Il faut d’abord savoir que la rémunération des élus municipaux comprend le salaire, les allocations de dépenses et le régime de retraite. De plus, il est devenu la norme dans les municipalités québécoises de rembourser certains frais des dépenses engagées dans le cadre des fonctions d’un élu (ce qui est appelé communément les frais de représentation), ce qui est déjà paradoxal puisque la rémunération des élus comporte déjà une allocation de dépenses servant à les dédommager pour ce type de dépenses.
Pourquoi la situation est-elle ainsi? La majorité des élus considèrent l’allocation de dépenses comme étant un salaire qui leur est dû, faisant partie de leur rémunération globale. Alors, quel est le problème? Les allocations de dépenses ont toujours été non imposables. Il s’agit dès lors d’une iniquité puisque le citoyen ordinaire doit payer sa part d’impôt sur l’entièreté de son salaire. D’ailleurs, le gouvernement fédéral l’a compris : l’allocation de dépenses des élus est un salaire et il doit être imposé. Ottawa stipule d’ailleurs que « L’exemption actuelle pour les allocations non soumises à une justification versées aux membres élus d’assemblées législatives, à certains conseillers municipaux ou à certains autres particuliers procure un avantage injuste par rapport à d’autres Canadiens. Pour cette raison, le budget de 2017 a annoncé que ces allocations non soumises à une justification devront être incluses au revenu ».
Pourtant, la grande majorité des élus québécois ne semblent pas voir la chose du même œil : pas question pour eux de perdre de l’argent! Ainsi, les conseils municipaux du Québec ont décidé d’augmenter leur rémunération pour compenser cette soi-disant perte. Donc, puisque l’élu se considère comme un travailleur (alors qu’il devrait principalement se considérer comme une personne privilégiée ayant le désir et le goût de s’engager, d’être au service de sa communauté), ne devrait-il pas se plier aux mêmes règles que le reste de la population et payer sa juste part d’impôt?
Étant donné la complexité et la somme des charges d’un élu municipal, il est normal, voire justifiable, qu’un élu bénéficie, en plus de son salaire, d’un certain montant pour pallier aux dépenses reliées à sa fonction. Mais est-ce normal que les contribuables d’une municipalité remboursent deux fois un élu pour la même dépense? Est-ce normal que les contribuables de Contrecœur aient à débourser de leur propre poche pour payer nos propres impôts? Je pense que non, et c’est pour cette raison que j’ai voté contre l’ajustement de notre rémunération. Advenant que le gouvernement décide d’augmenter de 2% le taux d’imposition, est-ce les élus vont voter en faveur d’une augmentation de leur salaire de 2%, prétextant que leur pouvoir d’achat doit être préservé? Posons-nous la question!
Pour remédier à la situation, j’ai proposé à mes collègues, conformément à l’une des propositions de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), d’intégrer à notre salaire le montant actuel de notre allocation de dépenses, et d’abolir ladite allocation. J’ai ensuite proposé d’autoriser le remboursement des dépenses engagées dans le cadre de nos fonctions, tout en établissant, par règlement, une politique de remboursement des dépenses, selon des barèmes clairement établis et uniquement sur présentation de pièces justificatives. Par exemple, le montant maximal de remboursement aurait pu être établi selon le montant supplémentaire d’impôts que nous devrons désormais payer. Malheureusement, ces propositions n’ont pas été retenues par mes collègues. Ils ont plutôt choisi de faire comme les autres et de préserver leurs avantages… Pourtant, l’occasion était belle pour paver la voie à une solution durable (puisque le gouvernement provincial pourrait également décider d’imposer l’allocation de dépenses des élus municipaux), et ainsi démontrer aux autres élus municipaux du Québec le leadership des élus de Contrecœur en mettant fin aux allocations de dépenses et en mettant en place une politique équitable de remboursement des dépenses.
Jonathan Paris
Conseiller du district #1 à Contrecœur