En novembre, Rio Tinto Fer et Titane (RTFT) avait annoncé l’élimination de 30 postes-cadres et la mise à pied temporaire de 40 employés syndiqués à son complexe métallurgique de Sorel-Tracy. L’entreprise avait expliqué cette décision par la détérioration du marché du dioxyde de titane et par la chute de la demande de plusieurs produits.
Était-ce le reflet d’une situation généralisée pour les autres entreprises métallurgiques de la région? Notre journaliste s’est entretenu avec Stéphane Brochu, président-directeur général (PDG) d’ArcelorMittal Produits longs Canada, et Louis-Philippe Lapierre-Boire, PDG de Finkl Steel – Sorel Forge, pour répondre, en partie, à cette question.
Plus de 450 embauches chez ArcelorMittal
L’année 2023 a été bonne chez ArcelorMittal à Contrecœur, selon Stéphane Brochu. « Nous avons embauché plus de 450 personnes, dont des cadres, des employés horaires, des étudiants et des stagiaires », révèle-t-il.
Pourtant, la dernière année a été remplie de défis pour ArcelorMittal puisque certains clients ou marchés battaient de l’aile. C’est le cas du marché de l’automobile, alors que les trois grands constructeurs américains – Ford, General Motors et Stellantis – ont connu une grève de six semaines qui avait débuté à la fin septembre.
« Va-t-il y avoir une récession ou pas? La construction a ralenti, sans parler de la grève des grands de l’automobile aux États-Unis. Toutefois, une de nos grandes forces, c’est qu’on fait partie de plusieurs segments de ce marché. On a donc une flexibilité et une agilité dont on s’est servi. On a tourné ces défis en opportunités », détaille Stéphane Brochu.
Parmi ses innovations, l’entreprise a développé un nouveau produit d’armature de petite dimension. « On a fait une percée sur le marché américain avec ce produit. Ça nous a ouvert d’autres portes par la suite », soutient le PDG d’ArcelorMittal.
L’efficacité de l’équipe de vente, qui est présente un peu partout en Amérique, a aussi eu un rôle à jouer. « Elle a saisi une opportunité en apprenant la fermeture d’une usine aux États-Unis. Les produits qu’elle fabrique, on en avait fait certains. Étant donné qu’on avait de la disponibilité sur notre temps de laminoir, on a continué à faire du développement pour être capable de faire la gamme de produits complète que faisait cette usine.. On a donc ajouté ça à notre portfolio », explique-t-il.
Ainsi, selon Stéphane Brochu, la force d’ArcelorMittal réside dans sa versatilité et son agilité. « On a plusieurs produits. On est dans les domaines de la construction, de l’automobile, des forges, de la frappe à froid. On est capable de changer notre cycle de production assez rapidement », détaille-t-il.
« On a une belle année devant nous. Il n’y a rien de joué, mais les budgets ont été déposés et on sera à pleine capacité pour 2024 », conclut le PDG.
Temps partagé chez Finkl Steel
Confronté au ralentissement économique, Finkl Steel, qui œuvre dans le domaine de l’acier forgé, a dû faire face à d’importantes décisions. « Étant donné la hausse des taux d’intérêt, des compagnies, dont nos clients et leurs clients, commencent à réfléchir un plus longtemps avant de lancer de nouveaux projets et des investissements », indique Louis-Philippe Lapierre-Boire.
Ce dernier explique que la demande dans certains marchés est complètement arrêtée, notamment en Asie et en Europe. « Ce sont des endroits où on exporte beaucoup, qui sont plus au ralenti que nous. En plus, il y a plus de compétition dans ces marchés. Tout le monde essaie d’avoir sa part du gâteau, mais le gâteau diminue », détaille le PDG de Finkl Steel – Sorel Forge.
Dans les dernières semaines, l’entreprise reçoit davantage des commandes de réparations et moins pour de nouveaux projets, équipements ou investissements. « On voit beaucoup de demandes pour des soumissions budgétaires. On sait qu’il y a du travail, mais les gens sont en attente de voir quand la situation des taux d’intérêt va s’apaiser », explique M. Lapierre-Boire.
Finkl Steel a donc décidé d’adopter le programme de temps partagé dans son usine de Saint-Joseph-de-Sorel. « Déjà en août, on se qualifiait pour le programme, mais on ne l’avait pas demandé. […] Dès le mois de septembre, quand on a vu que la reprise ne s’effectuait pas, on a été confronté à prendre des décisions difficiles », informe le PDG.
Après avoir sondé des employés et le syndicat, l’état-major a décidé d’utiliser le programme de temps partagé, qui avait déjà été utilisé en 2008. Ce programme permet aux employés d’éviter d’être mis à pied lorsque les activités subissent un ralentissement temporaire. Les employés acceptent donc de réduire leurs heures de travail et de se partager équitablement le travail disponible. « Les coupures qu’on aurait dû faire pour faire face à la situation étaient de l’ordre de 60 à 90 employés. […] On est donc sur le programme depuis octobre. Je ne dis pas que c’est sans difficulté, ce n’est pas parfait.», confie Louis-Philippe Lapierre-Boire.
Rejoint par le journal Les 2 Rives, le président du Syndicat des Aciers Forgés Sorel (CSN), Jean-François Cartier, a corroboré les propos du PDG, affirmant que ce programme a permis de conserver la plupart des employés.
Questionné quant à une reprise prochaine, Louis-Philippe Lapierre-Boire admet qu’elle est difficile à prévoir. « Mon information actuelle, c’est plus qu’on se dirige vers une récession plus profonde avant une reprise vers le deuxième trimestre de 2024. Dans notre secteur industriel, c’est difficile à prédire, conclut le PDG.