Pour Chantal Desgagnés, enseignante pour les infirmières auxiliaires et préposées aux bénéficiaires à la formation professionnelle, le changement s’est fait sentir autant dans l’enseignement que dans le milieu de stage de ses élèves en centre hospitalier.
Elle avoue être allée un peu plus en profondeur pour le cours de prévention des infections. En milieu de stage, elle a préféré éviter de sélectionner des patients suspectés d’avoir la COVID pour ses élèves. « Ils ont pris soin de gens fin cinquantaine, début soixantaine, sans antécédents médicaux, qui ont eu la COVID et qui sont en réadaptation pour réapprendre à se lever parce qu’ils n’étaient même plus capables de se tourner dans le lit. Ça les a marqués. J’ai fait exprès de prendre ces patients-là parce que c’était l’occasion ou jamais de les conscientiser », explique-t-elle.
L’enseignante affirme que ses élèves seront des professionnels dans l’art de porter des équipements de protection individuels et de les enlever correctement. Et malgré qu’elles ont été confrontées aux conditions difficiles et au temps supplémentaire, aucune n’a abandonné.
Stéphanie Durand, orthopédagogue aux écoles Pierre-de-Saint-Ours et Saint-Roch, mentionne que le concept des bulles-classes a changé la façon d’aider les élèves.
Normalement, des interventions de groupe peuvent être réalisées en classe avec l’enseignante et des élèves peuvent être sortis et regroupés selon leurs besoins.
Cette année, à l’occasion, elle a dû séparer son temps. Elle travaillait pendant 30 minutes avec un groupe, désinfectait le local et allait chercher un autre groupe. Le matériel qu’elle utilisait pour aider un jeune devait par la suite être placé dans un bac et ne plus être utilisé de la journée.
Un autre défi, lorsque les enfants étaient à la maison, a été de s’ajuster avec les suivis à distance. Elle téléphonait aux parents et discutait avec les élèves pour établir ce qu’ils ne comprenaient pas. « Ils essayaient de m’expliquer ça dans des mots de première ou deuxième année. Je me rappelle qu’au début, c’était quelque chose. Ensuite, le retour à l’école n’était pas obligatoire. Certains sont revenus et ont pu être avec les enseignants, mais il fallait aussi penser à ceux à la maison. Notre mandat était de s’assurer un suivi avec les élèves, mais parfois, quand il faisait beau, on n’avait plus de réponses », raconte-t-elle.
Marie-Laurence Gratton, enseignante au secondaire en éducation physique depuis 13 ans, est allée enseigner au primaire au début de la pandémie. Ce fut toute une adaptation, mais une très belle expérience. De retour au secondaire cette année, elle ressent davantage les effets de la pandémie. Les élèves sont à distance une journée sur deux. Ils portent le masque en tout temps même dans leur cours d’éducation physique. Elle a donc dû revoir son plan de cours.
À la maison, les jeunes font de l’entraînement et en classe, des sports moins intenses au niveau cardio. L’accent a davantage été mis sur le volet santé. Des sports extérieurs comme la raquette et le golf ont été inclus. « Certains n’avaient jamais fait de raquette ou marché dans le bois, avoue-t-elle. Je crois que l’école est l’endroit où on donne l’opportunité aux jeunes de vivre des expériences et des moments. Si on peut en retirer du positif, c’est qu’on va s’être ouverts sur de nouveaux horizons. »
L’enseignante espère que l’intégration de l’entraînement et des sports individuels sera une façon d’inciter les jeunes à bouger à long terme. Elle note encore plus l’importance de l’activité physique pour leur santé mentale. Elle lève d’ailleurs son chapeau à ses élèves, qui persévèrent malgré le contexte très inhabituel.
À la maison
Chantal Desgagnés, maintenant mamie, a été témoin de la conciliation études et famille via ses élèves, dont certaines sont des mamans qui retournent à l’école. « Il y en avait qui géraient leur ordi pendant que je donnais le cours, une tablette pour le plus jeune et un cellulaire pour le plus vieux. Il fallait être ouverts d’esprit et leur dire de prendre le temps de connecter les enfants. J’ai aussi des jeunes collègues enseignantes qui ne savaient plus où donner de la tête. Des signes d’épuisement, il y en a eus », souligne-t-elle, en s’avouant chanceuse d’avoir des enfants plus vieux.
Stéphanie Durand a dû combiner son rôle de maman et d’orthopédagogue. Son conjoint, travaillant sur des horaires variés chez ArcelorMittal, ne pouvait être aussi présent à la maison. « C’est clair que ce n’était pas évident avec les enfants, de gérer les conflits. Ils avaient leurs trousses à faire. Si je savais que j’avais une entrevue téléphonique, je repoussais les devoirs parce que je ne pouvais pas parler au téléphone en même temps que soutenir mon enfant », explique-t-elle.
Elle confirme que bien souvent, c’est la maman qui prend cette tâche sur ses épaules puisqu’elle est déjà présente à la maison. « Les grands-parents ne pouvaient pas venir non plus. Ç’a demandé de la réorganisation. Des fois, j’avais une réunion en même temps que mes enfants. Quand ils m’appelaient, je trainais le téléphone, je fermais le micro, j’allais voir ce qui se passait et je revenais à ma réunion », raconte l’orthopédagogue.
Le côté positif de tout ça, selon elle, est que les enfants ont développé une certaine autonomie.
L’enseignante en éducation physique, Marie-Laurence Gratton, a deux enfants au primaire. Elle était contente qu’ils retournent à l’école avant qu’elle recommence à enseigner en ligne parce qu’avec 30 élèves à gérer, elle n’aurait pas pu aider sa plus jeune avec sa classe ZOOM.
Bien que la situation peut varier d’un foyer à l’autre, elle constate que la prise en charge des enfants et des leçons est souvent réalisée par les femmes.
Un milieu toujours féminin
Chez les infirmières auxiliaires, pour un groupe de 20 élèves, Chantal Desgagnés compte quatre ou cinq garçons comparativement à un ou deux lorsqu’elle a commencé à enseigner il y a un peu plus de 10 ans.
L’orthopédagogue Stéphanie Durand mentionne que même si le milieu demeure majoritairement féminin, ça ne veut pas dire qu’il n’évolue pas. « Je repense à mes premières années et ce n’est pas vrai qu’on enseigne comme avant. Il y a des nouvelles études et il faut s’adapter aux élèves. Les enfants ont une curiosité, si on veut les garder, on n’a pas le choix d’essayer de les stimuler », lance-t-elle.
Questionnée sur l’implication des filles dans le sport comparativement aux garçons, Marie-Laurence Gratton avance que le sport est plutôt lié à l’intérêt de la personne. En ligne, elle constate toutefois que les filles, et même certains garçons, qui participaient moins en classe, sont plus à l’aise puisqu’ils n’ont plus le regard des autres sur eux.
Malgré les nombreux changements qu’elles ont connus et leurs tâches qui se sont alourdies, les trois femmes ne changeraient aucunement de métier.
« Notre rôle est important pour des jeunes qui en ont vraiment besoin », conclut Mme Gratton.