10 novembre 2015 - 00:00
Les conditions imposées par Ottawa déçoivent le milieu
Par: Julie Lambert

Après un arrêt ministériel ordonné par la ministre de l’Environnement, Catherine Mckenna, la Ville de Montréal procédera au déversement de huit milliards de litres d’eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent cette nuit. S’ils se réjouissent des mesures de surveillance supplémentaires imposées par Ottawa, les maires de la région sont plutôt déçus du dénouement de ce dossier.

La ministre McKenna a signé, lundi soir, un nouvel arrêté ministériel ordonnant à Montréal de faire des «modifications» à son plan de déversement. Mme McKenna a déclaré dans les médias que le déversement pourrait se faire rapidement si la Ville acceptait ses quatre conditions (voir tableau).

La Ville de Montréal a annoncé qu’elle procéderait au déversement de ses huit milliards de litres d’eaux usées en respectant les conditions émises par la nouvelle ministre, dès minuit, ce soir et ce, pour sept jours.

Le maire Denis Coderre a mentionné en conférence de presse que son plan remplissait déjà les conditions exigées par la ministre. « Déjà, on a dit oui aux conditions. C’est réglé, il va y avoir déversement », a-t-il déclaré en précisant que la Ville rendrait son protocole public.

La réalisation des nombreux tests demandés par le fédéral n’a pas non plus dérangé le maire Coderre. « Je n’ai aucun problème avec ça, on veut tous une chose: c’est protéger le fleuve. »

Déception régionale

La mairesse de Contrecoeur, Suzanne Dansereau, pense que cette histoire a été une véritable tempête dans un verre d’eau et qu’il y a eu « un battage médiatique inutile. »

« C’est un dossier politique. On arrive aux mêmes conclusions malgré tout. Montréal n’avait sûrement pas négligé ces aspects avec tous les experts qui ont travaillé au dossier. Plusieurs villes ont joué aux vierges effarouchées alors qu’elles font elles-mêmes des déversements dans le fleuve depuis des années », a-t-elle réagi.

Le conseiller responsable de l’environnement au Conseil des Abénakis, Alexis Wawanoloath, croit que le ministère a manqué à ses devoirs dès la réception de la demande de la Ville de Montréal en 2014.

« Il savait déjà ce que la Ville voulait faire. Après notre lettre, on nous a consultés, mais les délais étaient trop courts. On a dû rappeler aux deux ministères leurs devoirs constitutionnels. Même si on demande une surveillance plus accrue, il y a eu une grosse lacune puisqu’aucune étude d’impacts n’a été réalisée », déplore-t-il.

Le maire de Sorel-Tracy, Serge Péloquin, qui avait fortement exprimé son opposition au projet dans les médias, est plutôt satisfait des conditions imposées par le fédéral.

« On espère que la Ville de Montréal respectera les recommandations. On ne veut pas que cela ait de l’impact sur notre biodiversité. On a demandé des mesures supplémentaires pour protéger les îles. Une équipe spéciale suivra certainement les opérations tout comme nous. »

C’était le meilleur des pires scénarios, a de son côté exprimé le maire de Sainte-Anne-de-Sorel, Michel Péloquin. Selon lui, plusieurs bonnes nouvelles ont été annoncées par le ministère, soit que les eaux de la Ville de Montréal devront être désinfectées en 2018.

« Je suis désolé de cette situation, mais il y aura des suivis rigoureux des ministères et de la Ville de Montréal. La Ville nous a également promis que si des matières solides étaient trouvées dans notre secteur, elle viendrait les ramasser. Un bon pas en avant sera réalisé avec la désinfection puisque toutes les eaux usées sortiront en meilleure qualité. »

La MRC de Pierre-De Saurel a exigé en 2008 des gouvernements l’argent nécessaire afin d’assurer l’assainissement des eaux usées entre Montréal et Trois-Rivières.

Un souhait que chacun des maires désire voir s’accomplir comme celui de Saint-Joseph-de-Sorel, Olivar Gravel. Il est très mécontent de la décision du gouvernement. Il a l’impression que la région fait un bond en arrière.

« Chaque fois, la Ville de Montréal promettait de solutionner ce problème de déversement de ses eaux usées mais ne prend pas ses responsabilités en ce sens. C’est troublant de savoir depuis longtemps que les produits pharmaceutiques qu’on y déverse affectent les organes des poissons. Et notre santé? Qu’en est-il? », se questionne-t-il.

Les quatre conditions imposées à la Ville de Montréal
1 – Elle doit assurer une surveillance visuelle des panaches de l’effluent afin de cerner les lieux d’accumulation. Elle doit aussi mettre en place, si besoin, des barrages flottants ou d’autres mesures si des matières remontent à la surface et qu’elles s’accumulent. Elle doit prendre les mesures nécessaires pour assainir ces secteurs.
2 – La Ville doit préparer et mettre en œuvre un plan de gestion concernant les rejets imprévus provenant de grosses installations industrielles, institutionnelles ou commerciales dans les égouts de la municipalité pendant la période de la construction.
3 – Elle doit fournir au ministère de l’Environnement les données et les résultats relatifs à la qualité de l’eau, à la qualité de l’effluent et à la surveillance des sédiments et de la flore aux points de rejet de l’effluent non traité de même qu’aux endroits choisis en aval du panache du projet, et ce, jusqu’en juin 2016.
4 – La Ville de Montréal doit participer à un examen exhaustif des événements menant à l’incident, examen qui sera dirigé par le ministère de l’Environnement et auquel prendront part ceux qui pourraient être touchés par le rejet, notamment les communautés des Premières Nations des environs et la province.
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