Rappelons qu’à trois reprises dans les dernières années, le gouvernement fédéral a concédé certaines parts de marché sous gestion de l’offre à ses partenaires commerciaux dans des traités de libre-échange, que ce soit avec le plus récent Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), celui avec l’Union européenne (AECG) ou le Partenariat transpacifique (PTP).
Même si les partis politiques canadiens ont depuis exprimé leur intention de ne plus ouvrir de nouvelles brèches dans la gestion de l’offre à l’avenir, le député de Saint-Hyacinthe–Bagot et porte-parole du Bloc québécois en matière de commerce international, Simon-Pierre Savard-Tremblay, affirme qu’on doit aller plus loin que les simples « promesses » et inscrire cette obligation dans la loi.
Avec son collègue Yves Perron, député de Berthier-Maskinongé et porte-parole du parti en matière d’agriculture, il défend ainsi le projet de loi C-216, déposé en février 2020 par le député de Bécancour–Nicolet–Saurel Louis Plamondon, avec l’appui de producteurs de la région.
Après les concessions passées, c’est maintenant « l’intégrité et l’intégralité » du système de gestion de l’offre qu’il faut absolument préserver, soutient M. Savard-Tremblay. Pour lui, ce modèle agricole a fait ses preuves et fonctionne pour les producteurs comme pour les consommateurs canadiens. Au Canada, il est appliqué dans le secteur des produits laitiers, de la volaille et des œufs.
Secteur stratégique… ou même vital?
Après tout, l’agriculture est une « industrie fondamentale » et « on ne peut la traiter comme un marché comme les autres », affirme aussi le député de Saint-Hyacinthe–Bagot, défendant le principe de souveraineté alimentaire. Or, en négociant les derniers traités de libre-échange, « le gouvernement a carrément mis notre modèle agricole sur la table en échange de compensations, et tarde en plus à les donner », a-t-il déploré.
De toute manière, « les chèques, même s’ils sont nécessaires en ce moment, sont temporaires et ne vont jamais pouvoir remplacer » la gestion de l’offre. Sinon, « on s’en va vers un autre système, celui de l’agriculture subventionnée, comme aux États-Unis », avertit Simon-Pierre Savard-Tremblay.
La question risque de se poser à nouveau dans le cadre de négociations actuellement en cours avec les pays d’Amérique du Sud (Mercosur) puisque le Brésil, un important producteur de bœuf, pourrait sans doute reluquer le marché canadien, met également en garde le député. Peu d’informations sont disponibles sur ces pourparlers puisque ce processus se fait toujours dans la plus grande opacité, dit-il.
Le projet de loi doit revenir à la Chambre des communes le 10 mars pour une adoption de principe, préalable à l’étude en comité, a indiqué M. Savard-Tremblay. Déjà, les conservateurs ont exprimé des doutes sur la constitutionnalité du projet de loi, mais il les invite tout de même à l’appuyer à ce stade-ci, quitte à l’amender par la suite.
Quant aux libéraux fédéraux, le premier ministre Justin Trudeau s’est déjà engagé publiquement à ne plus toucher à la gestion de l’offre après la dernière série de négociations internationales.
L’UPA appuie le Bloc
Dans une lettre adressée aux chefs des quatre formations politiques représentées à la Chambre des communes, l’Union des producteurs agricoles (UPA) a demandé à tous les parlementaires d’appuyer deux projets de loi déterminants, C-208 et C-216, pour assurer un avenir à la relève agricole canadienne et favoriser un accès continu à des aliments de qualité à la hauteur des attentes légitimes des consommateurs du pays.
Selon l’UPA, le projet de loi C-216 forcerait le ministre des Affaires étrangères à ne pas prendre d’engagement, par traité ou entente en matière de commerce international, qui aurait pour effet soit d’augmenter le contingent tarifaire applicable aux produits laitiers, à la volaille ou aux œufs, soit de diminuer le tarif applicable à ces marchandises lorsqu’elles sont importées.
« La crise sanitaire a mis en évidence l’intérêt renouvelé des Canadiennes et des Canadiens pour les aliments locaux. Elle nous a aussi permis de réaliser que la chaîne agroalimentaire canadienne est fragile et que notre sécurité alimentaire repose d’abord sur notre autonomie alimentaire. Nous vous interpellons au sujet de ces deux projets de loi importants pour la classe agricole canadienne et l’avenir de notre sécurité alimentaire. La gestion de l’offre est un pilier fondamental du cadre stratégique agricole canadien. Et la relève agricole est notre avenir alimentaire », écrit le président général de l’UPA, Marcel Groleau, dans un communiqué.
Avec la collaboration de Jean-Philippe Morin