2 juillet 2024 - 08:40
Entretien avec un ours
Par: Stéphane Fortier

Photo freepik.com

Je me suis échappé de l’aile psychiatrique de l’hôpital et, malgré le fait que la SQ était à mes trousses, j’ai réussi à prendre le traversier et me suis rendu dans le fin fond de la région de Lanaudière où je me suis installé un petit campement. Peu de temps après, j’ai reçu de la visite et comme je me sentais un peu seul, j’ai décidé de jaser avec ce visiteur à fourrure.

Journaliste : Bonj-ours! Les livres à votre sujet me disent que vous êtes un plantigrade.

Ours : Pantoute, je viens de Saint-Jean-de-Matha.

J : Vous faites de la relaxation, me dit-on.

O : Oui et j’ai mon propre Yogi.

J : Vous aimez les petits fruits, mais les tartes aussi.

O : Oui et tiens, ça me fait penser. Un jour, une famille s’est installée ici pour pique-niquer. Et leur nom de famille? J’te le donne en mille. C’était la famille Tarte. Imagine, s’ils vont dans un verger l’automne. On pourrait dire qu’on rencontre la famille Tarte aux pommes.

J : Et à la cabane à sucre, ce serait la famille Tarte aux sucres. Et ils doivent avoir appelé leurs deux enfants Pata et Crouta. Vous avez sûrement beaucoup d’anecdotes à raconter?

O : Pour un gros nounours, je me débrouille. Un jour, j’ai rencontré un orignal. J’ai été chanceux. Au lieu de me foncer dessus, il a sauté par-dessus moi. Heureusement qu’il avait pris un bon élan. J’pense aussi qu’il avait sifflé une shot de caribou. Mais j’ai compris pourquoi il était si pressé. Des chasseurs étaient après lui. Je me suis dit à quoi ça cerf de courir. Oh my deer! Il criait oursecours. Je me suis senti interpellé, mais ça manquait de panache son affaire. J’ai préféré quitter pour ne pas me faire tuer et sauver ma peau.

J : Moi, personnellement, je l’aurais vendue avant, mais passons. Autre anecdote?

O : J’ai rencontré une bitch, heu biche avec ses enfants. Je leur ai crié : Hé! Les faons! Et c’est un gros animal gris avec un grand nez qui est arrivé. J’ai déjà été aussi face à face avec un ours blanc. Il avait polaire méchant, il m’a raconté qu’il avait dévoré un explorateur qui s’appelait André Arpin-Gouin. Phoque! C’est drôle.

J : J’espère que ce monsieur Arpin-Gouin n’était pas manchot, Ah! Ah Ah! Vous auriez aussi bien pu rencontrer un mouton qui avait mauvaise ha-laine. Parlez-moi de votre conjointe, Comment l’avez-vous rencontrée?

O : La première fois qu’on s’est vus, elle m’a demandé : Viens-tu faire un p’tit tours? J’avais pas tout de suite compris qu’il n’y avait pas de T dans son tours. Je l’ai beaucoup aimée. C’était mon étoile, ma Grande Ourse. Cela été un pluche dans ma vie. Quand je me blessais, elle s’empressait de lécher mes blessures, mais elle ne le faisait pas tellement bien, je dois dire.

J : Donc vous étiez un ours mal léché. Ah! Ah! Ah!

O : Toi, tu te magasines un coup de patte. Je ne suis pas habitué à ton genre d’humour, mais mammifère, je suppose. Je reprends, donc quand on se promenait en famille, on était toujours à la queue leu leu. Les ours se suivent et se ressemblent dans notre cas.

J : Vous avez fait faire des photos de famille de vos Calinours?

O : Ça pas été facile. On les perdait souvent de vue. On se demandait tout le temps : Ourson-t-ils passé encore? Et puis, les enfants étaient toujours distraits. Il fallait leur dire constamment de regarder le kodiak.

J : Le kodak vous voulez dire?

O : Pas pour un ours.

J : Vous semblez avoir soif. Il y a un lac juste à côté-là…

O : Je ne bois plus d’eau dans ce lac. C’est plein de bibites avec un grand nez, les Cyrano-bactéries, qu’ils appellent, là?

J : Heu! C’est les Cyanobactéries. Et autre particularité des ours, vous vous cachez pendant la mauvaise saison. Si vous aviez passé l’hiver dans un taxi, aurait-on pu dire que vous aviez Uberné? Ah! Ah! Ah!

O : Peut-être, si ç’avait été des taxis UBear. Ah! Ah! Ah! Moi aussi, je peux dire des conneries.

J : On dit souvent que l’abominable homme des neiges serait un ours…

O : Yéti encore en vie celui-là?

J : Avez-vous déjà consulté un vétérinaire?

O : Je préfère la médecine douce.

J : La médecine d’ours? Je lis ici que vous êtes omnivore. Vous pouvez aussi bien manger des végétaux que de la viande.

O : Oui et je commence à avoir une petite faim.

J : Bon alors, il est temps de mettre fin à cette entrevue. Bye Teddy!

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