26 août 2025 - 08:21
Les poulets d’Auschwitz
Par : Deux Rives

Disposant d'une longue feuille de route dans le journalisme à Sorel-Tracy, avec plus d'une quarantaine d'années d'expérience dans les médias écrits dont le journal La Voix, Daniel Lequin a accepté de nous partager sa plume de temps à autre pour des chroniques.

Question de vous rassurer, oui, j’aime bien manger du poulet. Toutefois, une réflexion m’est venue l’autre jour quand soudainement, un énorme camion a littéralement surgi devant moi.

Vraiment, j’ai fait un saut!

Pas nécessairement à cause du camion, mais plutôt de ce qu’il transportait.

Il était chargé à bloc. Disons que ça devait être un voyage payant.

Vous vous demandez ce qu’il contenait? Il était rempli de cages bourrées de poulets vivants. Ceux-ci étaient entassés dans chacune des cages de sorte qu’ils ne pouvaient même pas se lever. Honnêtement, c’est venu me chercher.

À vrai dire, le poulet que je déguste doit nécessairement traverser cette étape. Je le comprends très bien et je ne veux pas faire la défense de ces petites bêtes finalement nées pour être dégustées. Là n’est pas ma réflexion.

Toutefois, d’un seul coup, une image m’a traversé l’esprit. J’ai immédiatement pensé aux prisonniers d’Auschwitz.

Lors de ma participation au marathon de Berlin en 2015, j’avais volontairement fait un détour vers la Pologne pour visiter cet endroit. Je tenais à prendre conscience de la cruauté humaine.

Je me souviens des wagons de train sur place dans lesquels on entassait des êtres humains, de la même façon que ce camion de poulets. Puis, comme ces derniers, on les dirigeait vers les chambres à gaz où une fois de plus, on tentait de les entasser le plus possible pour les faire périr alors qu’ils croyaient qu’ils allaient prendre une douche.

Comme vous pouvez le constater, cette visite m’avait bouleversé au constat des atrocités permises par des humains envers d’autres humains.

Alors, vous comprendrez que lorsque j’ai aperçu ce chargement de poulets qui devaient prendre la direction de l’abattoir, j’ai trouvé que la comparaison se tenait debout.

Impossible d’effacer ces images, d’imaginer les scènes d’Auschwitz.

Si je reviens aux poulets, c’est normal de voir un tel chargement. Les êtres humains doivent se nourrir et c’est le même phénomène qui se produit avec d’autres animaux qui sont élevés sur des fermes pour éventuellement, se diriger assurément vers l’abattoir. Tout ce qu’il y a de plus logique.

Parfois, j’en viens à me poser des questions sur l’intelligence des humains. Comment peuvent-ils se conditionner à léser d’autres personnes, peu importe la façon utilisée ?

Il existe tellement d’exemples au cours de l’histoire de la civilisation pour comprendre ce phénomène. Et pourtant, certains vont continuer pour une seule et unique raison : l’argent, le pouvoir et leur égoïsme.

Mon regard s’est rapidement détourné de ce camion de poulets, car mes pensées sont parties en vrille et je préférais m’en éloigner.

Une fois à la maison, j’en ai glissé un mot à Pasquale. J’ai fait état de cette comparaison. Elle m’a écouté et n’a pas répliqué.

Elle qui ne voulait pas visiter Auschwitz, qui m’a accompagné pour me faire plaisir et qui a quitté les lieux avec un sérieux mal de tête et des souvenirs qu’elle aurait bien pu se passer.

Alors, vous comprendrez que lorsque je lui ai ramené le tout à l’esprit, elle ne tenait pas vraiment à en ajouter davantage.

Et pourtant, elle aussi adore le poulet !

image
image