusieurs deuils, dont celui de l’entreprise qu’elle a fondée en 1983. « J’ai essayé au début de faire les deux, mais j’ai dû tout arrêter il y a un an et demi parce que je n’étais pas capable de m’y investir pleinement. […] Comme aidante naturelle, il faut faire des choix déchirants. Je fais aussi des deuils par rapport aux amis, que je vois pas mal moins souvent. J’ai un peu de répit grâce au CLSC (et à l’Association des aidants naturels du Bas-Richelieu), mais c’est certain que je ne peux plus aller prendre un café ou faire un tour à la bibliothèque quand je veux », aborde-t-elle.

L’aidante naturelle ne veut quand même pas s’apitoyer sur son sort. Elle referait le même choix demain matin si la situation se représentait. « Ça fait partie de mes valeurs. Pour moi, l’engagement, c’est quelque chose d’important. On apprend beaucoup de choses en s’occupant des autres. […] Il faut quand même relativiser son malheur; on est au chaud, on a de la bonne lecture. Je vis au jour le jour, c’est ça le plus important », conclut-elle.

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