À la suite de la saison 2019-2020, stoppée sans avertissement par la pandémie, Anthony Landry-Janelle a quitté ses fonctions d’arbitre en chef de l’Association du hockey mineur du Bas-Richelieu (AHMBR). Après une année à ce poste et sept années dans le métier, il n’avait plus la passion.
« Ça n’allait pas bien. J’avais de la misère à avoir des arbitres et j’avais souvent l’impression de devoir tordre le bras des gars pour qu’ils travaillent. J’étais tanné de tout ça », déplore-t-il.
Presque deux ans et une pandémie plus tard, la situation ne s’est pas améliorée. L’arbitre en chef actuel de la région, Rémi Lemoine, affirme qu’environ 50 % des arbitres ont abandonné le métier dans les deux dernières années.
« C’est une dizaine d’arbitres qui ont lâché pour diverses raisons. J’ai plusieurs jeunes qui ont quitté l’arbitrage pour des emplois à temps plein, tandis que d’autres ne sont tout simplement pas revenus après la pandémie », affirme-t-il.
Cette saison, des matchs de niveau M18 et Junior se jouent avec seulement deux arbitres. Une situation très inhabituelle avant la pandémie, pour ne pas dire inexistante.
Diverses raisons
Pour M. Landry-Janelle, c’est la lourdeur du processus d’embauche chez Hockey Québec qui explique ce manque d’arbitres. « Pour commencer à arbitrer, les candidats doivent suivre deux journées de formation à l’extérieur de Sorel-Tracy. Ensuite, ils doivent débourser un montant pour avoir le droit d’arbitrer et pour leur équipement. Ils doivent donner beaucoup de leur temps et argent avant même de gagner leur première paye. Ça peut être décourageant en début de parcours », critique-t-il.
Un autre aspect qui a dissuadé plusieurs arbitres de la région est l’enjeu de l’imposition des salaires des arbitres. Jusqu’à récemment, les arbitres ne recevaient pas de formulaire T4A et ne déclaraient pas leurs revenus. Mais le gouvernement a poussé Hockey Québec à se conformer à la loi. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, cette situation a causé la perte du quart des officiels vétérans.
Pour Rémi Lemoine, l’imposition des tarifs d’officiels est une épée de Damoclès qui plane au-dessus de leurs têtes. « Plusieurs arbitres ont quitté le métier à cause de ça », indique-t-il, en avertissant que l’imposition du salaire des arbitres dans l’AHMBR pourrait engendrer d’autres départs d’arbitres.
Un métier difficle
Pour Anthony Landry-Janelle, l’arbitrage n’est pas un métier comme les autres. « Qui veut travailler les soirs et les week-ends, tout en ayant beaucoup de pression des parents, des joueurs et entraîneurs? », questionne-t-il.
« Ce n’est pas toujours évident de faire face à la musique avec des gens qui t’insultent et critiquent ton travail, ajoute l’ancien arbitre. Un de mes officiels avait travaillé un match à Saint-Hyacinthe en séries et il avait reçu beaucoup de critiques. Si bien qu’à la fin du match, il avait mis sa poche à la poubelle de l’aréna et il n’a plus jamais arbitré. »
Malgré ces difficultés, M. Landry-Janelle soutient que ce métier devrait être plus encouragé chez les jeunes. « C’est très formateur parce que dans des situations stressantes, tu apprends à garder ton sang-froid et à prendre des décisions rapidement », soutient-il.
Malgré le manque d’arbitres dans la région, M. Lemoine se veut rassurant. « Nous avons accueilli quelques nouveaux arbitres et des vétérans cette saison. Mon travail de recrutement a porté fruit, mais je ne peux pas en perdre davantage », conclut Rémi Lemoine.
« Ça use à la longue » – Guillaume Thibault, officiel actif
Arbitre depuis cinq ans, Guillaume Thibault doit s’adapter à la nouvelle réalité imposée par le manque d’arbitres dans la région et travailler des matchs à deux officiels. Une situation inconfortable qui ne doit pas perdurer, selon lui.
Lorsqu’il a commencé à arbitrer à l’âge de 14 ans, Guillaume Thibault travaillait la plupart du temps à trois officiels, soit un arbitre en chef et deux juges de lignes. Cinq ans plus tard, la situation a complètement changé.
« Récemment, j’ai fait un Bantam BB et un Junior B à seulement deux officiels, informe-t-il. Arbitrer des matchs à deux, ça ne me dérange pas trop, mais ça use à la longue. »
Actuellement étudiant en technique policière, Guillaume possède beaucoup d’expérience dans le domaine de l’arbitrage. L’hiver, il arbitre le hockey à Drummondville ainsi qu’à Sorel-Tracy et l’été, il est responsable des arbitres et marqueurs au baseball. « Ce n’est pas plus facile d’avoir des arbitres au baseball. Le problème n’est pas nécessairement d’en trouver, mais de les garder », soutient-il.
Pour le jeune homme de 19 ans, la pression exercée par le chialage des parents, joueurs et entraîneurs cause beaucoup de pression chez les jeunes arbitres.
« J’ai commencé à arbitrer par amour pour le hockey, précise-t-il. Mais c’est difficile au début de faire face au chialage. Il faut se faire une carapace et aussi comprendre que les gens ne te critiquent pas toi, mais plutôt le chandail. C’est important de tout oublier après un match. »
Il croit que les jeunes arbitres doivent se concentrer davantage sur le jeu et non sur les impondérables présents dans les arénas. « Au début, je m’en faisais plus avec les conséquences de mes décisions sur la patinoire. Par exemple, un but refusé ou une mauvaise pénalité donnée. Maintenant, je me suis fait une carapace et j’ai appris à vivre avec mes erreurs », conclut Guillaume Thibault.
Inquiète de la situation, l’AHMBR veut trouver des solutions
L’Association de hockey mineur du Bas-Richelieu (AHMBR) est bien au fait du manque criant d’arbitres dans la région. Plusieurs moyens sont adoptés pour régler ce problème, assure son président Luc Desgagnés.
« La situation nous inquiète, admet M. Desgagnés. Mais ce n’est pas seulement dans la région, c’est un problème à la grandeur du Québec. »
Le président de l’AHMBR ne s’en cache pas, « arbitrer n’est pas un métier facile ». Néanmoins, avec l’aide du conseil d’administration, il essaie de trouver différentes solutions pour pallier le manque d’arbitres.
« Par exemple, la saison dernière, on avait mis en place un dédommagement monétaire pour les arbitres qui se déplaçaient à Contrecœur. Cette année, on s’est arrangé pour payer les formations des arbitres et parfois des équipements. On est également actif sur les réseaux sociaux et sur notre site web pour attirer de nouveaux arbitres », détaille M. Desgagnés.
Le besoin de nouveaux arbitres est tel que l’Association songe à interpeller les hockeyeurs de la région. « À partir de la catégorie M15 jusqu’à Junior, on pourrait aller leur parler dans les chambres de hockey pour leur présenter le métier et tâter le terrain », avance le président.
Se voulant tout de même rassurant, M. Desgagnés croit que la venue récente de Jocelyn Thibault à la tête de Hockey Québec va régler plusieurs problèmes, dont le manque d’arbitres.
« C’est un gars de hockey, assure-t-il. Il a accompli plusieurs bonnes choses dans le passé et je crois que son arrivée est une très bonne nouvelle. Il ne pourra pas tout changer, mais je crois que c’est la bonne personne pour le poste. »
Favoriser le respect dans les arénas
L’AHMBR est au courant que les abus répétés de la part des parents, des joueurs et des entraîneurs envers les officiels est à la base du problème. C’est pourquoi un code d’éthique est maintenant signé par tous ces acteurs au début de la saison.
« Le document dit que tout le monde dans un aréna doit être respecté en tout temps. Si jamais il arrive quelque chose, on a juste à sortir le papier. Mais il va toujours y avoir du chialage, même si les instructeurs sont sensibilisés. Malgré tout, je crois que de ce côté, la situation n’est pas si pire », conclut Luc Desgagnés.