6 août 2024 - 08:26
Dossier spécial sur l’itinérance
La Porte du Passant, une réputation qui excède les limites de Sorel-Tracy
Par: Alexandre Brouillard

Simon, Karine et Cédrick accueillaient les usagers avec enthousiasme le 24 juillet, en soirée. Photo Alexandre Brouillard | Les 2 Rives ©

Il est 20 h, des gens entrent à la queue leu leu à La Porte du Passant, soit pour apaiser leur faim avec une soupe chaude ou pour s’offrir un toit sur leur tête durant la nuit, alors qu’un violent orage éclaire le ciel de Sorel-Tracy en ce mercredi soir du mois de juillet.

« Pourquoi tout le monde fait la file? » demande notre journaliste à un homme lui ayant ouvert la porte.

« Ici, c’est fermé entre 16 h et 20 h. Donc, les gens ont hâte d’entrer pour manger ou se coucher », répond tout simplement Pierre, un itinérant qui fréquente La Porte du Passant depuis trois mois à la suite de sa sortie de prison.

Quelques minutes seulement après l’ouverture, une vingtaine de personnes circulent déjà dans l’établissement. Le tumulte est palpable, comme dans une fourmilière. « Ce n’est pas l’orage qui pousse les gens à venir ici ce soir. C’est pas mal toujours comme ça », affirme Cédrick, intervenant à La Porte du Passant.

Il est maintenant 20 h 20, l’agitation de l’ouverture est chose du passé. La majorité des gens ont dégusté leur soupe et s’installent pour la nuit. Certains usagers sortent même d’une salle avec de petits matelas qu’ils déposent à différents endroits dans la grande salle de l’établissement. « On accueille souvent plus de gens que le nombre de lits qu’on met à disposition, admet Cédrick. Mais que voulez-vous? On ne peut pas refuser des gens. »

Pierre revient vers notre journaliste avec un regard intrigué. Comprenant qu’il avait à faire à un journaliste, il déballe son sac. « Ce n’est pas pire comme endroit! C’est un beau spot pour chiller. Le problème, c’est qu’on doit débourser pour manger ou faire du bénévolat. Sinon c’est bien », lance-t-il d’un trait.

À vrai dire, un repas coûte environ 4 $ à l’achat d’une carte de membre annuelle de 5 $. « Ce n’est pas si cher, soutient Cédrick. Sinon, on offre des soupes, du café et des collations en tout temps. On ne laissera jamais quelqu’un dans la faim. »

Un service en demande

Il est 20 h 30, Simon, l’intervenant qui passe les nuits à l’organisme, se joint à la discussion, après avoir entendu notre journaliste questionner Cédrick concernant la capacité d’accueil de l’endroit. « La demande est tellement en hausse pour nos services qu’on pourrait avoir un plus grand local et augmenter nos heures de services. L’objectif est d’avoir assez de subventions pour offrir nos services 24 heures par jour, et ce, sept jours sur sept », explique Simon.

« Nous sommes en constante adaptation, comme l’est le visage de l’itinérance. Toutes nos décisions sont prises en fonction de la dignité humaine et des besoins primaires des gens qui viennent ici », renchérit Cédrick.

D’ailleurs, les visages à La Porte du Passant, ils sont originaires d’un peu partout. Selon les intervenants, certaines personnes arrivées à Sorel-Tracy pour être incarcérées à la prison demeurent dans la région à leur sortie et viennent fréquenter l’organisme. « Sinon, il y a des gens de la Rive-Sud de Montréal qui entendent parler d’ici et décident de venir parce qu’ils savent qu’on ne refuse personne », révèle Simon.

De Saint-Hyacinthe Ă  Sorel-Tracy

Sylvain est du lot des gens qui sont à Sorel-Tracy pour fréquenter expressément La Porte du Passant. Désirant raconter son histoire et verbaliser sa gratitude envers l’organisme, il a demandé quelques minutes d’entretien avec notre journaliste.

« Je suis ici depuis trois mois, mais tous mes services professionnels, surtout de santé, je les reçois à Saint-Hyacinthe. Mais là-bas, l’organisme qui peut accueillir les itinérants a fixé une limite à six par nuit. Après avoir entendu parler de La Porte, j’ai décidé de venir à Sorel-Tracy. C’est vraiment un bel endroit! Ils ne refusent jamais personne et les gens sont très bien. Ils m’ont aidé à me reprendre en main », raconte d’emblée Sylvain, avec beaucoup de détails.

Ce dernier s’est dit d’autant plus reconnaissant envers la vingtaine d’employés de l’organisme, alors qu’il réussit à peine de se sortir d’années plus difficiles marquées par de la solitude à cause de la pandémie. « Le confinement, ce n’était pas facile pour les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale comme moi. Surtout que depuis 2012, j’ai vécu plusieurs difficultés, comme la mort de certains membres de ma famille », révèle Sylvain.

Âgé de 58 ans, c’était la deuxième fois de sa vie qu’il se retrouvait à la rue. Cette fois-ci, il a décidé de prendre toute l’aide qui s’est offerte à lui pour tourner la page d’un chapitre qu’il souhaite oublier. « Parfois, l’orgueil d’un homme l’emporte sur le besoin d’avoir de l’aide, admet Sylvain. Mais là, ça suffisait. Je souhaite retrouver un logement bientôt et tous mes items personnels. »

Lorsque cette journée arrivera, Sylvain assure qu’il prendra le temps de remercier chaque employé de La Porte du Passant. « C’est vraiment en endroit extraordinaire! C’est pour ça que je suis venu de Saint-Hyacinthe. Sa réputation est incroyable. Maintenant, je souhaite que 2025 m’apporte la santé, le bonheur et la réussite de mes projets », conclut Sylvain, octroyant une poignée de main bien franche à notre journaliste accompagné d’un sourire rempli d’espoir.

Il est 21 h 15, le tumulte du départ a cédé la place à une ambiance sereine.

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