« Au début en mars, on était considérées comme des anges gardiens. On parlait de nous souvent. Plus la pandémie a avancé, plus on a été mises aux oubliettes », regrette la directrice de l’installation Goélette du CPE sur le boulevard Fiset, Brigitte Paul.
« On est les grandes oubliées je crois. Il a fallu qu’on se batte pour les primes COVID, alors que les infirmières en avaient. On dirait qu’on était des anges gardiens, mais qu’on est devenues celles qui étaient là pour que les anges gardiens aillent travailler », renchérit la directrice des installations Mini-Marins de Sorel-Tracy et le Cheval marin de Saint-David, Laurence Godin.
Pourtant, ce métier est grandement valorisant, indique une éducatrice du CPE La Petite Marine. « Si tu savais l’accueil que j’ai chaque matin! », ricane Marjolaine Bourque-Roberge.
« On voit chaque jour que ce qu’on fait, ça porte fruit. On voit l’évolution de chaque enfant, ses progrès et ses apprentissages. C’est très gratifiant », ajoute la jeune femme de 28 ans, qui pratique ce métier depuis un peu plus d’un an.
Même son de cloche du côté de Pascale Perreault, qui a pratiqué le métier d’éducatrice pendant trois ans avant de quitter en raison de la situation précaire de ce type d’emploi. Après avoir déniché un emploi de technicienne en laboratoire chez Jean Coutu pendant cinq ans, elle est revenue comme éducatrice au moment où la pandémie a éclaté, il y a environ un an.
« J’ai vu que le réseau avait grandement besoin d’aide puisque des éducatrices ont quitté et j’ai voulu y retourner. Je ne le regrette pas un instant! Il faut avoir fait un autre métier pour réaliser à quel point ce qu’on fait est essentiel pour eux. Mon dada à moi, c’est les enfants à besoins particuliers, dont la clientèle autiste. Ça me stimule tellement de les voir évoluer », indique l’éducatrice de 32 ans.
Pas évident avec la pandémie
Selon Brigitte Paul, qui travaille au CPE La Petite Marine depuis 22 ans, l’année 2020 a été la plus rocambolesque de toute sa carrière.
Le vendredi 13 mars 2020, lorsque la fermeture des écoles et des commerces a été annoncée, tous les services de garde du Québec étaient dans l’incertitude. C’est lors de la même fin de semaine qu’ils ont appris qu’ils allaient ouvrir le lundi 16 mars comme service de garde d’urgence.
« Sur les 80 enfants de notre installation, aucun n’est revenu, explique Mme Paul. Il a fallu faire plusieurs ajustements. Je lève mon chapeau aux éducatrices et aux parents. Ce n’était pas évident au niveau de l’organisation non plus. On apprenait les nouvelles chaque jour au point de presse du premier ministre et il fallait agir dès le lendemain. »
« Mon plus gros constat, c’est la résilience des enfants, ajoute Laurence Godin. Ils s’adaptent plus vite que les adultes! Ils ne nous connaissaient pas et on a passé du temps de qualité avec eux. Les éducatrices ont fait un excellent travail pour rendre ça spécial. »
Malgré tout, la situation n’a pas été toujours facile. Avec l’équipement de protection et les chaleurs accablantes l’été dernier, une éducatrice a subi un coup de chaleur.
La pandémie a aussi apporté son lot de défis au niveau du personnel. « Deux éducatrices à temps plein sont parties ainsi qu’une secrétaire, qui était mon bras droit, parce qu’elle avait 60 ans. On n’a pas pu embaucher d’autres personnes en raison de la pénurie du personnel. Ce n’est vraiment pas évident. Depuis quelques années, je n’ai plus de stagiaire puisqu’il n’y a pas de cours au Cégep de Sorel-Tracy en raison du manque d’inscriptions. Dans le passé, j’en refusais tellement que j’avais de candidatures », témoigne la directrice de l’installation des Goélettes, Brigitte Paul.
« Ça fait trois mois que j’ai publié des offres d’emploi et je n’ai aucun CV. À l’interne, c’est un travail très valorisé, mais on dirait qu’à l’externe, ce l’est moins. C’est dommage. Pourtant, c’est une vocation et les filles s’amusent ici malgré les grosses journées », exprime à son tour la directrice des installations des Mini-marins et du Cheval marin, Laurence Godin.
Séparer la vie personnelle et le travail
Plusieurs des éducatrices ont elles-mêmes des enfants et le défi de séparer le travail et la vie privée de soir est réel pour certaines d’entre elles. C’est le cas de Marjolaine Bourque-Roberge.
« Plusieurs disent qu’on entre dans notre deuxième shift le soir, ricane-t-elle. Ça peut arriver que je suis à bout après le travail, mais je suis chanceuse, j’ai un conjoint vraiment impliqué. Quand il voit que j’ai eu une journée plus difficile, il prend la relève. »
Pascale Perreault abonde dans le même sens. « Si je fais la différence entre il y a à peine cinq ans et aujourd’hui, les papas sont beaucoup plus impliqués. Oui il y a la charge mentale de la femme à considérer, et oui on a parfois de grosses journées au CPE, mais ça fait partie de la dynamique. En plus, mes deux enfants ont un fort caractère, mais au lieu de me nuire, ça m’a outillée pour travailler avec d’autres enfants. Je suis beaucoup plus patiente avec mes enfants et ceux de la garderie. »
De son côté, Laurence Godin, qui a un rôle de directrice depuis deux ans, a été éducatrice les six années précédentes. Selon elle, il est important de tracer une ligne entre les deux rôles.
« Au travail, il faut toujours être à 100 %. Tu ne peux pas y aller à moitié. Avec mes enfants, ce n’est pas la même éducation qu’au CPE. En fait, c’est complètement différent. Ce n’est pas toujours facile de séparer les deux rôles, puisqu’en tant que femme, on se met beaucoup de pression sur les épaules, mais il le faut », indique-t-elle.
Et malgré les difficultés du travail, les quatre femmes se plaisent où elles sont et n’échangeraient pas leur métier pour un autre.