31 mai 2022 - 08:15
Enquête de la CMQ dans le dossier de la surveillance électronique
Des développements prévisibles, selon une spécialiste
Par: Alexandre Brouillard

La professeure en gestion municipale à l’UQAM, Danielle Pilette. Photo gracieuseté/UQAM

La professeure en gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Danielle Pilette, n’est pas surprise que la Commission municipale du Québec (CMQ) ait déposé une action en inhabilité contre le maire de la Ville de Sorel-Tracy, Serge Péloquin, la semaine dernière.

Elle soutient que les plus récents développements dans le dossier de la surveillance électronique étaient « prévisibles » parce que les exigences des élus municipaux en matière d’éthique ont récemment été renforcées et parce que la protection de la vie privée est de plus en plus assurée dans toutes les sphères de la société.

« Les règles d’éthique ont été renforcées pour qu’elles ressemblent aux exigences éthiques du Code des professions. […] De plus, les actions du maire contrevenaient à la vie privée de plusieurs personnes. La surveillance électronique réalisée dans le bureau du greffier René Chevalier a assurément touché des citoyens », explique la spécialiste.

Selon elle, c’est pour cette raison que la CMQ considère les actions de Serge Péloquin comme une atteinte sérieuse à l’honneur et à la dignité de la fonction d’élu. Elle croit que le maire, dans son devoir d’élu, aurait dû faire part de ses doutes quant à l’intégrité du greffier au directeur général de la Ville, Carlo Fleury.

La professeure n’est d’ailleurs pas surprise que des élus agissent parfois de la sorte. Selon elle, avec l’absence de parti et de programme électoral, les maires qui ont beaucoup d’initiatives, comme Serge Péloquin, ont souvent l’impression de dominer le conseil municipal.

« C’est une domination qui s’effrite très facilement, note-t-elle. On l’a vu dans le cas de Sorel-Tracy, alors que les élus municipaux se sont dissociés du maire avec un vote de non-confiance. »

Pourquoi déposer une action en inhabilité?

Danielle Pilette indique qu’en vertu de ses propres règles, la CMQ aurait pu imposer elle-même une suspension à Serge Péloquin. Toutefois, cette méthode n’aurait été que temporaire et le maire aurait pu porter le jugement en appel à la Cour supérieure. Elle croit donc que la CMQ a pris la bonne décision pour sauver du temps et de l’argent.

« En déposant une action en inhabilité à la Cour supérieure, la CMQ frappe plus fort », assure Danielle Pilette.

Par ailleurs, elle avance que la situation actuelle est très avantageuse pour la Ville de Sorel-Tracy et ses citoyens. « Le conseil municipal qui a voté la non-confiance à l’endroit du maire aurait pu déposer une action en inhabilité à la Cour supérieure, mais la Ville aurait dû assumer les frais. Dans ce cas-ci, tout le fardeau administratif est assumé par la CMQ. Ce qui est un grand avantage pour la municipalité », soutient-elle.

Le jugement, une étape formelle?

Le 8 juin prochain, un juge de la Cour supérieure se penchera sur l’action en inhabilité déposée par la CMQ à l’égard de Serge Péloquin. Alors que les dés semblent jetés, Danielle Pilette tempère la situation et indique que le juge pourrait ne pas aller dans le sens de la CMQ.

« Si jamais le juge ne le déclare pas inhabile, la CMQ pourrait quand même lui imposer des sanctions, qui peuvent aller jusqu’à la suspension. Mais la Commission ne pourrait pas le déclarer elle-même inhabile. J’ai seulement vu des juges poser cette action parce que le maire a quand même été élu. Il faut respecter la démocratie », conclut Danielle Pilette.

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