Pendant des années, les frères Marcel et André Ménard ont partagé des terres. Au début des années 2000, les lots sont séparés et chacun devient propriétaire de sa partie respective.
Une clause de premier refus est conclue, stipulant que si un des deux frères souhaitait vendre ses lots, il devait les offrir à l’autre avant de vendre à une tierce partie. En 2013, Marcel Ménard décède et ses lots reviennent à sa conjointe, Renée Plante.
En mars 2015, la Ville de Contrecœur fait parvenir à Mme Plante un avis d’expropriation. Celui-ci servirait pour acquérir les lots et mettre en place un Pôle logistique, faisant suite au projet d’agrandissement du Port de Montréal à Contrecœur.
En juin de la même année, André Ménard et la Ferme Ménanmar apprennent l’existence de l’avis. Ils avertissent donc Mme Plante de la clause de premier refus afin de racheter les terres pour qu’elles ne soient pas cédées à la Ville.
C’est à ce moment que des recours judiciaires sont enclenchés contre la Ville de Contrecœur, Mme Plante et le locataire des dites terres, la Ferme Marcel Ménard inc.
En 2017, la Ferme Ménanmar a acheté les lots de Mme Plante. Cependant, l’avis d’expropriation demeurait.
En février 2019, un procès devait se tenir concernant l’expropriation. Quelques mois avant, Contrecoeur s’est rétractée et le procès a avorté.
David Ménard, le fils d’André Ménard, et la Ferme Ménanmar ont donc décidé de porter la cause devant le Tribunal administratif pour récupérer les frais d’avocats encourus tout au long des procédures judiciaires.
La famille demandait un total de 340 884,11 $, plus les intérêts et une indemnité additionnelle.
Aucune apparence de collusion
La Ferme Ménanmar croyait que la Ville connaissait la clause de premier refus, qu’elle était de mauvaise foi et qu’il y avait apparence de collusion entre elle et Mme Plante.
À la fin de 2019, plusieurs témoignages ont été entendus devant le Tribunal, dont ceux de la mairesse de Contrecœur, Maud Allaire, du directeur général de la Ville, François Handfield, de l’ancien directeur général de la Ville, Yves Beaulieu et de l’ancienne préfète de la MRC Marguerite-D’Youville et ancienne mairesse de Contrecœur, Suzanne Dansereau.
Le Tribunal n’a décelé aucune mauvaise foi ni collusion à la suite de l’analyse des preuves et des témoignages. Il a souligné que ces derniers permettaient de constater la compétence et la rigueur de ces officiers publics pendant l’évolution du projet. Comme Mme Plante était la propriétaire légale des lots à l’époque, la Ville était en droit de lui faire parvenir l’avis d’expropriation.
La Ville a reconnu qu’en cas de désistement de l’expropriation, certains honoraires professionnels d’avocats pouvaient être remboursés. Cependant, elle estime qu’avant 2017, soit lors de l’achat des lots par la Ferme Ménanmar, les frais encourus ne concernent que le litige familial. Le Tribunal est en accord.
Il constate également que les terrains visés sont enclavés entre deux terrains à vocation industrialo-portuaire. On peut lire dans la décision du Tribunal qu’il saute aux yeux que les lots sont le prolongement logique et évident de l’agrandissement du Port de Montréal et qu’on peut aisément comprendre qu’on ait prévu qu’ils constitueraient la Phase 1 du Pôle logistique.
Considérant ces différents points, le Tribunal a ordonné à la Ville de Contrecœur de payer à la Ferme Ménanmar seulement une partie des honoraires professionnels d’avocats, certains frais d’expertises et des frais pour troubles, ennuis et inconvénients pour l’imposition d’un avis d’expropriation et son désistement.
Ni la Ville, ni la Famille Ménard n’ont souhaité commenter la décision pour l’instant.