23 avril 2024 - 13:18
Entretien avec une balle de baseball
Par: Stéphane Fortier

Le journaliste Stéphane Fortier a déjà publié un livre rempli d’entrevues avec des objets. Il récidive en publiant un entretien humoristique avec un objet chaque deux semaines dans le journal Les 2 Rives. Photo Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives ©

La saison de baseball mineur va débuter et votre journaliste fou a pu s’échapper de sa cellule capitonnée, le temps de se rendre dans un parc et rencontrer une balle de baseball perdue, oubliée par les joueurs. Mais il faudra faire vite, car les policiers de la SQ ont été appelés pour rattraper un journaliste en jaquette blanche et le reconduire à l’aile psychiatrique de l’Hôtel-Dieu. Oh! En passant, pour bien comprendre cet entretien, il vaut mieux être un peu familier avec les termes particuliers du baseball.

Journaliste : Play ball!

Balle : Tu veux faire une entrevue avec moi? J’pensais pas que je me ferais attraper. J’avoue que ça m’a frappée sur le coup.

J : Aussi bien en profiter et saisir la balle au bond. Est-ce qu’on vous demande souvent votre opinion?

B : Non. Parce qu’on me reproche trop souvent d’être dans le champ.

J : Avez-vous des buts dans la vie?

B : Oui. Trois.

J : Auriez-vous aimé être un artiste?

B : Et être une enfant de la balle? J’aurais aimé faire du cinéma. Jouer dans La balle et la bête, par exemple.

J : Ou autre chose?

B : Être une chemise. J’aurais seulement deux manches au lieu de neuf. Être représentante. J’aurais pu faire mon pitch de vente. Ou être une balle de foin. Je serais sans doute plus riche.

J : Parlons un peu de votre vie personnelle…

B : Une prise…

J : Vous ne voulez pas en parler?

B : Deux prises…

J : Bon! Ça va. On va changer de sujet.

B : T’es mieux sinon tu vas passer au bat et je vais me retirer. Ok! Dans le fond, je peux bien te parler de mon amie qui avait de belles courbes. Et elle avait du swing.

J : En autant qu’elle ne sentait pas le swing. Sérieusement, je vous imagine lors d’une belle soirée romantique avec une bonne bouteille de vin.

B : Alors, il vaudrait mieux pour moi que je sois une balle tire-bouchon.

J : Et pour manger?

B : Alors là, pas de doute, il vaut mieux être une balle fourchette.

J : Je vois que vous n’avez pas très bon caractère. Vous êtes une balle cassante. Mais vous semblez solidaire avec vos consœurs…

B : Nous les balles, on est tricotées serrées. Surtout les balles de laine. Ah! Ah! Ah!

J : Je trouve que vous avez beaucoup d’esprit en tout cas. Vous êtes une petite vite.

B : C’est vrai! Je suis du genre rapide, comme balle.

J : On m’a dit qu’entre deux matchs, vous lisiez de la poésie.

B : Oui, surtout du Émile Nelligant… de baseball, bien sûr.

J : Il paraît qu’après chaque match, les joueurs se réunissent dans une brasserie.

B : Oui, et ils commandent un pitcher.

J : C’est un beau défi de déjouer des frappeurs…

B : J’ai vu des joueurs essayer de frapper une balle papillon, rater leur coup et se retrouver avec une blessure à la chenille.

J : À la cheville, vous voulez dire… J’imagine que c’est comme le lapin qui a toujours le sourire aux lièvres. Ah! Ah! Ah!

B : Un point pour toi, mais non mérité.

J : Vous semblez avoir été frappée souvent. Vous avez des points de suture partout.

B : Nono! Ce sont des coutures. Normales pour une balle de baseball. En passant, il m’est arrivée, à l’occasion, d’être impliquée dans des matchs sans points ni coutures.

J : Lorsqu’un joueur frappe une fausse balle dans un cimetière, c’est ça qu’on appelle une balle morte?

B : ????

J : Que serez-vous quand vous serez vieille?

B : Une balle molle, probablement.

J : On se revoit pour une nouvelle entrevue bientôt?

B : Ouan. Donne-moi un coussin. À la fin de la saison, pour un gars out comme toi, ce serait plus safe. Mais je serai là, à coup sûr. C’est coulé dans le marbre.

J : Et bien, au revoir la balle. Le compte est complet. Ah! Bonjour, messieurs les policiers…

N.B. Comme l’auteur de cette chronique vient d’être admis en psychiatrie de façon permanente, on ne sait à quel moment, il sera de retour en ces pages. Probablement pas avant le 7 mai.

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