10 juin 2025 - 08:09
Mort d’un travailleur à Sorel-Tracy
D’importantes lacunes de sécurité constatées quelques heures avant le drame
Par : Stéphane Martin

Les images de l’accident, où l’on voit le chariot élévateur et l’acier du dôme par terre, sont saisissantes. Photo geacieuseté

Sur cette photo envoyée la veille de l’accident, on peut apercevoir un lève-personnes supportant une armature d’acier du dôme. Photo gracieuseté

Le représentant syndical Sylvain Boivin, originaire de Sorel-Tracy, soulève des questionnements sur la dangerosité du chantier qui a fait un mort le 29 mai dernier, sur la route Marie-Victorin à Sorel-Tracy. Photo Stéphane Martin | Les 2 Rives ©

Les images de l’accident, où l’on voit le chariot élévateur et l’acier du dôme par terre, sont saisissantes. Photo geacieuseté

Les images de l’accident, où l’on voit le chariot élévateur et l’acier du dôme par terre, sont saisissantes. Photo geacieuseté

Selon le témoignage d’un représentant syndical recueilli par le journal Les 2 Rives, d’importantes lacunes en matière de sécurité auraient été constatées quelques heures seulement avant qu’un drame se joue le 29 mai dernier sur un chantier de construction de Sorel-Tracy. L’effondrement d’une structure métallique aura coûté la vie à Anthony Collin, un travailleur de 37 ans, en plus d’en blesser deux autres.

Le gérant d’affaires pour le local 711 du Syndicat des travailleurs de l’acier du Québec, Sylvain Boivin, a été appelé à se rendre sur les lieux puisque la méthode de montage utilisée soulevait de nombreuses questions quant au respect des normes de sécurité en vigueur dans l’industrie de la construction.

« La veille de l’accident, j’ai reçu des photos montrant que des cordes de nylon de 3/8″ étaient utilisées pour stabiliser la structure. Je n’attacherais même pas mon chien avec ça. Ce n’est pas sécuritaire. Moi, dans mon métier, j’utilise des câbles d’acier », affirme-t-il, en insistant sur le fait qu’il ne cherche pas à désigner un responsable, mais à faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent plus sur un chantier de construction.

Sur d’autres images, on voit une nacelle élévatrice, normalement destinée à transporter des personnes, utilisée pour soutenir une partie de l’arche métallique. « C’est une pratique qui va à l’encontre des normes reconnues. L’équipement était détourné de son usage prévu. C’est un équipement de levage de personne. Si tu t’en sers pour faire d’autres actions que ça, tu es hors normes. Est-ce que c’est ça qui est arrivé? Je pose la question. »

M. Boivin remet également en doute la solidité du béton sur lequel des ancrages ont été fixés pour tirer la structure. « Quand tu fais du ciment, il y a un temps de séchage. Aujourd’hui, dans notre industrie, c’est go, go, go. […] On ne respecte plus le temps de séchage. Ça a l’air sec, mais ça ne veut pas dire que c’est sec. […] On voit sur certaines photos que le béton est cassé. Est-ce qu’ils avaient obtenu l’attestation d’une compagnie spécialisée à l’effet que le ciment était prêt et que les ancrages avaient la résistance nécessaire aux travaux? La question se pose. »

Avertissement ignoré?

Plus troublant encore, un travailleur syndiqué, présent sur les lieux comme poseur d’armature, aurait levé le drapeau rouge afin de faire cesser les travaux quelques heures avant l’accident, en raison d’un danger imminent, selon Sylvain Boivin. « Moi j’avais le pouvoir d’arrêter le chantier, mais je suis malheureusement arrivé trop tard. Je demeure convaincu que ce drame aurait pu et aurait dû être évité. Il existe des lois, des règlements, des codes de sécurité. Il faut simplement les appliquer. Ce n’est pas mon métier de ramasser des morts sur les chantiers », conclut, avec émotion, Sylvain Boivin.

Ce dernier a notamment envoyé un document PowerPoint d’une vingtaine de photos avant et après l’accident à la Sûreté du Québec, à la CNESST et à la conseillère politique du ministre du Travail, Jean Boulet.

Un rapport dans quelques mois

Du côté de la CNESST, la responsable des communications, Elyssa Fontaine, confirme que des inspecteurs se sont rendus sur place le jour même et ont sécurisé les lieux de l’accident. Ils ont collecté des informations afin de mieux comprendre ce qui s’est passé.

« Notre travail d’enquête ne fait que débuter et il est encore trop tôt pour expliquer les circonstances de l’accident. De façon générale, nos inspecteurs interrogent les témoins et s’intéressent notamment aux méthodes de travail utilisées, aux équipements, à la supervision des travailleurs ainsi qu’à leur formation », explique Mme Fontaine, en ajoutant qu’elle ne peut divulguer des informations personnelles contenues dans le dossier des travailleurs puisque celles-ci sont confidentielles.

Le rapport d’enquête détaillé sera rendu public dans quelques mois.

« Incompréhensible »

Le propriétaire d’AM Installations, Pierre-Luc Morin, était encore sous le choc une semaine après le décès de son employé. Anthony Collin, un Français d’origine âgé de 37 ans, travaillait depuis un peu plus d’un an pour l’entreprise de Yamaska.

M. Morin dit ne pas avoir eu vent de quelconque manœuvre non conforme sur le chantier, qui avait débuté trois jours avant le drame, soit le lundi 26 mai. « C’est incompréhensible ce qui est arrivé. Les gars ne savent pas ce qui a pu causer ça. On a hâte de savoir et on collabore avec la CNESST dans l’enquête », exprime-t-il au bout du fil, en ajoutant que tous ses travailleurs avaient les cartes valides pour travailler sur ce chantier.

« Anthony était un jeune travailleur très professionnel qui savait ce qu’il faisait et avait plusieurs heures d’expérience derrière la cravate », insiste le propriétaire d’AM Installations.

Appelé à commenter, le propriétaire des lieux, Keven Hébert, des Habitations Richard Hébert inc., n’a pas retourné nos appels avant d’aller sous presse.

Avec la collaboration de Jean-Philippe Morin

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