23 août 2022 - 10:06
Après 63 ans à couper les cheveux sur la rue du Roi
Le barbier Yves Roberge prendra sa retraite
Par: Alexandre Brouillard

Le barbier sorelois, Yves Roberge, prend sa retraite après 63 de carrière. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Une page d’histoire se tournera à Sorel-Tracy alors que le barbier Yves Roberge partira à la retraite à la fin du mois de septembre. Ce sont plus de 100 années d’histoire, marquées par trois générations de barbiers, qui se termineront lorsqu’il saluera son dernier client et fermera pour la dernière fois la porte du salon derrière lui après 63 années dédiées à son métier.

C’est son grand-père, Régis Roberge, qui a ouvert le commerce au début du XXe siècle au 143, rue du Roi, à Sorel-Tracy. Son fils, Yvon, était aussi dans le décor, lui qui avait choisi le même métier que son père.

À leur époque, ils ne manquaient pas de boulot avec les nombreux travailleurs des entreprises environnantes, dont la Marine Industries qui engageait jusqu’à 10 000 employés lors de la Seconde Guerre mondiale. Selon Yves Roberge, bon nombre d’entre eux fréquentaient régulièrement le salon.

Avec toute cette histoire familiale, le métier de barbier se présentait comme une évidence pour lui. « Je suis né avec un clipper dans les mains, confie Yves Roberge avec humour. Après ma neuvième année, mon père m’a demandé ce que je voulais faire de ma vie. J’ai répondu que je voulais aller à l’école de barbier à Montréal. »

Il a donc fréquenté l’École Moreau située au coin des rues Saint-Laurent et de la Gauchetière, à Montréal, durant cinq mois. « J’avais beaucoup aimé mon expérience. Ensuite, de retour à Sorel, je savais comment bien exercer mon métier. Je trouvais important d’aller chercher mon cours », se remémore M. Roberge.

Des clients, Yves Roberge en a vu passer en 63 ans de métier. Lorsqu’il a commencé en 1959, Elvis Presley sortait sa chanson I need your love tonight et Jacques Plante devenait le premier gardien de but de l’histoire à porter un masque durant un match de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Toutefois, à son grand désarroi, il n’a travaillé que quatre années avec son père, qui est décédé en 1963 à l’âge de 53 ans. « J’étais la troisième génération de barbiers de ma famille dans cette bâtisse. […] Je ne pensais pas faire ça toute ma vie, mais je devais soutenir ma famille avec la mort de mon père. L’entreprise allait bien, j’avais de bons employés. J’ai donc continué », soutient Yves Roberge.

Travailler par amour du métier

Maintenant âgé de 81 ans, Yves Roberge apprécie toujours son métier. Il désire néanmoins tourner la page et dédier du temps de qualité à sa famille, dont à ses six arrières-petits-enfants.

« J’ai toujours aimé la rencontre avec mes clients, assure-t-il. Dans les années 1960 et 1970, ils se confiaient beaucoup à moi. Maintenant, ç’a changé. C’est le temps de prendre ma retraite. Je vais continuer de me tenir en forme en prenant des marches et en faisant du vélo. »

Le plus difficile pour lui sera de dire adieu à certains clients, dont plusieurs qui lui font confiance depuis le tout début. « Des clients viennent me voir depuis 63 ans, lance-t-il avec joie. Ce sont devenus mes chums. »

Malgré la tristesse de fermer cette institution soreloise, Yves Roberge est en paix avec sa décision. D’ailleurs, le bâtiment est déjà vendu. « Je n’ai pas de relève, mais qui sait peut-être que le nouveau propriétaire à des projets semblables avec le bâtiment », conclut le barbier d’expérience.

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