6 août 2024 - 08:01
Chronique humoristique
Entretien avec un vélo
Par: Stéphane Fortier

Photo freepik.com

Tous les matins, une infirmière se rend à l’hôpital psychiatrique en bicyclette et le laisse bien en sécurité dans le hall d’entrée des employés pour ne pas se le faire vélo, heu, voler. Après qu’elle eut été rendue dans son département, j’en ai profité pour l’interpeller (pas l’infirmière, la bicyclette).

Journaliste : Salot Vélu! Excusez, la langue me fourche.

Vélo : Ah! C’est toi le journaliste qui a perdu les pédales.

J : Comment êtes-vous né?

V : Je viens de chez Bicycle Kikilico à Mascouche et oui, je le con-fesse, je suis un cas de siège.

J : Et à qui appartenez-vous?

V : Ma propriétaire s’appelle France. Je la connais par cœur, depuis le temps. J’en ai fait pas mal le tour.

J : Vous avez donc fait le tour de France.

V : Ça me fait penser, un moment donné, le chien de France se mettait toujours à poursuivre les passants à vélo.

J : Et qu’est-ce qu’elle a fait avec son chien?

V : Elle lui a confisqué son vélo. Ah! Ah! Ah!

J : Je soupçonne que vous n’êtes pas seul dans votre cabanon…

V : C’est vrai. Et ma conjointe est un peu toutoune. Je l’appelle ma Fat bike. Je l’aime un pneu, beaucoup, passionnément… Mais un jour, la chaîne a fini par débarquer. Un moment donné, on avait rendez-vous et elle m’a fait dans les mains. En latin, ça se dirait Shi-mano. Et en plus, ma belle-mère était un peu raciste, je dois dire. Je l’appelais ma Belle-Mère Xénophobe.

J : Une BMX, finalement. Est-elle au courant?

V : Sûrement, c’est un vélo électrique.

J : Non, par courant, je veux dire… laissez faire. Ç’a été dur votre séparation?

V : On a des psychologues qui nous soutiennent. On les appelle des supports à vélo. Ils nous aident à nous tenir debout devant les épreuves. On a même notre aumônier, l’abbé Cane.

J : Et j’imagine qu’il demeure dans un Airbnb-cyclette. J’ai entendu dire que vous avez fêté pas mal fort, hier soir.

V : On a dansé des riguidons. Même celles qui étaient un peu poignées enfourchaient, heu, embarquaient. Mais là, j’ai un peu mal aux jantes. Il était temps que la soirée finisse, ça commençait à dérailler. Il fallait y mettre un frein.

J : Auriez-vous aimé pouvoir bouffer?

V : À part des kilomètres, tu veux dire? Pas vraiment. Et au moins, on n’a pas besoin d’aller à la selle après.

J : Avez-vous déjà eu un accident?

V : Non, heureusement. Mais j’ai déjà crevé. Après une crevaison, on se sent un peu flat… Et quand il fait chaud, ça nous prend des chambres à air climatisé.

J : Auriez-vous aimé être plus équipé?

V : J’aurais bien aimé, mais j’ai pas les moyeus.

J : Les moyens vous voulez dire… Mais votre propriétaire, elle?

V : Ça, c’est pas mon rayon.

J : J’ai remarqué que votre propriétaire vous utilise seulement trois mois par année. Pour vous, j’imagine qu’un cycle de trois mois, c’est un tricycle. Vous auriez aimé être un vélo de montagne?

V : Non, j’ai le vertige. Et puis, pédaler, c’est déjà du travail à la chaîne, alors n’ajoutez pas les chaines de montagnes en plus, moi qui viens d’une chaîne de montage.

J : Qu’auriez-vous aimez être?

V : Une fleur. J’aurais des pétales au lieu d’avoir des pédales. Ou encore un vélo avec un phare unique sur le devant. On aurait pu m’appeler le bicyclope. Ah! Ah! Ah! Bon, OK, c’est pas drôle. Ça m’arrive aussi de dérailler. Comme quand on me demande s’il y avait des bicyclettes au temps des dinosaures…

J : Et bien?

V : Ben oui. Des vélo-ciraptors. Ah! Ah! Ah! Ah… Ah… Ah… S’cusez.

J : Vous aimeriez prendre des vacances?

V : Et devenir un vélo stationnaire pour un bout? Peut-être bien.

J : Ah! Je vois que l’infirmière revient avec deux agents de sécurité. Alors je vous souhaite bonne ride et à la prochaine.

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