22 novembre 2023 - 09:25
La mort a aussi évolué depuis 40 ans
Par: Stéphane Fortier

Jean Charbonneau, directeur général de la Compagnie de cimetières du Bas-Richelieu, nous montre la dimension des espaces vendus désormais dans les cimetières. Photo Stéphane Fortier | Les 2 Rives ©

Guy Mandeville, propriétaire de Les Salons funéraires Gilbert Mandeville & Fils, a vu les mœurs funéraires beaucoup évoluer depuis son entrée dans le domaine. Photo Stéphane Fortier | Les 2 Rives ©

On parle beaucoup de l’évolution de l’informatique depuis quelques années et de l’arrivée de l’Internet, mais il n’y a pas que les sciences et les technologies qui ont changé dans nos vies. Les rites funéraires, également, ont pris un grand virage depuis 40 ans.

Depuis 15 ans, Jean Charbonneau, qui a longtemps été greffier à la Ville de Sorel, rappelle que l’Église a dû évoluer avec son temps, même en ce qui a trait aux rites funéraires. Il n’y a pas si longtemps, l’usager voulait que l’on enterre les défunts dans un cercueil après avoir creusé une fosse de 6 mètres (20 pieds) par 6,7 mètres (22 pieds) ou 4,5 mètres par 4,5 mètres (15 pieds). Aujourd’hui, moins de 10 % des corps sont enterrés dans un cimetière dans une année (6,98 %). Les autres (93,02 %) sont des cendres et cela, quand elles ne sont pas déposées dans un columbarium.
« Avant 1963, les catholiques n’avaient pas le droit de se faire incinérer », rappelle Jean Charbonneau, directeur général de la Compagnie de cimetières du Bas-Richelieu (CBR) qui regroupe six cimetières dont le plus important, celui des Saints-Anges de Sorel-Tracy.
Après avoir pendant des siècles considéré l’incinération (ou crémation) comme un défi à la doctrine chrétienne, l’Église catholique l’a autorisée à partir de 1963 à condition que la décision d’être incinéré ne manifeste pas une mise en cause de la foi en la résurrection des corps. Mais cette ouverture n’a pas pour autant changé les habitudes des gens aussitôt. « Et jusqu’en 1985, si les catholiques voulaient un service religieux à l’église, le corps devait être présent, pas des cendres », relate-t-il.
Au fil des ans il a bien fallu que l’Église s’adapte aux nouvelles réalités. La crémation a fini par avoir le dessus. « Il y a 15 ans encore, c’était moitié, moitié. Il y avait autant d’inhumations de cercueils que de cendres. Et au cours de l’année 2022, sur 387 inhumations dans les six cimetières, seulement 27 ont été des cercueils », révèle Jean Charbonneau.
Mais qui fait encore enterrer des cercueils? « Les personnes âgées, surtout », de répondre spontanément M. Charbonneau.
Ce dernier dévoile également que les terrains sont maintenant subdivisés autrement qu’à une certaine époque. « Avant, les terrains étaient subdivisés en tenant compte des cercueils et du fait que les familles étaient nombreuses. Aujourd’hui, on parle de terrains de 1 mètre (3 pieds) par 1,5 mètre (5 pieds) et on peut y déposer jusqu’à huit urnes », souligne M. Charbonneau.
Et les cérémonies au cimetière? « Des enterrements classiques où le curé se déplace, c’est exceptionnel aujourd’hui. Je peux procéder moi-même à des cérémonies de mise en terre. Il faut dire aussi que certaines familles amènent les cendres à la maison », fait remarquer M. Charbonneau qui ajoute que dans les cimetières de la CBR, les familles peuvent disposer d’un columbarium.

Objectif l’urne

Dans le domaine funéraire, les choses ont aussi évolué à vitesse grand V. Guy Mandeville, propriétaire de l’entreprise familiale Les Salons funéraires Gilbert Mandeville & Fils à Sorel-Tracy, se souvient de ses débuts en 1980. « Lorsque j’ai débuté, les crémations se faisaient au compte-gouttes. Il s’en faisait surtout à Montréal à l’époque, se remémore M. Mandeville. Mais on voyait que cela devenait de plus en plus populaire et, graduellement, il y a eu de plus en plus de d’incinérations. En 2011, les funérailles traditionnelles avec cercueil n’occupaient que 25 % d’espace et 75 % des corps étaient incinérés. Aujourd’hui, en 2022-2023, 90 % des défunts exposés sont des cendres et 10 % sont dans des cercueils », nous dit M. Mandeville.
Ces chiffres viennent corroborer ceux du cimetière. « Ceux qui veulent encore une exposition des corps jugent qu’il est important de voir le défunt une dernière fois dans de bonnes conditions. Dans la grande majorité des cas, les gens savent d’avance ce qu’ils vont faire avec le corps et vont directement procéder à l’incinération à la suite du décès, de dire celui qui affirme procéder à des préarrangements comme jamais auparavant. Cela enlève beaucoup de stress et allège le poids des responsabilités aux familles », croit le propriétaire de l’entreprise qui a été fondée en 1927, à une époque où plusieurs exposaient les défunts dans leurs propres maisons.
Des funérailles dans une église sont devenues aussi rarissimes. « Des services religieux à l’église, il n’y en a pratiquement plus », précise M. Charbonneau. Ce que vient confirmer Guy Mandeville. « Il y en a encore, la grande majorité avec des cendres. Nous pouvons toujours nous charger du transport de l’urne vers le cimetière. Des cérémonies peuvent se dérouler au salon, avec un agent de pastorale et pas nécessairement avec un prêtre. L’agent de pastorale doit toutefois être autorisé par le diocèse. On parle surtout de temps de recueillement au salon », de conclure M. Mandeville.

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