Les baisses constatées par Les 2 Rives, en feuilletant des comptes de taxes et en parlant à une dizaine de citoyens, se chiffraient entre 10 % et 25 %. Le résident sur la 9e avenue à Contrecœur, Jean-Pierre Savard, a vu la valeur de sa maison diminuer de près de 18 000 $ de 2018 à 2019. Il est très inquiet des impacts possibles lors du renouvellement de ses assurances ou du prêt bancaire dans les prochaines années.
« J’avais choisi ce secteur parce que nous avions de bons prix pour les maisons mobiles comparativement à d’autres villes. J’ai fait beaucoup d’améliorations et je voyais cela comme un investissement pour mes vieux jours. Je ne peux pas croire qu’on peut perdre de la valeur à ce point alors que rien n’explique ça. Est-ce que la Ville tente d’acheter nos maisons à rabais pour avoir de nouveaux terrains? », soulève-t-il.
Tous ses voisins se posent des questions semblables et croient que les évaluations ne correspondent pas à la valeur réelle de leurs propriétés. Un d’eux, André Raymond, réside depuis 14 ans à cet endroit et il a subi une baisse de 25 %.
« Personne n’est venu ici pour l’évaluer. Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’assemblée afin d’expliquer la situation aux citoyens comme pour d’autres projets? Plusieurs étaient en train de vendre leur maison et ils ne sont pas contents puisqu’ils ont payé ça plus cher il y a peu de temps », mentionne-t-il.
Une analyse en cours
La mairesse de Contrecœur, Maud Allaire, a été mise au courant de cette baisse après une communication avec un citoyen le 1er février. Elle a tout de suite pris des mesures pour prendre connaissance de la situation.
« J’ai pris les coordonnées de la personne pour faire un suivi avec elle. J’ai demandé que l’on fasse une vérification du secteur. On m’a sorti des données et j’ai demandé des faits précis pour comprendre les raisons de ce pourcentage. Il faut savoir que le conseil municipal utilisera une partie des fonds récoltés lors du tournoi de golf de la mairesse pour rehausser et améliorer les équipements du parc dans ce secteur. Tous les secteurs sont importants pour le conseil municipal », dit-elle.
Le directeur du Service des finances, Félix Laporte, a reçu plusieurs appels dans les derniers jours de citoyens mécontents. Selon lui, la valeur des propriétés a augmenté de façon générale entre 2 % et 5 % dans l’ensemble de la Ville.
« Cela semble être le secteur des maisons mobiles en particulier qui est touché. En moyenne, on a enregistré une baisse de 20 % pour les 75 propriétés. Lorsque les gens reçoivent leurs comptes de taxes, ils peuvent porter plainte si l’évaluation ne répond pas à leurs attentes », explique-t-il.
La Ville fait ensuite parvenir une liste à l’évaluateur. Celui-ci regardera chacun des dossiers et évaluera s’il a fait une erreur. Si la nouvelle réponse de l’évaluateur n’est pas à leur satisfaction, les citoyens peuvent porter leur dossier devant le Tribunal administratif du Québec qui tranchera sur la valeur de la propriété.
« S’il y a une erreur de l’évaluation, une correction est faite au niveau du rôle. Parfois, avec les explications, les gens se rendent compte qu’elles correspondent. Puisque nous avons plusieurs questions et que la situation semble être dans un même secteur, nous avons demandé une analyse à l’évaluateur. Lorsque nous aurons les réponses, dans une ou deux semaines, nous les communiquerons aux citoyens », conclut-il.
Les propriétaires victimes du marché immobilier
De nombreux propriétaires de maisons mobiles ont vu leur valeur diminuer dans la dernière année. Selon le président de l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec (OEAQ), Richard LaHaye, ils ont été victimes du marché immobilier.
Le rôle d’évaluation reflète la valeur marchande des propriétés à une date donnée. La date de référence à laquelle l’évaluateur engagé par la Ville de Contrecœur s’est fié est celle 18 mois avant l’entrée en vigueur du nouveau rôle d’évaluation pour les années 2019, 2020 et 2021.
Richard LaHaye souligne que l’évaluateur a regardé les transactions qui se sont produites autour de cette date afin d’estimer les valeurs des propriétés sans toutefois regarder chacune de façon particulière.
« C’est un reflet du marché en date de juillet 2017. Il faut comprendre ce n’est pas une indexation. L’évaluateur va déposer un nouveau rôle en recevant une nouvelle analyse du marché. Si au cours des trois années précédentes le marché a évolué de façon horizontale ou était légèrement à la baisse, il est normal que l’on puisse y trouver des baisses de valeurs au niveau du marché immobilier », mentionne le président.
La situation de Contrecœur n’est pas exceptionnelle, ajoute-t-il, puisque certaines villes canadiennes, comme Vancouver et Toronto, ont défrayé les manchettes pour des raisons semblables dans les dernières semaines.
« C’est sûr qu’éventuellement, si on avait ce genre de comportement de marché ici au Québec, il serait normal que les valeurs des propriétés sur les rôles d’évaluation diminuent. Ce n’est donc pas anormal. Dans un marché où l’offre dépasse la demande, à ce moment-là, oui cela devient un marché d’acheteurs. L’acheteur est en meilleure position pour négocier et ça provoque des baisses au niveau des valeurs moyennes sur des périodes de temps. Le marché de l’immobilier, c’est un marché cyclique. Alors, c’est une question d’offre et de demande », explique-t-il.