25 janvier 2016 - 00:00
Le prix des terres agricoles a doublé au cours des dernières années
Par: Louise Grégoire-Racicot
Le prix des terres a augmenté drastiquement au cours des dernières années. | Photo: TC Média - Archives

Le prix des terres a augmenté drastiquement au cours des dernières années. | Photo: TC Média - Archives

Le prix des terres agricoles continue de grimper à vitesse grande V partout au Québec. La MRC de Pierre-De Saurel n’y échappe pas.

:« Ça ne m’étonne pas, car la demande est plus grande que l’offre. Donc les prix demandés et payés montent », reconnaît l’évaluateur Marc Lagueux de la firme Cevimec-BTF inc. qui a refait cette année les rôles de Sainte-Anne-de-Sorel, Saint-Aimé et Yamaska.

À Sainte-Anne-de-Sorel, le prix payé à l’hectare peut atteindre 7000$ alors qu’à Saint-Aimé, c’est plutôt 13 000$-13 500$, selon la qualité des sols, leur unité thermique, note-t-il.

« Les terres drainées sont plus dispendieuses que les autres. Certaines ont été vendues de 17 000$-20 000$/hectare vers Candiac. Une terre est considérée comme un bon placement », soutient-il. Sa localisation, son état général et son accessibilité comptent. Il précise que les ventes conclues le sont le plus souvent entre voisins.

De son côté, la Financière agricole du Québec (FAQ) rapporte qu’en Montérégie-Est, le prix moyen des terres en culture en 2014 atteignait 12 113$/hectare alors que celui des terres en culture s’élevait à 15 657$/h. Des données qui ont impliqué plus de ventes de terres consacrées aux cultures maraichères et aux grandes cultures.

Les deux côtés de la médaille

Une situation qui ne surprend pas Sylvain Joyal, président du syndicat de l’UPA Richelieu-Yamaska. « Au cours des trois dernières années, le prix à l’hectare a facilement doublé dans la région. C’est une bonne nouvelle pour ceux qui n’ont pas de relève. »

Car, explique-t-il, on voit plus de spéculateurs arriver sur le marché, eux qui louent des terres, par exemple. « Mais on n’a pas vu changer la qualité de l’exploitation des terres », souligne-t-il.

Le prix des céréales est très bon en ce moment, poursuit M. Joyal. Ce qui incite des producteurs actuels à vouloir augmenter leur production.

« Quand ton voisin vient te voir et te propose d’acheter ta terre au prix du marché plus 50%, comment refuser cette offre? Surtout quand tu vieillis et que tu n’as pas de relève. »

D’autant, ajoute-t-il, que les taux d’intérêt sont bas et les revenus meilleurs. « Ceux qui veulent faire un profit à court terme vont acheter, mais c’est néfaste pour la relève. »

Disparition de plus de la moitié de ses fermes laitières en 20 ans

La MRC de Pierre-de Saurel ne compte plus que 64 fermes laitières sur son territoire plutôt que les 136 recensées en 1996.

Une donnée révélée en décembre 2015 par l’Institut de la statistique du Québec place la MRC soreloise 24e des 71 MRC du Québec pour l’importance de cette disparition (-52,94%).

Mais le phénomène n’est pas local. Le nombre de fermes laitières a diminué régulièrement depuis 25 ans, passant de 14 000 en 1990 à moins de 6000 aujourd’hui.

Vice-président des producteurs de lait de la Montérégie-Est, François Cournoyer, également producteur laitier à Sainte-Victoire-de-Sorel, confirme cette réalité.

« Comme dans toute industrie, il y a des producteurs qui quittent. L’âge moyen des producteurs de la région est de 53 ans. Ils font face à un désintéressement de la relève, souvent parce qu’ils n’ont pas investi depuis un moment dans la ferme et ont négligé de moderniser les équipements. Ils se décident alors à vendre. »

Cette diminution ne signifie pas nécessairement qu’il y a baisse de la production laitière, indique-t-il. « Ils vendent leurs quotas, ce droit de produire, à d’autres qui ont de l’espace pour plus de bêtes, avant de se retirer », explique-t-il.

Les quotas, obligatoires pour vendre du lait, valent actuellement 25 000$ par vache. Mais des gains de productivité, enregistrés grâce à la modernisation des techniques et l’amélioration de la génétique des bêtes, atténuent ces coûts, rappelle M. Cournoyer.

La production de lait exige une gestion serrée, poursuit-il. Ces derniers temps, le bas prix du lait et les négociations du Partenariat transpacifique (PTP) ont incité des agriculteurs québécois à vendre leurs troupeaux.

« Car, pour plusieurs, cela ne donne pas de perspectives intéressantes. La sécurité dans notre secteur n’est plus ce qu’elle a déjà été. Les producteurs de lait cherchent le profit, comme tout entrepreneur. »

Mais tout doit être renégocié, ajoute-t-il, dont la réduction d’importation d’un nouveau type de protéines laitières des États-Unis qui a contribué à la chute des prix du lait

Une situation qui entrave la relève

Le prix des terres et la valeur des quotas incitent souvent les aînés à vendre leurs actifs. « Même que certains disent à leurs enfants de ne pas s’engager en agriculture », déplore Sylvain Joyal, président du syndicat de l’UPA Richelieu-Yamaska.

Ce qui affecte l’entrée en scène d’une relève agricole et crée un malaise important chez les producteurs, note-t-il.

« Celui qui veut vendre à ses enfants voit bien qu’avec cette poussée des prix, il devra la donner en héritage, se privant de la retraite qu’il avait envisagée. Alors que ses enfants veulent acheter, mais ils n’ont pas d’argent. Ils ne pourront acheter si papa n’est pas là. »

Les statistiques révèlent cependant qu’en Montérégie, une fois sur trois, la relève démarre plutôt son entreprise.

En quête de solutions

Pour le président de la Relève agricole Richelieu-Yamaska, Pierre Benoît, il y a des solutions possibles quand, dans un milieu, il y a une relève et des parents intéressés.

On voit aussi, dit-il, du transfert de ferme, peu importe la taille des installations et cheptels. à des gens non apparentés. « Le transfert de parts se fait petit à petit à des employés, par exemple, pendant que les cédants demeurent au travail. »

Cette année, son regroupement compte 65 membres de 16 à 40 ans. Il n’est pas inquiet: l’agriculture restera, étant le garde-manger de la planète.

« Il n’est pas évident de s’établir quand on doit payer les terres deux ou trois fois plus cher. Il faut trouver de solutions face à la spéculation et aux ventes à l’encan. Même les banques agissent un peu comme des spéculatrices quand elles prêtent de l’argent pour 60 ans et en sont presque propriétaires », note M. Benoit.

Ce pourquoi il faut avoir la fibre entrepreneuriale, conclut-il. « Les prix forcent à être performant, car le contrôle peut être vite perdu. »

Quant au commissaire à la Chambre de développement agricole, Alain Beaudin, il trouve que ces hausses de prix exponentielles refroidissent les ardeurs des plus jeunes.

« Les producteurs en sont grandement responsables puisqu’ils acceptent de vendre leurs terres ou de payer des prix astronomiques pour en acheter. Ce qui ralentit la relève. »

Le milieu doit reconnaître l’agriculture comme un secteur stratégique de son développement, dit-il, et soutenir les jeunes qui veulent en faire leur gagne-pain. Il pense des outils de financement qui les aideront.

« L’avancement viendra aussi de la façon dont les jeunes travaillent. Il faudra aussi leur donner des exemples concrets à suivre sur les façons d’aborder le travail sans s’endetter nécessairement pour acheter des équipements dispendieux. »

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