28 mars 2023 - 08:09
Et si nous perdions au change?
Par: Deux Rives

Maire de Massueville de 2005 à 2021, Denis Marion commente l'actualité en tant que chroniqueur au journal Les 2 Rives depuis décembre 2021. Photo Simon Ménard

Le discours du budget est l’occasion idéale pour un gouvernement de présenter sa lecture des enjeux auxquels le Québec est confronté et d’énoncer clairement ses priorités. De façon évidente, sa priorité était d’annoncer une baisse des impôts. Mais le coût collectif en vaut-il la chandelle? Le gouvernement s’occupe-t-il des priorités des Québécois : inflation, pénurie de main-d’œuvre, adaptation et lutte aux changements climatiques, crise du logement, santé mentale?

La baisse d’impôt annoncée nous coûtera 9,2 milliards $ sur six ans. Comme 80 % des Québécois gagnent moins de 70 000 $ par année et que 65 % gagnent moins de 50 000 $ par année, la très grande majorité des contribuables profiteront d’une diminution d’impôt d’un maximum de 528 $ annuellement pour une personne seule et de 1156 $ pour un couple aux revenus équivalents. Les médias ont calculé que la baisse d’impôt moyenne sera de 370 $, soit à peu près 30 $ par mois.

La MRC de Pierre-De Saurel, dans sa Politique de développement social adoptée en juin 2021, indiquait que sur son territoire, le revenu médian des ménages, après impôt, est de 47 068 $ alors qu’il se situe à 57 679 $ pour l’ensemble de la Montérégie. Cette seule donnée devrait nous faire réfléchir à l’importance des services que nous nous offrons collectivement grâce au gouvernement du Québec et de ce que cela représente pour le budget d’une famille.

Dans ce qui précède, le chiffre important n’est pas le montant de la baisse d’impôt, mais bien le 9,2 milliards de $ nécessaires sur six ans pour l’offrir. C’est la marge de manœuvre de notre gouvernement qui y passe.

Une marge de manœuvre qui lui sera pourtant nécessaire s’il veut assumer la pression que l’inflation et une possible récession pourraient avoir sur la qualité et sur l’avenir des services offerts à la population, alors même qu’une crise du logement affecte de nombreux Québécois, y compris dans notre propre région.

Le Québec est peut-être l’endroit où les impôts sont les plus élevés, mais c’est aussi l’endroit où les citoyens bénéficient du plus grand nombre de services. Des services comme le soutien aux services de garde, comme l’éducation gratuite, comme l’assurance médicaments ou l’assurance maladie. Des services qui nous coûteraient beaucoup plus cher, en proportion des revenus de chacun, si nous devions les payer individuellement. C’est la plus grande différence entre le Québec et le reste de l’Amérique du Nord.

Collectivement, nous avons décidé depuis près de 60 ans de faire jouer au gouvernement du Québec un rôle important dans la gestion des écarts entre les plus riches et ceux qui le sont le moins. Et nous y réussissons assez bien malgré tout.

En indiquant son intention d’honorer sa promesse de baisser les impôts, le gouvernement peut dire qu’il respecte ses engagements. Mais à quel coût?

N’empêche qu’à la lecture du budget déposé par le ministre des Finances la semaine dernière, on peut se demander si pour ce gouvernement la popularité n’est pas plus importante que son sens des responsabilités. Mais peut-être aura-t-il fait un mauvais calcul. Les gens seront peut-être plus intéressés par la qualité des services qu’ils reçoivent de leur gouvernement que par une baisse des impôts qui a peu d’impact sur leur situation financière réelle. Cela expliquerait peut-être la réaction très tiède à ce budget.

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