Le nouvel édifice, une fois construit, ne passera pas inaperçu. Avec ses huit étages, et situé tout juste devant le carré Royal, il viendra modifier considérablement le paysage du centre-ville. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle le Comité consultatif d’urbanisme (CCU), un comité de la Ville qui doit obligatoirement être consulté sur ce genre de projets, recommandait au conseil municipal de refuser la demande.
Ce que n’a pas fait le conseil municipal qui a plutôt choisi à l’unanimité de l’autoriser. Et c’est de sa responsabilité de trancher lorsque différents principes en vertu desquels les règlementations ont été élaborées paraissent contradictoires.
Le Plan particulier d’urbanise (PPU), adopté par le même conseil municipal à l’automne dernier, prévoit que le cadre bâti du centre-ville devrait se limiter à quatre étages. On parle ici du double de hauteur pour cet édifice qui comptera 52 logements et des locaux commerciaux au rez-de-chaussée.
En même temps, et c’est ce que le maire Patrick Péloquin expliquait lors de la séance du conseil municipal, la Ville cherche à densifier, c’est-à-dire à augmenter le nombre de personnes au centre de la ville, particulièrement dans le Vieux-Sorel. Une façon d’éviter l’étalement, de protéger les espaces boisés et de favoriser le transport actif et collectif.
Le conseiller Martin Lajeunesse avait raison d’ajouter, lors de la séance, que la décision du conseil municipal ne signifiait pas un désaveu du Service de l’urbanisme ou du CCU. Tout le monde a effectué son travail, dans son champ de responsabilité. Le PPU est un document important, un document phare. C’est de la responsabilité du Service de l’urbanisme, et de sa directrice, d’en rappeler les principes aux membres du conseil municipal.
Le conseil municipal a une obligation de cohérence. Devait-il être cohérent avec la PPU qui privilégie une architecture de continuité au centre-ville, en matière de hauteur d’édifice, ou cohérent avec sa volonté de travailler à une densification douce dans le Vieux-Sorel en acceptant la construction d’un édifice qui y ajoutera 52 logements?
Le conseil a tranché. Il a choisi les 52 logements et les huit étages.
C’est la toute première fois que cette contradiction apparente entre les principes d’aménagement du territoire favorisant la densification et ceux de la cohérence architecturale du centre-ville apparait aussi clairement.
Cette décision constitue un précédent.
Partout au Québec, favoriser la densification est un choix discuté, parfois contesté, et pas seulement pour des raisons architecturales, mais bien parce qu’elle change le milieu dans lequel on vit en augmentant la population au km2. C’est une obligation pour des raisons de coûts d’infrastructures, d’adaptation aux changements climatiques et de santé de la population. D’autres décisions seront prises au cours des prochaines années. Inévitablement, on se référera à cette décision, à l’impact de cette construction de huit étages dans le centre-ville. Le défi de son acceptabilité sociale se posera, car elle permettra ou non de poursuivre dans ce sens.