5 mars 2024 - 10:45
Garder bien présent le passé
Par: Deux Rives

Maire de Massueville de 2005 à 2021, Denis Marion commente l'actualité en tant que chroniqueur au journal Les 2 Rives depuis décembre 2021. Photo Simon Ménard

Le Québec a traversé toutes sortes de périodes au regard de son histoire et de son patrimoine. J’exagère à peine en écrivant que la Révolution tranquille a cherché à faire accéder le Québec à la modernité en faisant peut-être table rase de son passé. Heureusement, depuis quelques années, on revalorise les liens avec notre passé.

Il a fallu des années pour reconnaître la valeur du patrimoine et lui accorder du sens : celui de l’appartenance et de la fierté et non pas celui d’une fuite loin du rappel de temps révolus qu’on veut oublier. Cette réconciliation entre le passé, et ce qu’il représente, et notre vie d’aujourd’hui, chaque jour propulsée vers de nouvelles frontières, est exigeante.

L’excellent article de Stéphane Fortier, publié la semaine dernière, ramenait au premier plan le défi de la préservation de l’immeuble de Genfoot et les difficultés qu’il pose à la Ville de Contrecœur où il est situé. Voilà un édifice maintenant centenaire, acquis par la municipalité en 2016 pour assurer la préservation de ce patrimoine manufacturier et développer un projet qui le rendrait à la communauté. Trouver une mission à ce grand édifice exige beaucoup d’imagination…et d’argent.

Au cours des années 2010, la démolition d’édifices patrimoniaux dans plusieurs villes et villages amène le Vérificateur général du Québec à relever les lacunes de l’État en matière de protection du patrimoine immobilier. L’Assemblée nationale adoptera en 2021 des modifications à la Loi sur le patrimoine culturel qui obligent les MRC à réaliser d’ici 2026 un inventaire des immeubles construits avant 1940 sur leur territoire.

Cette modification à la loi donne également aux MRC et aux municipalités de nouveaux pouvoirs. C’est ainsi que la municipalité de Massueville, et c’est l‘un des derniers gestes que j’ai posés comme maire avant de quitter mes fonctions en 2021, a fait inscrire le Site patrimonial Legs Aimé-Massue au Répertoire du patrimoine culturel du Québec, l’ensemble composé du Carré royal et des immeubles qui l’entourent. Cette citation vise à mettre en valeur le cœur patrimonial du village et s’est réalisée à la demande et avec l’appui des résidents de ce secteur unique dans la région. Pour sa part, dans sa nouvelle Politique culturelle, adoptée à l’automne, la MRC intègre cette préoccupation de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine.

Sorel-Tracy, une des plus vieilles villes du Québec, s’est dotée en 2017 d’un comité du patrimoine en reconnaissant l’importance de la préservation du patrimoine immobilier et historique.

Mais la ville est aussi grande que les défis auxquels elle est confrontée. On connait ses déboires dans ses tentatives de préservation de la maison rouge du 207, rue du Prince, qui date de la première moitié du XIXe siècle où s’est déclaré un incendie à l’été 2023. La somme de 2 M$ est évoquée pour la remettre en état. La Ville a alors lancé un appel à tous pour recevoir des projets.

C’est un peu la même situation pour l’édifice Cyrille-Labelle, rue du Roi, bien que cette fois il s’agisse d’un bâtiment privé. Difficile d’imaginer le centre-ville sans ce grand édifice. Mais comment lui redonner une nouvelle vie et éviter sa démolition qui serait une perte pour Sorel-Tracy? Quel type de collaboration publique-privée est possible sans ce que cela ne devienne un gouffre financier?

Il faudra pourtant trouver des solutions sinon notre patrimoine bâti ne sera plus qu’un souvenir.

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