24 janvier 2023 - 08:13
Le Service animalier devra rendre des comptes
Par: Alexandre Brouillard

Le SAPDSR a déménagé dans son nouveau local du 92, rue Élizabeth, le mercredi 18 janvier. Photo Rachel Gauthier | Les 2 Rives ©

Le journal Les 2 Rives a appris que le Service animalier Pierre-De Saurel et Régions (SAPDSR) a signé un bail de deux ans à 3910 $ par mois pour occuper le bâtiment du 92, rue Élizabeth (ancien restaurant L’Aquarelle). Une enquête révèle que l’organisme contrevient ainsi à plusieurs aspects de son entente avec la Ville de Sorel-Tracy, qui lui verse plus de 170 000 $ par année. Si bien que ladite entente pourrait tomber caduque le 14 février prochain.

Une source anonyme bien au fait de la situation a informé notre journaliste que l’organisme débourse 3910 $ par mois pour la location de l’ancien restaurant.

La présidente du conseil d’administration (CA) du SAPDSR, Laurence Levert-Charbonneau, soutient plutôt que le loyer s’élève à 3400 $ par mois, plus les taxes et les frais de service (électricité, chauffage, etc.). Un montant qui s’approche de l’offre de 4000 $ par mois (pour les deux premières années et 5500 $ pour les huit années suivantes) que l’homme d’affaires Jean Cournoyer avait proposé à l’organisme, l’automne dernier, pour la location d’un bâtiment spécialement aménagé pour le refuge animal sur la route Marie-Victorin.

Rappelons que le CA n’avait pas voulu signer le bail avec M. Cournoyer, prétextant que le prix était trop élevé.

Ultimement, le projet du Service animalier est désormais de déménager dans un nouveau local que Michael Ménard, le propriétaire du 92, rue Élizabeth, construira prochainement au 547, boulevard Fiset, entre le Bar 525 et l’entreprise Déneigement Martin Villiard.

« C’est un local temporaire [L’Aquarelle]. […] On a signé pour deux ans, mais dès que la nouvelle bâtisse est prête, on s’en va là. C’est pour ça que c’est signé avec la personne qui nous construit », explique Mme Levert-Charbonneau.

Cette fois-ci, elle assure que des discussions préalables ont eu lieu avec Michael Ménard concernant le loyer de la future bâtisse qu’il construira. « On ne veut pas se faire prendre encore une fois », avance-t-elle.

Michael Ménard n’a pas voulu répondre aux questions de notre journaliste.

Des zonages incompatibles

Le directeur du Service des communications de la Ville de Sorel-Tracy, Dominic Brassard, informe que les zonages du 92, rue Élizabeth, et du 547, boulevard Fiset, ne permettent pas les activités d’un refuge animal.

L’organisme se retrouve donc dans un nouveau bâtiment de transition et avec un projet de local neuf qui ne lui permettront pas d’accueillir des animaux.

Laurence Levert-Charbonneau admet que le CA savait, lors de la signature du bail, que l’ancien bâtiment de L’Aquarelle ne permet pas les activités d’un refuge animal. « Les animaux n’y sont pas autorisés par la Ville. On est en discussion avec eux. Tout ce que je peux vous dire, tout ce que le CA fait, c’est vraiment pour essayer d’assurer la pérennité du Service animalier », confie-t-elle.

Dominic Brassard informe que la Ville ne veut pas d’un refuge animal qui n’offre que des services administratifs.

« La vocation de l’immeuble, sur le plan de l’urbanisme, ce n’est pas conforme. On ne peut assurément pas en faire un refuge. Eux, ils soutiennent que ce serait pour les bureaux. […] On [les quatre villes partenaires] attend beaucoup de réponses de leur part. […] Il y a beaucoup de questions qui demeurent sans réponse pour nous. On doit savoir ce qui se passe au niveau des services », explique-t-il.

Les quatre villes partenaires sont Sorel-Tracy, Sainte-Anne-de-Sorel, Saint-Joseph-de-Sorel et Saint-Roch-de-Richelieu.

La présidente croit que l’organisme pourrait effectuer seulement des travaux administratifs jusqu’à la construction du nouveau local. « Beaucoup de gens pensent qu’on fait seulement ramasser les animaux errants, mais on fait le recensement, les médailles, l’éducation de la population et plein de choses comme ça. Beaucoup d’activités se font sans avoir nécessairement 50 chats dans la bâtisse », explique-t-elle.

Plusieurs aspects de l’entente non respectés

Selon l’entente intervenue entre les deux partis en octobre 2022, dont le journal Les 2 Rives a obtenu copie à la suite d’une demande d’accès à l’information, le SAPDSR doit « rendre à la Ville des services de contrôle et de refuge animalier sur tout son territoire ».

Parmi les services que le refuge doit assurer, on retrouve notamment l’obligation de « garder les chats et les chiens récupérés en pension » ainsi que « recevoir, enregistrer et accepter tout abandon de chien ou de chat effectué par un citoyen de la Ville ».

De plus, selon nos informations, l’organisme n’a pas informé la Ville avant de signer son nouveau bail au 92, rue Élizabeth. Pourtant, l’entente prévoit que « le Service animalier doit préalablement aviser la Ville de tout changement relatif à sa place d’affaires, notamment une éventuelle relocalisation ».

Laurence Levert-Charbonneau assure pour sa part que le CA avait rencontré la Ville avant de signer le bail. Elle n’avait toutefois pas l’aval de la Ville. Pourtant, Dominic Brassard soutient que la Ville n’a pas eu de contacts récents avec l’organisme. Les derniers échanges dateraient d’avant les Fêtes, lors de la réunion du 12 décembre entre les villes partenaires, la directrice générale Karine Benisti et des membres du CA.

Date butoir fixée au 14 février

Après avoir été mis au parfum des intentions de location du Service animalier, le directeur général de la Ville de Sorel-Tracy, Carlo Fleury, a adressé une lettre faisant office « d’avis écrit », comme convenu par l’entente, le 23 décembre.

Dans cet avis, M. Fleury rappelle que l’accueil et la garde d’animaux ne sont pas autorisés au 92, rue Élizabeth, et que de telles activités contreviendraient aux règlements municipaux et provinciaux.

La Ville demande donc au Service animalier de transmettre, d’ici le 14 février, un montage financier qui présente leur plan pour acquitter les coûts des locaux (rue Élizabeth et boulevard Fiset). Elle demande aussi de voir le bail ou autre entente concernant les locaux.

Finalement, Carlo Fleury rappelle que le contrôle animalier est une compétence municipale qui a été déléguée au SAPDSR et que la Ville peut la déléguer à un tiers en cas de manquement et même résilier l’entente.

De son côté, Laurence Levert-Charbonneau assure que le refuge travaille sur des solutions pour pouvoir accueillir des animaux. Le déménagement au 92, rue Élizabeth, a commencé la semaine dernière. Lors de l’entretien, la présidente n’a pas été en mesure d’indiquer le moment où le Service animalier pourrait recevoir des citoyens dans son nouveau local. Elle demande toutefois aux citoyens de ne pas apporter d’animaux.

Silence radio du MAPAQ

Alors que notre journaliste a adressé plusieurs questions par courriel au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), ce dernier n’a toujours pas donné de retour.

Rappelons que le SAPDSR avait été dans l’obligation de quitter son ancien local aussi situé sur la route Marie-Victorin pour répondre aux normes imposées par le MAPAQ.

Puis, en décembre 2022, le MAPAQ informait le SAPDSR qu’il ne serait pas possible d’occuper un deuxième local de transition.

Finalement, Laurence Levert-Charbonneau précise que le CA n’a pas informé le MAPAQ concernant cette nouvelle bâtisse de transition située au 92, rue Élizabeth. « C’est dans les plans, mentionne-t-elle. Quand on va avoir exactement les autorisations des villes partenaires, on est en train de préparer une communication avec le MAPAQ. »

Le conseil d’administration pointé du doigt

Les problèmes rencontrés par le Service animalier Pierre-De Saurel et Régions (SAPDSR) seraient dus à un conseil d’administration (CA) « toxique », selon ce que rapportent l’homme d’affaires Jean Cournoyer et trois sources anonymes bien au fait du dossier.

Rejoint par le journal Les 2 Rives, Jean Cournoyer a assuré être toujours prêt à accueillir l’organisme dans son local situé sur la route Marie-Victorin. « Mon local n’est pas loué, même si certains membres du CA prétendent le contraire, lance-t-il d’emblée. Je peux encore les accueillir, mais pas avec le CA en place qui est toxique. Ils doivent travailler pour le bien-être de l’organisme, mais ce n’est pas le cas. Les employés permanents et Karine Benisti [directrice générale] sont extraordinaires. Ils travaillent pour le bien des animaux, mais ils sont muselés par le CA. »

L’homme d’affaires affirme même qu’il réfléchit à démarrer un nouvel organisme (refuge animal) pour régler la situation. « Je vais en partir un et le mettre dans mon local. Je serais même prêt à engager les employés actuels de l’organisme », soutient-il.

Rappelons que selon l’entente entre l’organisme et la Ville de Sorel-Tracy, cette dernière peut la résilier et la déléguer à un tiers en cas de manquement.

Trois autres personnes bien au fait de la situation ont affirmé sous le couvert de l’anonymat que le CA est au cœur des problèmes que rencontre le Service animalier. Selon eux, plusieurs employés n’étaient pas d’accord avec la décision du CA de s’installer temporairement dans l’ancien restaurant L’Aquarelle. Si bien que certains employés ne désirent pas y travailler.

D’ailleurs, le 20 décembre, quatre administrateurs du CA, soit Laurence Levert-Charbonneau, Karine Villiard, Pamela Abbott et Marc-André Matton, ont cosigné une lettre transmise aux employés qui ne s’étaient pas présentés à une rencontre d’information la même journée. Dans celle-ci, ils leur demandaient d’indiquer, d’ici le 22 décembre, leur intention de se présenter ou non au travail en janvier 2023. Advenant un refus de travail au 92, rue Élizabeth, ils prévenaient qu’ils seraient dans l’obligation de mettre fin à leur emploi.

Rappelons qu’en novembre, Sophie Lavallée, une administratrice du CA, avait démissionné parce qu’elle n’était « pas d’accord avec la façon dont procède le CA ».

La présidente du CA, Laurence Levert-Charbonneau, assure qu’il n’y a aucun problème sur le CA et qu’ils travaillent pour le bien-être de l’organisme.

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