19 mars 2024 - 07:53
Dilemme!
Par: Louise Grégoire-Racicot

Depuis le début des années 80, Louise Grégoire-Racicot pose son regard sur la région comme journaliste à travers les pages du journal Les 2 Rives. Depuis février 2018, à titre de chroniqueuse, elle livre maintenant chaque semaine son opinion sur l'actualité régionale.

Tel que leur permet depuis 2022 la Loi sur les cités et villes et leur règlement adopté en juin 2023, les élus de Sorel-Tracy ont exercé régulièrement leur droit de préemption sur des propriétés qu’ils comptent acquérir pour compléter des aménagements urbains.

Ainsi la Ville peut devenir acheteur prioritaire – soit de préférence à tout autre acheteur – si un propriétaire voulait se départir de sa propriété. Et qu’elle y voit des emplacements pour apporter des mesures additionnelles de protection environnementale et de milieu naturel, implanter des espaces publics, terrains de jeux, parcs et pistes multifonctions, du transport collectif, l’agrandissement d’un établissement scolaire, municipal ou à caractère social. Enfin pour ajouter à son développement économique ou culturel.

Ainsi de juin 2023 à février 2024, le conseil a assujetti plusieurs propriétés de différentes tailles, dans différents secteurs de la ville. Parfois la résolution touche plusieurs lots à la fois – une centaine, rue Arpin – qu’elle vise vraisemblablement transformer en secteur vert communautaire.

Plusieurs propriétés touchées par cette procédure – chemin du Golf, route Marie Victorin et autoroute de l’acier (boisé de peupliers deltoïdes) – seraient acquises à des fins industrielles ou d’infrastructures publiques. Quant à celui de la rue de la Reine, la Ville y voit un possible site d’habitation ou un espace public d’activité communautaire et piste multifonctionnelle. Dans tous les cas, la loi encadre bien l’exercice de ce droit et définit les façons de faire, les conditions de réalisation.

Cependant, assujettir la propriété des Chevaliers de Colomb, rue Antaya du secteur Tracy, au droit de préemption – comme les élus l’ont résolu en assemblée publique, début mars – est d’un tout autre ordre.

Les Chevaliers de Colomb – qui désirent vendre leur propriété – refusent de la céder à la Ville. Car ils ont déjà trouvé un acheteur qui leur louerait au prix qui leur convient l’édifice déjà aménagé et répondant bien à leurs besoins. Ils avancent que cette offre d’achat a été faite avant la promulgation du droit de préemption. Ce qui en exclurait leur assujettissement. Le bâtiment est évalué à 305 000 $ et l’acheteur offre plus!

Le projet du conseil d’acquérir cette propriété est fort intéressant. Il pourrait ainsi compléter ses installations sportives et familiales déjà bien implantées au parc Dorimène-Desjardins, sa rampe à l’eau et des terrains de baseball et soccer.

Mais les élus ne peuvent oublier que les Chevaliers de Colomb œuvrent dans la région depuis des décennies, y faisant œuvre de charité indéniable. On peut comprendre que ce site serait idéal pour la municipalité, mais le conseil serait bien malvenu d’aller de l’avant avec son droit de préemption sans trouver tout au moins où loger l’organisme sans but lucratif à meilleur compte et lui permettre de poursuivre sa mission sans priver les membres d’un endroit agréable où se réunir et fraterniser. Pas tenir compte de cela serait envoyer un bien mauvais message aux groupes communautaires sorelois. Et ainsi contredire les valeurs même inscrites dans sa planification stratégique promettant d’agir avec audace, bienveillance et engagement.

Décidément ce droit de préemption est un bel outil de planification urbaine, bien supérieur à l’expropriation pure et simple, par exemple. Mais il doit être utilisé avec précaution, car il prive tout de même le propriétaire assujetti de son droit de vendre à qui il veut!

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